Urgences. 1 : L’amoncellement des difficultés

  • Serge Cannasse
  • Actualités professionnelles
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Le 31 mai 2022, le Président de la République a annoncé le lancement d’une « mission d’appui visant à identifier d’ici le 28 juin de premières solutions opérationnelles pour faciliter l’accès aux soins urgents et non programmés, partout en France. » La Ministre de la santé a confié le pilotage de cette mission à François Braun, président de Samu-Urgences de France, syndicat regroupant des « membres du personnel médical participant à l’activité des Structures de Médecine d’Urgence ». Beaucoup se sont étonnés de cette initiative, alors que bon nombre d’études et de rapports ont déjà été publiés sur le sujet, que le diagnostic est largement consensuel et les solutions possibles connues, sinon partagées. Avant d’aborder les contours de la mission elle-même dans un deuxième article (Urgences. 2 : un panel de solutions), il n’est donc pas inutile de revenir brièvement sur l’état des lieux des urgences en France.

Des urgences embouteillées

Le recours aux urgences est en augmentation quasi continue depuis plusieurs années. En 2019, il y a eu 21,2 millions de passages contre 10,1 millions en 1992. Pour plus du quart, il s’agissait d’enfants de moins de 15 ans. Le principal motif de consultation était d’ordre traumatologique.

La plupart des services d’urgence ont du mal à faire face à cette augmentation, bien que la situation soit très variable selon les régions. Les raisons de leurs difficultés de prise en charge se situent aux trois niveaux : en amont et en aval du flux des patients, mais aussi au sein même des services d’urgences.

– En amont. 

La permanence des soins offerte par la médecine de ville est encore très imparfaite, beaucoup de départements n’assurant pas une offre suffisante. En cause, les problèmes de démographie médicale, une organisation non optimale et des tarifs de consultation jugés insuffisants. La situation est particulièrement critique concernant la gestion médicale des résidents en EHPAD (Établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes).

Il existe également des facteurs tenant aux patients : souhait d’avoir une offre pluridisciplinaire et un plateau technique (notamment petite traumatologie), difficultés socio-économiques (accès aux soins, compréhension du système). À noter que près de neuf patients sur dix (88%) ont consulté un médecin généraliste au moins une fois dans l’année précédant leur venue aux urgences et que 10 à 20% n’ont pas besoin d’explorations complémentaires ou d’un plateau technique. La Cour des comptes estime que 20% des patients consultant aux urgences pourraient être pris en charge en médecine de ville, si celle-ci était équipée et organisée pour cela.

– Au sein des services d’urgence. 

Le manque de personnel médical et infirmier est la raison la plus communément invoquée. Ainsi 77% des praticiens travaillaient à temps partiel en 2016 et le recours à l’intérim est fréquent. Une raison moins connue est le fait que les consultations sont tarifées à l’activité : une prise en charge minime est facturée comme une prise en charge importante. Les services ont intérêt à faire le maximum de consultations pour majorer leurs recettes et ne sont donc pas incitées à coopérer avec la médecine de ville pour répartir les patients. L’Assurance maladie aurait pourtant tout à y gagner, les prises en charge en ville revenant nettement moins cher que celles à l’hôpital.

– En aval. 

La difficulté à trouver un lit dans l’hôpital ou dans un établissement de soins de suite est fréquente, imposant la prolongation du séjour d’un certain nombre de patients.

En conclusion, les urgences étant situées à l’intersection de la médecine de ville et de la médecine hospitalière, elles subissent les dysfonctionnements de l’une et de l’autre. L’article suivant se penchera sur l’éventail des solutions proposées pour y remédier.