Vers une « aide active à mourir » ?
- Serge Cannasse
- Actualités professionnelles
Avec son avis n°139 du 13 septembre 2022, le CCNE (Comité consultatif national d’éthique) a effectué un virage majeur de sa doctrine, puisqu’il envisage la possibilité d’une « aide active à mourir ». Cette aide peut prendre deux formes :
- L’assistance au suicide consiste à donner à une personne les moyens de se suicider elle-même ; en pratique, un médecin lui prescrit un médicament létal, qu’elle s’administre elle-même.
- L’euthanasie est « un acte destiné à mettre délibérément fin à la vie d’une personne atteinte d’une maladie grave et incurable, à sa demande, afin de faire cesser une situation qu’elle juge insupportable. » Cet acte est effectué par un médecin.
La loi Clayes-Léonetti du 2 février 2016 a ouvert le « droit à la sédation profonde et continue jusqu’au décès pour les personnes malades dont le pronostic vital est engagé à court terme, avec arrêt de tous les traitements. » Il y a deux différences essentielles entre cette loi et l’évolution législative esquissée par le CCNE :
- ce dernier envisage une aide « active » et non une démarche aboutissant de fait au décès du patient ;
- cette aide serait apportée quand le pronostic vital est engagé à moyen terme, c’est-à-dire quelques semaines ou quelques mois (de 6 à 12 mois dans les pays qui l’ont adoptée), et non plus à court terme (quelques heures ou jours).
Cette aide serait soumise à conditions. Elle serait « ouverte aux personnes majeures atteintes de maladies graves et incurables, provoquant des souffrances physiques ou psychiques réfractaires. » Ces personnes devraient disposer « d’une autonomie de décision au moment de la demande, de façon libre, éclairée et réitérée, analysée dans le cadre d’une procédure collégiale. » L’aide apportée devrait faire l’objet d’une trace écrite argumentée. La clause de conscience s’appliquerait aux médecins, avec obligation de référer le patient à un praticien susceptible de donner suite à sa demande. La loi devrait faire suite à un débat national et serait évaluée dans un délai maximal de 5 ans.
L’avis du CCNE insiste en effet sur la complexité des questions éthiques et sociétales mises en jeu et sur la quasi-absence de données fiables concernant aussi bien les demandes d’aide active à mourir que l’impact des dispositions législatives dans les pays qui l’ont adoptée sous une forme ou une autre.
C’est cette complexité qui motive en partie la « réserve » émise par huit membres du Comité, réserve et non désaccord, la nuance est importante. En effet, eux aussi envisagent l’évolution dessinée par l’avis, mais la jugent prématurée en raison de l’état des soins palliatifs en France et plus largement de notre système de santé, avec une crainte exprimée de démoraliser encore plus des professionnels de santé déjà bien éprouvés. Sur ce constat, l’ensemble des membres du CCNE convergent : « La très grande majorité des situations de fin de vie pénibles, voire inacceptables, résultent d’une mise en œuvre insuffisante, voire défaillante, des dispositions législatives et réglementaires en vigueur. La société française a besoin, avant toute réforme, d’une accélération des efforts entrepris ces dernières années en faveur des soins palliatifs et de la formation des professionnels de santé à leur usage. » L’innovation proposée par le CCNE ne doit pas occulter le fait que l’essentiel de leur avis pointe la nécessité d’une véritable politique de soins palliatifs, réclamée depuis quelques dizaines d’années par le Comité comme par d’autres instances publiques.
En tout cas, cet avis est une remarquable mise au point des questions éthiques et sociétales sur la fin de vie et des forces et insuffisances de nos politiques publiques sur le sujet.
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