Urgences : l’autodéclaration est loin de refléter l'intoxication alcoolique réelle

  • Caroline Guignot
  • Résumé d’articles
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À retenir

Selon une étude néerlandaise menée en service d’urgences, il existe une faible corrélation entre deux méthodes de dépistage de la consommation dangereuse d'alcool, l’une reposant sur l’autoquestionnaire AUDIT et le second sur le dosage sanguin de métabolites de l’éthanol (phospatidyléthanol).

Parmi les patients reçus et qui avaient des valeurs très élevées de PEth, ils étaient jusqu’à 40% à avoir un score suggérant une consommation à faible risque.

Ces résultats sont limités par le biais de non-réponse, ou d’incapacité des patients éligibles à pouvoir donner un consentement éclairé et invitent à conduire de nouvelles études permettant une exploration similaire sur une population éligible plus large.

Pourquoi est-ce important ?

Dans les services d’urgence, les visites liées à une consommation d’alcool sont fréquentes, et une part significative des personnes qui y sont accueillies et qui nécessitent des soins ont eu une consommation excessive d'alcool ou ont des troubles de l’usage de l'alcool qui contribuent au tableau clinique ou peuvent compliquer leur prise en charge. Aussi, des questionnaires administrés aux patients ont été développés pour dépister ces situations, comme le test AUDIT, portant sur différents domaines (consommation d'alcool, dépendance à l'alcool, problèmes liés à l'alcool) et coté en 4 stades compris entre 0 et 40 points à mesure que les problèmes liés à l'alcool étaient sévères. Cependant, certaines études suggèrent que le repérage des personnes ayant une consommation à risque avec un tel test est moins précis qu’un test sanguin visant à doser le phospatidyléthanol (Peth), un métabolite de l’éthanol dont la demi-vie est de 4 à 5 jours. Cette étude a donc souhaité étudier la corrélation entre les dosages de Peth, le score AUDIT et la consommation d'alcool autodéclarée au cours des 2 dernières semaines et des 24 dernières heures auprès d’une population adulte reçue au service des urgences.

Méthodologie

L’étude a été conduite de mars à mai 2019 auprès de tous les patients adultes qui se sont présentés aux urgences quel que soit le motif, qui ont dû avoir une prise de sang pour un bilan clinique standard et qui ont accepté de participer à l’étude (à l’issue du séjour en service d’urgences pour ceux dont l’état d’ébriété ne permettait pas d’obtenir le consentement). Tous ont rempli les questionnaires AUDIT, TLFB (auto-questionnaire permettant d'évaluer la consommation quotidienne d'alcool sur la période précédant l’arrivée aux urgences, ici sur deux semaines et sur 24 heures). Deux des homologues du PEth (16:0/18:1 et 16:0/18:2) les plus abondants et considérés comme les plus représentatifs de la consommation réelle d’alcool ont été dosés.

Principaux résultats

Au total, l’étude a été menée auprès de 301 patients (56,8% d’hommes, âge moyen 55,8 ans) qui avaient principalement consulté le service d’urgence pour un problème relevant de la cardiologie (21,6%), de la chirurgie (dont traumatologie, 11,6%), de gastro-entérologie (10%), 0,3 % étant motivés par des intoxications alcooliques.

Selon les dosages de PEth 16:0/18:1 et de PEth 16:0/18:2, respectivement 18% et 22% des patients avaient des valeurs indiquant une consommation modérée ou excessive d'alcool, parmi lesquels 23% et 38% avaient un taux reflétant une consommation excessive. Parallèlement, selon AUDIT, ils étaient 12% à avoir des troubles moyens ou élevés, dont 23% avaient des scores compatibles avec un niveau élevé. Enfin, selon le questionnaire TLFB, le nombre de consommation d’unités d’alcool sur 24h et sur les 2 semaines précédentes était respectivement compris entre 0 et 12, et 0 et 168.

Parmi les patients ayant un score de consommation à risque faible ou nul selon AUDIT, 1% et 4% avaient respectivement des valeurs PEth 16:0/18: et PEth 16:0/18:2 indiquant une consommation excessive d'alcool, et 10% et 12% avaient des valeurs correspondantes indiquant une consommation modérée. De plus, parmi ceux qui avaient les valeurs les plus élevées de PEth 16:0/18:1 et PEth 16:0/18:2 (12 et 25 patients respectivement), 25% et 40% d’entre eux appartenaient au score de risque AUDIT le plus faible. En revanche, la corrélation entre les taux sanguins de métabolites et les scores TLFB à 2 semaines étaient élevés.