Une méthode pour mieux dépister les épidémies hydriques en France

  • Serge Cannasse
  • Actualités Médicales
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Des épidémies d’origine hydrique surviennent chaque année dans les pays développés, le plus souvent sous forme de gastro-entérites aigües (GEA) provoquées par divers agents pathogènes (virus, parasites, microbes). Elles sont parfois massives, comme celles ayant touché 50.000 personnes en Suède en 2010 et 2011 ou celle responsable de plus de 1.500 cas à Vif (Isère) en 2016. Leur nombre annuel est estimé entre 4 et 5 en France, mais il est très probable qu’il soit sous-estimé. Elles sont en général provoquées par les mêmes événements : pluie massive entraînant une pollution de la ressource hydrique, incident d’exploitation (panne, …) ou de distribution (rupture de canalisation), retour d’eau usée dans le réseau d’eau potable. Certains réseaux d’alimentation en eau sont plus vulnérables, par exemple ceux dépendant de petits captages (montagne), difficiles à sécuriser.

En France, la surveillance de ces épidémies repose d’une part, sur le signalement volontaire par les médecins de cas groupés de GEA aux autorités de santé, et d’autre part, sur les contrôles sanitaires de l’eau. Aucune de ces deux approches n’est spécifique de l’origine hydrique d’une épidémie de GEA.

Pour y pallier, les épidémiologistes disposent de deux types de données : celles de l’Assurance maladie, qui fournit des cas de GEA agrégés par jour et par commune, et les contours géographiques des réseaux d’eau potable, qui cependant ne sont pas superposables à ceux des communes. Aussi une équipe de Santé publique France a construit un algorithme décisionnel définissant les communes à regrouper en fonction des unités de distribution d’eau qui les alimentent, puis a appliqué aux regroupements identifiés une méthode de détection d’agrégats (scan spatio-temporel de Kulldorff) pour repérer les épidémies hydriques potentielles.

Le processus a été testé sur 2.000 épidémies publiées dans la littérature, survenues en France et compatibles avec une origine hydrique. Sa sensibilité moyenne est proche de 74%. Elle varie principalement avec la taille des épidémies, inférieure à 20% pour celles impliquant moins de 10 cas et supérieure à 95% pour celles comportant au moins 10 cas. Sa spécificité moyenne est de 90,5%, un peu moindre en hiver du fait du nombre de GEA plus important à cette saison.

Une étude pilote effectuée dans 7 départements de 7 régions différentes a montré qu’il est possible d’envisager le déploiement d’un système de surveillance rétrospectif des épidémies hydriques basé sur cette méthode à l’ensemble des départements français, en complément de celles déjà disponibles. Un de ses intérêts serait de mieux apprécier leur nombre. Les auteurs de ce dispositif estiment qu’il permettrait de le multiplier par 100, soit environ 500 épisodes par an. Il autoriserait également une meilleure connaissance des manifestations et facteurs de risque de ces épidémies. Sa mise en œuvre demandera la coopération de plusieurs organismes : Santé publique France, les ARS et le ministère de la santé.