WONCA 2023 - Activité physique, activités sociales : une prescription encore difficile pour les médecins

  • Daniela Ovadia
  • Actualités Congrès
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L'activité physique est essentielle dans la prévention et la prise en charge de la plupart des maladies chroniques. Depuis 2017, les médecins généralistes français peuvent prescrire diverses activités physiques (entièrement ou partiellement prises en charge). Ce sujet et ce focus français a fait l’objet d’une communication au WONCA, Congrès Européen de Médecine Générale qui s’est déroulé du 7 au 10 juin à Bruxelles.

"L'initiative a cependant eu peu de succès et diverses enquêtes ont mis en évidence les principaux obstacles : le manque de temps et de formation du médecin, qui ne sait pas comment et quoi prescrire, ainsi que les ambiguïtés, y compris bureaucratiques, sur la valeur de la prescription", a expliqué Paul Hagiu Dragos, chercheur au département de médecine générale de la faculté de médecine Jacques Lisfranc de l'université Jean Monnet à Saint-Étienne, en France. Paul Hagiu Dragos et ses collègues ont présenté, la stratégie qu'ils ont employée pour développer un outil informatique facilitant la prescription d'activité physique dans un contexte de médecine générale.

"Nous avons développé cet outil d'aide à la prescription en quatre étapes", explique-t-il encore. "Nous avons commencé par une revue de la littérature sur les obstacles motivationnels et pratiques auxquels se heurtent les médecins, nous avons développé des algorithmes de prescription sur la base de la revue de la littérature existante, nous avons mis un prototype en ligne et nous avons enfin évalué son efficacité.

L'outil est disponible sur le site sportsanteclic.com et fournit au médecin des conseils sur la manière de prescrire une activité physique dans les cas d'hypertension, de diabète, de dépression, de maladie artérielle périphérique, d'insuffisance cardiaque et d'obésité. Les suggestions tiennent compte des contre-indications liées aux maladies elles-mêmes et des caractéristiques, notamment comportementales, des patients. Les médecins français peuvent également générer un code QR qui facilite l'utilisation de l'application. Les recherches de Paul Hagiu Dragos se poursuivent et les données sur l'efficacité de cette intervention sont en cours de collecte.

Pas seulement l'activité physique

La prescription d'activité physique peut faire partie de ce que l'on appelle « la prescription sociale », un élément clé d’une prise en charge personnalisée. Il s'agit d'un moyen d'orienter les patients en soins primaires vers des activités communautaires susceptibles d'améliorer leur santé et leur bien-être, et souvent de lutter contre l'isolement et la solitude. Ces activités vont des groupes d'artisanat aux programmes d'activité physique, en passant par la danse, la photographie et le jardinage, qui, outre leur objectif premier, permettent également aux gens de se rencontrer. 

Lors de WONCA 2023, les médecins généralistes, réunis au sein du groupe d'intérêt EURIPA, ont organisé un atelier pour leurs collègues désireux de se familiariser avec les méthodes et les outils de prescription sociale. Une enquête menée par les membres de l'EURIPA auprès d'environ 150 médecins généralistes de toute l'Europe montre que le terme est encore peu connu, mais que le sens (et les motivations) de cette pratique sont compris et partagés.

"La prescription sociale présente des avantages, prouvés par la littérature scientifique, en termes de réduction des visites chez le médecin, de renforcement du capital social, de développement personnel des individus et de bénéfice pour la communauté de référence", a expliqué Ferdinando Petrazzuoli, médecin généraliste dans la province de Caserta (Italie) et membre du conseil d'administration de la WONCA Europe. 

Parmi les obstacles identifiés par les personnes interrogées, il y a le paiement des activités, puisque pour 42% des répondants le médecin devrait se limiter à prescrire des activités gratuites et pour 20% seulement partiellement aux frais du patient. "D'un point de vue personnel, les médecins évitent de prescrire des activités sociales parce qu'ils ont peur d'être en terrain inconnu, de ne pas contrôler les conséquences ; ils ont des doutes sur la qualité et la sécurité des interventions sociales, et estiment qu'ils ont besoin de temps (dont ils manquent le plus souvent) pour établir un dialogue et une confiance avec le patient de sorte qu'ils puissent suggérer des activités sociales en tant que thérapies sans que cela ne compromette la relation professionnelle", poursuit Ferdinando Petrazzuoli.

Dans les pays où la prescription sociale est plus développée, comme dans certains pays d'Europe du Nord et en Irlande, les médecins généralistes ne sont pas seuls mais sont soutenus par des infirmières et des travailleurs sociaux qui aident à gérer ce type de prescription, facilitant le lien entre le médecin et sa communauté de référence, une condition préalable nécessaire pour pouvoir donner les bons conseils et contrôler leur efficacité.