Variole du singe : les leçons du SIDA
- Serge Cannasse
- Actualités professionnelles
Jusqu’à présent (début septembre 2022), l’épidémie de variole du singe a concerné essentiellement des hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH) et avec des partenaires multiples, en dehors de l’Afrique, son continent d’origine. Pour l’ECDC (European Centre for Disease Prevention and Control), l’agence européenne de surveillance épidémiologique, la probabilité de transmission du virus en population générale est faible. Mais elle n’est pas nulle. Dans sa déclaration du 23 juillet 2022, le Directeur général de l’OMS (Organisation mondiale de la santé) rappelait que le nombre de cas recensés dans les zones non pandémiques (17.000 dans 75 pays à cette date – 45.000 dans 96 pays le 31 août) était comparable à celui des cas de COVID-19 quand celui-ci a été déclaré urgence de santé publique le 30 janvier 2020. Il est donc crucial de cantonner la diffusion du virus aux populations à risque, dont les HSH qui, comme le soulignent leurs associations, servent de « rempart » de protection.
Comme le note Mélanie Heard dans un travail publié sur le site du think tank Terra Nova, les pouvoirs publics sont dès lors confrontés à un dilemme : soit leur stratégie de prévention est ciblée sur la population des HSH et des autres populations actuellement à risque, mais avec le danger d’une discrimination à leur égard ; soit leur stratégie est « universaliste », s’adressant à la population générale et évacuant donc le risque de discrimination, mais avec un risque d’efficacité faible sur la diffusion du virus.
Pour l’instant, les autorités de santé ont manifestement choisi la seconde alternative. Ainsi, note Mélanie Heard, « au 24 août, la page du ministère de la santé consacrée à la variole du singe ne donne aucune indication de groupe à risque. Il ne s’y trouve aucune information quant à des facteurs de risque, et la diffusion dans la communauté HSH n’est pas même évoquée. » En revanche, la plupart des associations de lutte contre le sida ont choisi la première.
Un faible nombre de cas, comme le SIDA à ses débuts
Elles rappellent que la stratégie « universaliste » qui a été adoptée contre le SIDA pendant de nombreuses années a conduit à ce qu’il y ait aujourd’hui plus de contaminations par le VIH chez les hétérosexuels que chez les HSH. Une analyse comparative dans différents pays européens a montré que « les pays ayant davantage ciblé leur prévention que la France n’ont pas connu de phénomènes d’intolérance plus forts. » Et Mélanie Heard ajoute que les autorités publiques n’ont mis en place aucun outil d’évaluation du risque de stigmatisation. Une fois de plus, l’apport des sciences sociales a été négligé.
La Haute Autorité de santé a dressé la liste des populations « cibles » : « les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes rapportant des partenaires sexuels multiples (sans précision de délai ni de nombre) ; les personnes trans rapportant des partenaires sexuels multiples ; les travailleurs-ses du sexe ; les professionnels exerçant dans les lieux de consommation sexuelle. » Elles représentent environ 250.000 personnes. Début septembre, moins de 40.000 avaient reçu une première dose de vaccin contre le Monkeypox. Au rythme actuel de vaccination, il faudra attendre fin décembre pour que l’ensemble des populations cibles soit couvert, par une seule dose (au lieu de deux). Pour les associations de lutte contre le sida, le risque de diffusion à la population générale est réel.
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