Vaccination anti-COVID-19 des enfants : un rapport bénéfice-risque pas simple à établir


  • Fanny Le Brun
  • Actualités Médicales
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Alors que la vaccination anti-COVID-19 des enfants « fragiles » de 5 à 11 ans devrait commencer dès le 15 décembre en France, le gouvernement prévoit de l’ouvrir à tous les autres enfants de cette tranche d’âge dès le 20 décembre, sous réserve d’avoir le feu vert des autorités compétentes. Cette vaccination des enfants devrait se faire sur la base du volontariat mais le débat sur son rapport bénéfice-risque étant loin d’être tranché, que dire à vos patients ?

Quels bénéfices individuels ?

Si la vaccination des enfants de 5 à 11 ans contre le COVID-19 fait autant débat, c’est qu’il n’est pas simple de montrer que le bénéfice apporté à cette population est supérieur aux risques potentiels encourus.

En effet, il est bien établi que globalement, les enfants sont peu affectés par les formes graves de COVID-19 qui se retrouvent surtout chez les adultes et plus rarement chez des enfants souffrant de comorbidités et de déficits immunitaires. Ainsi, le risque de développer une forme grave chez l’enfant est près de 25 fois inférieur à celui des adultes et une étude a montré que 21 % des enfants de 0 à 17 ans ayant souffert d’une forme sévère de COVID-19 présentaient des comorbidités alors que ces enfants ne représentent que 6 % de leur classe d’âge. Depuis mars 2020, 3 décès directement liés au COVID-19 ont été recensés chez les enfants âgés de 5 à 11 ans.

Dans de rares cas, des formes inflammatoires post-infectieuses ressemblant à la maladie de Kawasaki ont été relevées ch ez des enfants infectés par le SARS-CoV-2 : on parle de syndrome inflammatoire multisystémique pédiatrique (PIMS ou MISC). Cette inflammation sévère se déclenche 4 à 6 semaines après l’infection et, dans deux tiers des cas, atteint le cœur et entraîne des myocardites. Depuis le 2 mars 2020, 781 cas de PIMS ont été signalés par les pédiatres, 318 ont nécessité un séjour en réanimation et 199 en unité de soins critiques. Un premier travail conduit en Ile-de-France, incluant 106 cas de PIMS avec un lien confirmé avec le COVID-19, a montré que 26 d’entre eux présentaient des comorbidités.

Concernant la possibilité d’un COVID-long pédiatrique, dans la plupart des études, les symptômes prolongés ne persistent pas au-delà de 12 semaines chez les enfants, ce qui suggère qu’il pourrait moins concerner les enfants et les adolescents que les adultes. La Haute autorité de santé (HAS) note toutefois qu’il est difficile de différencier les symptômes prolongés de COVID-19 de ceux liés à un syndrome de « fatigue pandémique » et que les séquelles possibles à long terme demeurent encore inconnues.

La Société française de pédiatrie estimait en novembre que, « la vaccination contre le COVID des enfants âgés de moins de 12 ans n’est pas urgente », en attendant de mieux définir les bénéfices et risques individuels. Comme le souligne le pédiatre Robert Cohen : « chez les enfants, le COVID tue beaucoup moins que les méningites, les varicelles, ou encore les rotavirus, des maladies contre lesquelles on ne vaccine pas », alors que des vaccins sont disponibles.

Quels bénéfices collectifs ?

Si le bénéfice individuel ne semble concerner qu’une minorité d’enfants, notamment ceux souffrant de comorbidités et de déficits immunitaires, une autre question est de savoir si l’on veut vacciner les enfants pour les protéger eux-mêmes de l’infection ou pour protéger les adultes et la population dans son ensemble ?

Force est de constater que si les vaccins disponibles permettent de limiter les formes graves de COVID-19, ils ne sont pas aussi efficaces qu’espéré pour freiner la transmission du virus, surtout face au variant Delta plus contagieux. Vacciner les enfants de 5 à 11 ans limiterait donc la transmission du virus au sein de la population générale mais de façon relative, les gestes barrières restant indispensables, même lorsque la majorité des élèves sont vaccinés.

L’objectif depuis le début de cette pandémie ayant toujours été de protéger les populations contre les formes graves de COVID-19, certains estiment qu’avant de penser à vacciner les plus jeunes, il serait nécessaire de renforcer les efforts pour favoriser la vaccination des adolescents et des adultes.

Dans ce débat concernant le bénéfice collectif, il faut également prendre en compte le fait que le contrôle de l’épidémie constitue de toutes façons un bénéfice direct pour l’ensemble de la population, exposée quel que soit l’âge à la fois à l’impact de l’épidémie, à l’inquiétude qu’elle engendre et au poids des mesures de contrôle.

Quels risques ?

Concernant les risques, si les résultats des essais cliniques sont encourageants sur l’efficacité et la tolérance de cette vaccination chez l’enfant, il faut néanmoins souligner que les échantillons de participants sont relativement limités. Ils ne permettent pas de repérer d’éventuels effets indésirables rares, comme le risque de myocardite qui a été documenté suite à la vaccination des adultes et adolescents, principalement chez des jeunes hommes de 12 à 29 ans. Ces cas ont cependant été rares : globalement 11,5 cas sur 1 million pour le vaccin Pfizer-BioNTech et 36,2 cas sur 1 million pour le vaccin Moderna (raison pour laquelle la HAS a préconisé d’utiliser plutôt le vaccin fabriqué par Pfizer-BioNTech chez les hommes de moins de 30 ans). Chez les adolescents, ces myocardites ont pour la plupart été modérées et ont parfaitement répondu aux traitements.

La rareté des cas de myocardite ne permet pas d’appréhender ce risque dans un essai clinique : seules les données à venir « en vie réelle » permettront d’en savoir davantage. On peut toutefois rappeler que l’infection par le SARS-CoV-2 est également susceptible de déclencher une myocardite. D’après le cardiologue américain Matt Oster : « avoir le COVID est beaucoup plus risqué pour le cœur qu’être vacciné, quels que soient l’âge et le sexe ».

Les résultats doivent donc être complétés par d’autres études plus larges et par des données obtenues en vie réelle, certains pays comme les États-Unis ou Israël ayant déjà commencé à vacciner leurs enfants.

En conclusion, la question n’est pas de déterminer si la vaccination des enfants est utile pour protéger les adultes mais de savoir si les risques potentiels pour eux sont dépassés par un bénéfice individuel supérieur, à la fois en termes de santé mais aussi en termes de bien-être lié à un meilleur contrôle de l’épidémie… Les données en vie réelle nous éclairerons probablement sur ce sujet.