Une modélisation de la vulnérabilité africaine au Covid-19

  • Serge Cannasse
  • Actualités Médicales
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Quel est le risque d’une épidémie à coronavirus Covid-19 en Afrique ? Dans un article publié par le Lancet, une équipe de l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale – en collaboration avec l’Université libre de Bruxelles, The Oxford Martin Programme on Pandemic Genomics et l’Université de Californie Los Angeles) en propose une modélisation selon deux types de critères : la probabilité d’importation de cas en provenance de Chine et la capacité des pays à faire face à une épidémie. Égypte, Algérie et Afrique du sud sont les pays d’entrée du virus les plus probables. Ils sont aussi les mieux équipés pour y faire face, ce qui est loin d’être le cas partout sur le continent.

Méthodologie

Pour établir le risque d’importation du virus en Afrique, les chercheurs se sont basés sur le nombre de cas déclarés par province chinoise et sur l’intensité du trafic aérien entre les trois principaux aéroports de chacune de ces provinces (en dehors de Hubei en raison de la suspension des vols) et chaque pays africain.

Pour évaluer les capacités de réponse de chacun des pays, ils se sont basés sur deux scores. Le SPAR (State Party self-assessment annual reporting tool) est établi à partir des données fournies annuellement par chaque pays sur ses ressources sanitaires (législation, adhésion aux référentiels de l’OMS, savoir-faire des laboratoires, personnel médical, organisation des urgences, sécurité alimentaire, niveau d’équipement des centres de soins, communication publique). Le IDVI (Infectious Disease Vulnerability Index) tient compte de facteurs non directement sanitaires mais pouvant influer sur la réponse apportée à une épidémie : nombre et densité de population, niveau socio-économique, stabilité politique. Chaque score est noté de 0 à 100, la note la plus élevée correspondant à un niveau de préparation élevé (SPAR) ou une faible vulnérabilité (IDVI).

Résultats

L’Égypte, l’Algérie et l’Afrique du Sud sont les pays les plus exposés au risque d’importation du virus en Afrique en raison d’échanges commerciaux plus importants avec la Chine. Mais leurs scores SPAR et IDVI sont parmi les meilleurs du continent. D’autres pays, notamment le Nigeria, l’Éthiopie, le Soudan, l’Angola, la Tanzanie, le Ghana ou encore le Kenya, ont un risque plus faible d’importation du virus mais leurs scores SPAR et IDVI sont moins bons.

Les chercheurs ont enfin classé les pays en trois groupes selon les liaisons aériennes de provinces chinoises spécifiques avec ces pays. Un premier groupe comprenant 18 pays serait plus vulnérable en cas d’épidémie majeure dans la province de Pékin, un second comprenant 7 pays serait davantage exposé en cas de forte croissance de l’épidémie dans la province de Guangdong et un troisième groupe comprends deux pays risquant une importation uniquement depuis la province de Fujian.

Conclusion

Pour la directrice de l’équipe de recherche, Vittoria Colizza, « ce travail permet d’alerter les pays les plus exposés sur la nécessité de se préparer à l’éventualité d’introduction du virus. Pour plusieurs pays africains ayant de faibles ressources pour gérer une épidémie, les risques sont importants de ne pas disposer de l’organisation et des infrastructures pour la détection, le confinement, la prise en charge des malades, ce qui fait craindre un risque d’épidémie sur le continent. » Au 8 mars, plusieurs pays ont signalé des cas confirmés de Covid 19 (Maroc, Algérie, Tunisie, Egypte, Sénégal, Togo, Nigéria, Cameroun, Afrique du sud), avec un mort en Egypte.