VIH : tous les patients sont-ils égaux face à l’accès au traitement ?

  • Caroline Guignot
  • Résumé d’article
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À retenir

  • Selon une étude observationnelle française, le recours à la prescription des inhibiteurs d’intégrase (INSTI) n’est pas équivalent selon l’origine géographique des patients vivant avec le VIH (PVVIH) : en effet, les analyses multivariées montrent que le fait d'être né en France favorise le recours à cette classe thérapeutique, une fois ajusté sur les facteurs de confusion (grossesse, tuberculose associée). En revanche, aucune différence n’a été observée concernant le délai pour atteindre une charge virale indétectable, quel que soit le profil des PVVIH.

  • Les auteurs pensent que les différences en termes de prescription pourraient provenir de la crainte des médecins quant aux conditions sociales difficiles, à la difficulté d'adhésion au traitement et celle à se procurer les médicaments en cas d’aller-retours dans leur pays. Mais les données de cette étude montrent que la réussite du traitement, et donc l’adhésion des patients, est équivalente. Selon les auteurs, « ces craintes sont dépassées depuis la disponibilité des INSTI de deuxième génération, qui ont une barrière génétique élevée et moins d'effets secondaires que les inhibiteurs de la protéase boostés (IPB), ce qui contribue à augmenter l'adhésion au traitement ».

Pourquoi est-ce important ?

L'observance du traitement antirétroviral par les PVVIH est multifactorielle. Si elle est difficile à prévoir, il est établi en France que les PVVIH d’origine étrangère sont souvent moins observants. Cela pourrait être un argument pour prescrire des traitements alternatifs aux schémas thérapeutiques les plus récents et tolérés, comme le suggère une étude monocentrique française récente.

Étant donné qu’aucune limitation d’accès au traitement n’existe sur le plan administratif ou économique en France, le niveau socio-économique des PVVIH ne devrait pas avoir d’incidence sur la nature du traitement reçu. Aussi, les INSTI de deuxième génération (dolutégravir et bictégravir) qui sont bien tolérés et ont une puissance antivirale et une barrière génétique élevées, devraient être accessibles indifféremment, notamment chez ceux qui ont une charge virale initiale élevée, un faible nombre de cellules CD4+ ou qui ont une tuberculose associée (moindre risque d’interactions médicamenteuses). Seules des précautions s’imposent chez les femmes enceintes ou en âge de procréer (risque d'anomalies du tube neural). Il apparaît dans cette étude que d’autres paramètres semblent influencer le choix de la stratégie thérapeutique par les praticiens.

Méthodologie

Cette étude a été menée à partir de tous les patients ≥18 ans reçus dans l’un des 26 centres participant à la cohorte Dat'AIDS, qui avaient une charge virale plasmatique >400 copies/mL et qui recevaient une trithérapie pour la première fois à partir de début 2014 (date de disponibilité du dolutégravir en France).

Principaux résultats

Au total, les données de 9.094 PVVIH (34-37 ans en moyenne) ont été collectées et analysées. Parmi les participants, 48% étaient nés à l'étranger (29% en Afrique subsaharienne). Par rapport à ceux qui étaient nés en France, ils avaient en moyenne au diagnostic un taux de CD4+ plus faible (290 vs 404/mm3), avaient plus souvent une tuberculose (4,2 % vs 0,5%) ou une hépatite B associée (8,2 vs 1,5%).

Concernant la prise en charge, les personnes nées à l'étranger avaient eu un délai entre le diagnostic de l’infection à VIH et la première prescription d'ART légèrement plus long que celles qui étaient nées en France, et elles avaient moins souvent reçu un traitement comportant des INSTI que les autres (44% contre 56%).

Le fait d'être né en France était indépendamment associé au fait de recevoir une trithérapie comportant un INSTI (rapport de prévalence ajusté 1,73 [1,59-1,87]). Les INSTI étaient aussi plus souvent proposés à ceux qui avaient une charge virale élevée (1,19 à 1,32 selon le quartile de charge virale) ou une tuberculose associée (2,49 [2,02-3,06]). L’analyse multivariée maintenant l’origine géographique comme un facteur différenciant concernant l’accès aux INSTI.

La durée du premier traitement antirétroviral (dépendante de l’efficacité) était influencée par la nature du traitement initial, le sexe, l’existence d’une tuberculose et la charge virale initiale. L’origine géographique n’avait pas d’incidence.