Violences conjugales : le Parlement adopte la proposition de loi pour lever le secret médical
- Stéphanie Lavaud
- Nathalie Barrès
- Actualités Médicales par Medscape
ACTUALISATION
Paris, 22 juillet 2020--Le Parlement a adopté ce jour la proposition de loi visant à mieux protéger les victimes de violences conjugales. Elle donne notamment la possibilité aux médecins de signaler des violences conjugales sans accord de la victime, en cas de danger immédiat. Le texte alourdit aussi les peines en cas de harcèlement au sein du couple, les portant à dix ans d'emprisonnement lorsque le harcèlement a conduit la victime à se suicider ou à tenter de se suicider. Il condamne la géolocalisation d’une personne sans son consentement et crée une circonstance aggravante en cas de violation du secret des correspondances par un conjoint ou ex-conjoint, pour mieux lutter contre les « cyberviolences conjugales ». Concernant les enfants, elle rend possible la suspension de l’autorité parentale. Elle renforce, enfin, la protection des mineurs concernant l’exposition à la pornographie. A l'initiative de sa rapporteure Marie Mercier (LR), le Sénat a imposé un contrôle d'âge aux éditeurs de sites pornographiques, confiant au Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) un nouveau pouvoir de régulation.
Violences conjugales : l’Ordre des médecins soutient la possibilité d’un signalement sans accord de la victime
France, 13 décembre 2019— Réuni en session plénière le vendredi 13 décembre, le Conseil national de l’Ordre des médecins (CNOM) a choisi, à une très large majorité, de soutenir la possibilité d’un signalement sans accord de la victime [1]. Cette décision fait écho aux propositions du Premier Ministredans le cadre du Grenelle sur les violences faites aux femmes [2] et répond à la demande d’un certain nombre de médecins eux-mêmes, notamment de chirurgiens plasticiens.
Donner la possibilité d’un signalement sans accord de la victime
Entre le Grenelle gouvernemental et les messages dénonçant les féminicides placardés par les associations féministes dans les rues, l’incitation à l’action contre les violences conjugales n’a jamais été aussi visible. La profession médicale, en première ligne pour repérer ses violences, s’est, elle aussi, fortement mobilisée, sous forme de tribunes notamment. De son côté, le Conseil national de l’Ordre des médecins, réuni en session plénière le vendredi 13 décembre, a choisi, à une très large majorité, de soutenir une évolution de l’article 226-14 du Code pénal, donnant la possibilité d’un signalement sans accord de la victime [1].
Signalement au procureur de la République
« Cette évolution, inscrite dans la proposition de loi visant à protéger les victimes de violences conjugales, permettrait à tout médecin ayant l’intime conviction que sa patiente est en danger vital immédiat et qu’elle se trouve sous l’emprise de l’auteur des violences d’en informer le procureur de la République » écrit l’Ordre. Elle fait suite à « son engagement plein et entier dans le Grenelle des violences conjugales » (voir encadré ci-dessous). Le changement est de taille : car si « le médecin resterait tenu de s’efforcer d’obtenir l’accord de la victime à un signalement ; en cas de refus, il serait alors tenu de l’informer du signalement fait au procureur de la République ».
Grenelle contre les violences médicales et levée partielle du secret médical
Le gouvernement a lancé le 3 septembre dernier le premier Grenelle contre les violences conjugales. Cette mobilisation inédite s’est clôturée le 25 novembre dernier sous la forme de 30 mesures pour prévenir les violences et protéger les femmes et leurs enfants, partout et à tout moment [2].
L’une d’entre elles, la mesure 6, prévoit que les professionnels de santé pourront lever le secret médical en cas de danger immédiat pour la victime, une évolution travaillée en concertation avec le Conseil national de l’Ordre des médecins. « Quand il y a un risque sérieux de renouvellement des violences, quand cela peut sauver des vies, nous pouvons offrir aux médecins de briser le secret médical, afin de ne pas fermer les yeux en gardant pour soi une alerte pouvant éviter un drame », avait précisé le Premier ministre, Edouard Philippe, en présentant ces mesures tout en précisant que déroger au secret médical en signalant l’existence d’un danger immédiat pour la victime serait « possible-mais non obligatoire ».
Pas de modification du code de déontologie
Pour autant, pas question de remettre en cause le principe fondamental du secret médical. « Cette dérogation permissive », écrit le CNOM « permettant de protéger les victimes et les médecins faisant un signalement en cas d’urgence vitale immédiate » et « rédigée en concertation avec l’Ordre », ne saurait modifier en aucune façon le principe de confidentialité médicale qui est la « base de la relation de confiance entre un patient et son médecin ». D’ailleurs, précise l’Institution, « cet aménagement du Code pénal n’entraînera pas de modification du code de déontologie pour ce qui concerne le secret médical ».
Cas d’urgence vitale immédiate
En revanche, pour encadrer cette évolution majeure sur un point si essentiel du Serment d’Hippocrate, le Conseil national de l’Ordre des médecins demande que « l’examen de la proposition de loi par les parlementaires permette de préciser que cette disposition s’applique en cas d’urgence vitale immédiate, et qu’elle soit renforcée par la désignation d’un procureur de la République dédié aux violences conjugales, à qui les signalements des médecins pourraient être adressés ». Cela permettrait, considère le CNOM, de renforcer l’accompagnement des victimes, à l’instar de ce qui existe pour les signalements préoccupants concernant des victimes mineures (par exemple, les filles à risque de mutilations génitales).
La levée partielle du secret médical est-elle contre-productive ?
Même dans ce cas précis, la levée partielle du secret médical ne fait pas l’unanimité au sein de la communauté médicale et du milieu associatif. Dans une tribune publiée dans l’Obs le mois dernier [3], 65 médecins ont lancé un appel : « Nous, médecins signataires de cette tribune, appelons nos consœurs et confrères à jouer un rôle majeur dans la détection et la prévention des violences » incitant les praticiens « à se saisir systématiquement des outils de dépistage comme des questionnaires simples, qui existent déjà » et faisant référence aux récentes recommandations de la Haute Autorité de Santé.
Réclamant aussi « l’ouverture de formations », « leur financement » et « des dispositifs de réseaux de prise en charge coordonnée associant professionnels et associations », ils se montraient, en revanche, opposés à la levée du secret médical : « Nous demandons que les médecins soient formés pour pouvoir interroger et accompagner les femmes, mais il ne s’agit en aucun cas de lever le secret médical », précisait alors le Dr Gilles Lazimi (médecin généraliste, militant associatif membre de SOS Femmes 93 et du Collectif Féministe contre le viol) dans la tribune. « Le médecin doit accompagner la femme en respectant son choix, c’est elle qui doit porter plainte », soulignait-il. « Lever le secret médical serait rompre le lien de confiance » expliquait-il au micro d’Europe 1 le 18 novembre dernier.
Article initialement publié par MEDSCAPE.
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