Vaccin AZ : la HAS recommande la reprise de la vaccination mais chez les 55 ans et plus uniquement

  • Stéphanie Lavaud

  • Nathalie Barrès
  • Actualités Médicales par Medscape
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France Le vaccin AstraZeneca a décidément bien du mal à trouver sa place dans la stratégie vaccinale de la Haute autorité de santé (HAS). Après avoir été un temps déconseillé chez les plus de 65 ans puis être revenue sur cette décision, la HAS recommande désormais – suite à plusieurs cas de coagulation intravasculaire disséminée (CIVD) et de thrombophlébite cérébrale (TVC) en Europe ayant conduit à suspendre les injections lundi dernier – de reprendre la vaccination sans délai. Au vu de ces événements rares mais graves survenus en majorité chez des femmes jeunes, et en attendant de plus amples données et analyses, elle décide toutefois de le réserver aux plus de 55 ans [1].

« Nous recommandons la reprise rapide de la vaccination avec le vaccin AstraZeneca » a affirmé d’emblée le Pr Dominique Le Guludec, présidente du collège de la HAS lors de la conférence de presse qui s’est tenue ce vendredi, dans la foulée de celle du comité d'évaluation des risques en matière de pharmacovigilance (PRAC) de l’Agence européenne du médicament hier.

Quasi-totalité des cas chez des personnes de moins de 55 ans

On se rappelle que suite à la survenue de cas d’évènements graves thromboemboliques et hémorragiques chez des personnes vaccinées par le vaccin AstraZeneca – ayant conduit, successivement plusieurs pays, dont la France –,  à suspendre l’utilisation de ce vaccin, l’EMA s'est penchée en urgence sur différents types de risque de complication thrombotique (phlébites, embolies pulmonaires…) d’une part et d’autre part des cas de coagulations intravasculaires disséminées et des thrombophlébites cérébrales, chez des personnes ayant reçu le vaccin AstraZeneca (détail ci-dessous).

Trois cas en France

À la date du 16 mars 2021, 18 cas de thrombose veineuse cérébrale (TVC) et 7 cas de coagulation intravasculaire disséminée (CIVD) ont été signalés à l’EMA par les États membres et le Royaume-Uni sur environ 20 millions de personnes vaccinées par le vaccin AstraZeneca. 25 événements ont entraîné le décès dans 9 cas. La quasi-totalité de ces cas sont survenus chez des personnes de moins de 55 ans dont une majorité de femmes. En France, au 16 mars 2021, un cas de CIVD (femme de 26 ans) et deux cas de TVC sans thrombopénies associées (homme de 51 ans et femme de 24 ans) ont été signalés pour 1,4 millions doses du vaccin AstraZeneca administrées.

« Ce que nous dit l’EMA, a exposé le Pr Le Guludec, c’est qu'il n'y a pas d'augmentation du risque global d’évènements thromboemboliques classiques chez les personnes vaccinées par le vaccin AstraZeneca et que les avantages de ce vaccin dans la lutte contre la Covid-19 continuent de l'emporter sur le risque d'effets indésirables ». Et faits importants : « pas de lien non plus avec un lot spécifique, ni un lieu de production » a-t-elle ajouté.

« Il y a donc tout lieu de reprendre une vaccination qui va sauver des vies », sans pour autant « ignorer pour autant les cas rares et atypiques qui ont été signalés ».

Réserver ce vaccin aux 55 ans et plus 

Néanmoins, comme l’a mentionné le PRAC, « la possibilité d’un lien entre le vaccin, et des cas de coagulation intravasculaire disséminée (CIVD) et de thrombose veineuse cérébrale (TVC) ne peut pas être écarté à ce jour » admet le Pr Le Gudulec.

D’autant que, « quand on compare ce que l’on connait de ces maladies, qui sont rares, à ce que l’on aurait dû observer avant la vaccination, on a 5 fois plus de cas de CIVD et 8 fois plus de cas de TVC, précise le Pr Elisabeth Bouvet, présidente de la commission technique des vaccinations (CTV) au sein de la HAS. Ces pathologies sont donc survenues, semble-t-il, plus fréquemment, bien que rares. Le phénomène mérite donc que l’on se penche dessus et que l’on en cherche la cause ».

Considérant que la plupart de ces événements sont survenus chez des patients de moins de 55 ans, la HAS recommande de réserver ce vaccin aux 55 et plus. « Ce qui ne devrait pas poser de problèmes car cette tranche d’âge est rarement prioritaire à ce stade et qu’il existe d’autres types de vaccins pour les soignants et les moins de 55 ans avec des comorbidités » a considéré le Pr Le Guludec.

En attendant d’avoir davantage d’informations, la HAS incite à reprendre sans délai la vaccination avec le vaccin AZ chez les 55 ans et plus, a redit le Pr Bouvet, l’objectif étant de vacciner tous les 50 ans et plus à un horizon de 2 mois. « D’ici là, nous aurons des données pour confirmer ou infirmer ce signal. »

À la question de savoir si les plus de 55 ans à risque de thrombose ou avec des antécédents qui viennent se faire vacciner doivent se voir délivrer un message spécifique, le Pr Le Guludec a répondu de façon très affirmative « qu’il n’y a rien à signaler, pas de surveillance particulière, aucun sur-risque pour les patients de plus de 55 ans vis-à-vis de ces pathologies très particulières qui n’ont rien à voir avec les cas de thromboses classiques ». « Il n’y a pas de sur-risque pour les plus de 55 ans quels que soient leurs comorbidités ou leur profil de risque de thrombose » a-t-elle insisté.

Quid de la deuxième dose ?

Va-t-on pouvoir administrer la deuxième dose aux moins de 55 ans qui ont reçu leur première dose de vaccin AstraZeneca. La question a été abordée par la HAS qui, « pour l’instant, n’a pas rendu d’avis » a indiqué le Pr Bouvet.

Sachant que « la HAS a préconisé d’espacer la deuxième dose de 12 semaines et que les premières personnes à être vaccinées avec le vaccin AZ l’ont été à partir de début février, cela laisse jusqu’à début mai » pour « mieux analyser ces situations et savoir ce qu’il faudra faire pour ces personnes ».

Il faut d’ailleurs s’attendre à ce que la HAS s’exprime à nouveau, « avec plus de données dans les semaines qui suivent ».

En conclusion, le Pr Le Guludec a tenu à redire « sa satisfaction de voir que les campagnes de vaccination vont reprendre, au même rythme, en utilisant toutes les doses que nous aurons. »

Cet article a initialement été publié sur le site Medscape.