Violence obstétricale : de quoi parle-t-on et comment y faire face ?
- Carlotta Micaela Jarach
- Actualités Médicales
Récemment, un nouveau-né est décédé tragiquement, écrasé par sa mère, qui s’est endormie épuisée par un accouchement particulièrement long. L’affaire a attiré l’attention des médias italiens sur la question de la violence obstétricale (VO). Selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), une VO est définie comme une négligence, une violence physique ou un manque de respect survenant pendant l’accouchement. L’OMS a décrit les mesures fondamentales à prendre à différents niveaux pour prévenir la VO, en particulier par les systèmes de santé, dans une prise de position datant de 2014.
Abus sexiste
Considérée comme une forme d’abus sexiste, la VO a été décrite pour la première fois en Amérique latine au début des années 2000. Elle est aujourd’hui répandue et est en augmentation dans les pays d’Europe.
Dans la littérature scientifique sur le sujet, la VO semble fortement corrélée à un manque de communication entre le personnel de santé et les femmes enceintes. Elle paraît davantage liée à un comportement autoritaire et paternaliste qu’à de réels problèmes médicaux. L’implication active des femmes dans la prise de décision concernant l’accouchement et les soins post-partum semble réduire l’incidence de la VO. Les femmes enceintes qui sont plus impliquées semblent faire davantage confiance aux professionnels de santé et sont donc moins susceptibles de signaler un comportement irrespectueux et abusif.
Les estimations de la prévalence de la VO varient en fonction des pays, de l’établissement où a lieu l’accouchement et de sa définition. En Italie, inspirée par la campagne en ligne de 2017 « #Bastatacere : le madri hanno voce [#Stopausilence : les mères ont leur mot à dire] », la base de données sur la violence obstétricale (Obstetric Violence Database, OVO) a étudié le sentiment d’avoir été victime de VO dans un échantillon représentatif de femmes italiennes âgées de 18 à 54 ans qui avaient au moins un enfant.
En 2017, un peu plus de 20% des femmes interrogées considéraient avoir été victimes de VO ; 33% ont estimé qu’elles n’avaient pas reçu les soins adéquats et environ 35% ont signalé de graves problèmes concernant la vie privée. Du fait du traitement reçu, environ 15% des femmes ont décidé de ne pas retourner dans le même établissement de santé, et 6% ne souhaitaient pas vivre une nouvelle grossesse.
Au moment de la publication, les résultats ont suscité un débat entre les associations médicales concernées (l’Association des obstétriciens et gynécologues des hôpitaux italiens, la Société italienne de gynécologie et d’obstétrique [SIGO] et l’Association des gynécologues de l’Université italienne), qui ont immédiatement reconnu l’importance du sujet et accepté une invitation à une discussion plus approfondie sur les relations médecin-patiente. Elles ont émis des réserves concernant les méthodologies utilisées par l’OVO pour la collecte des données, en particulier concernant la représentativité de l’échantillon.
Manque de communication
« En général, les femmes qui prétendent avoir souffert de violence obstétricale ne le font pas parce qu’elles se sont vu refuser un aspect des soins, mais parce qu’elles ont vécu une expérience globale qui, pour quelque raison que ce soit, ne correspondait pas à leurs attentes », a déclaré Irene Cetin, professeure titulaire d’obstétrique et de gynécologie à l’Université de Milan et directrice du service d’obstétrique et de gynécologie de l’Hôpital Buzzi de Milan. « À la suite de l’exposé de l’OVO, la SIGO a également mené une étude à grande échelle dans toute l’Italie sur toutes les femmes ayant accouché au cours d’une période de trois mois. Cette enquête a dressé un tableau très différent. Bien sûr, des cas de violence obstétricale ont été identifiés, mais les résultats étaient plus contenus. Il s’agit d’un sujet très délicat, étant donné que chaque rapport que nous recevons à l’hôpital est toujours apprécié et examiné en détail, et les femmes viennent nous parler d’erreurs et de choses qui n’ont pas été faites correctement. »
Elle a ajouté : « L’expérience m’amène à dire que les plaintes concernant ce qui se passe en salle d’accouchement sont extrêmement rares. Ce que l’on nous remonte le plus, mais pas souvent pour autant, ce sont des problèmes rencontrés pendant le séjour à la maternité immédiatement après l’accouchement. » Il n’y a jamais assez de ressources, c’est la raison de la plupart des problèmes. « Les véritables difficultés se voient dans les services », poursuit I. Cetin, « où le rapport sage-femme/lit est de 1 ou 2 pour 30. C’est donc là qu’il est plus difficile de se sentir écoutée. Avec le COVID-19, la situation s’est encore aggravée, même si, au sein de mon hôpital, nous avons toujours garanti, non sans mal, la présence du partenaire en salle d’accouchement. »
Ce n’est que relativement récemment que les partenaires féminines ont été admises à l’hôpital. De plus, un certain nombre de services, comme des lits adaptés et des explications et informations sur la manière de créer un lien avec son enfant, sont désormais proposés. Ces étapes sont nécessaires pour garantir ce que l’on appelle « l’humanisation de la naissance », un processus dans lequel la femme est au centre de l’expérience et est le principal protagoniste de la naissance.
Manque de ressources
Cette tendance est également observée au niveau du système, où on déplore un manque d’organisation et de ressources. Peu de membres du personnel travaillent dans le service, encore moins des spécialistes dans le domaine de la psychologie, et les contacts sont presque inexistants après la sortie de nombreux hôpitaux et dans de nombreuses régions d’Italie. Il y a cependant quelques aspects positifs et de l’espoir pour l’avenir. « Pensez simplement », a déclaré I. Cetin, « à la manière dont les cours d’obstétrique ont évolué avec le temps. Une grande partie de l’enseignement et de la formation est désormais centrée sur les aspects émotionnels de la naissance. » Du côté du gynécologue, « la plupart des problèmes ont été hérités du passé », a déclaré I. Cetin. « N’oublions pas qu’il n’y a pas si longtemps encore, les femmes n’accouchaient pas à l’hôpital. La médicalisation de l’accouchement est responsable d’une baisse du taux de décès et de morbidité des femmes enceintes, mais, à l’origine, on s’intéressait peu à la façon dont les femmes se sentent dans cette situation, et notamment à la douleur physique. Depuis les années 1970, Leboyer de France et Miraglia d’Italie [défenseurs de la « naissance douce »] ont ouvert la voie à une façon de penser différente. Pour cette raison, je pense que la situation va s’améliorer avec le temps.»
« Pour améliorer continuellement la communication médecin-patiente », a conclu I. Cetin, « il pourrait être approprié de s’assurer que, même en phase de travail préparatoire, les femmes sont bien conscientes des complications possibles et des procédures d’urgence nécessaires et rapides qui peuvent être mises en œuvre par le personnel de santé. Ainsi, une relation de confiance pourrait être consolidée, et le sentiment d’avoir subi des abus du fait de ne pas voir été impliquées dans des décisions strictement médicales pourrait être atténué. »
Cet article a été traduit à partir de Univadis Italie.
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