Une loi pour protéger les mineurs des réseaux sociaux
- Serge Cannasse
- Actualités Médicales
Aussi curieux que cela puisse paraître, il n’existe actuellement aucune définition des réseaux sociaux en droit français1. Aussi est-ce l’objet du premier article de la proposition de loi adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale le 2 mars 2023. Il stipule : « On entend par service de réseaux sociaux en ligne toute plateforme permettant aux utilisateurs finaux de se connecter et de communiquer entre eux, de partager des contenus et de découvrir d’autres utilisateurs et d’autres contenus, sur plusieurs appareils, en particulier au moyen de conversations en ligne, de publications, de vidéos et de recommandations. » Cette définition est conforme au Digital Markets Act (DMA) adopté par l’Union européenne (septembre 2022).
Pourquoi est-ce important ? Parce que cette proposition de loi2 « visant à instaurer une majorité numérique » émet plusieurs obligations aux « entreprises de services sociaux en ligne ». Son objet principal est de protéger les mineurs contre les effets nocifs de ces réseaux. Ces effets sont au nombre de trois : exposition aux fausses informations (voir par exemple sur Univadis : « Une profonde défiance de nombreux jeunes à l’égard de la science »), risques sur la santé mentale, risque de harcèlement.
Il est remarquable que l’exposé des motifs de la loi insiste particulièrement sur les dangers pour la santé des adolescents. Cependant, il convient de rapporter les deux précautions qu’émet le texte. D’une part, il n’y a pas d’étude française « relative à l’usage des réseaux sociaux et aux troubles mentaux chez les adolescents ». D’autre part, les données disponibles, étrangères, établissent des corrélations, des faisceaux d’arguments concordants, mais pas de relation de cause à effet. Ainsi, au Royaume Uni, « pour un équivalent de 5 heures par jour passées sur les réseaux sociaux, près de 50% des adolescentes britanniques présentent des symptômes cliniques de dépression, contre un peu moins de 15% chez les garçons. »
Maturité numérique fixée à 15 ans
Deux périodes semblent particulièrement critiques : les années qui entourent la puberté et le moment qui précède le départ du foyer familial. Il existe deux types de risques sur la santé : « primaires » (par exemple, addiction aux écrans, problèmes de sommeil, insatisfaction liée au niveau de vie ou au physique), « secondaires » (effets du harcèlement ou du « revenge porn » – vengeance pornographique, consistant à se venger d’une personne en rendant publics des contenus pornographiques où figure cette dernière).
Actuellement, la loi n’autorise l’usage des réseaux sociaux qu’à partir de l’âge de 13 ans. Mais en 2021, une enquête a montré que 63% des moins de 13 ans étaient inscrits sur un réseau social ou plus. Le plus souvent, les parents l’ignorent, alors que l’âge moyen d’obtention d’un premier smartphone est compris entre 9 et 10 ans. Ainsi à peine plus de la moitié d’entre eux décident du moment et de la durée de connexion de leurs enfants, et quatre sur cinq « déclarent ne pas savoir exactement ce que leurs enfants font sur internet ou les réseaux sociaux ».
La proposition de loi estime qu’il est important de fixer « un seuil de maturité nécessaire à partir duquel un mineur est apte à pouvoir s’inscrire seul, avec un consentement éclairé, sur une plateforme sociale. En-dessous de ce seuil, les plateformes devront recueillir la preuve de l’autorisation d’au moins un des titulaires de l’autorité parentale. » Le texte avance l’âge de 15 ans, en conformité avec les articles de la loi Informatique et libertés relatifs au consentement aux traitements de données à caractère personnel. C’est aux opérateurs de plateformes en ligne de faire respecter cette obligation, sous peine de sanctions (d’où l’importance d’une définition légale des réseaux sociaux).
Le quatrième article de la proposition de loi demande au Gouvernement de remettre un rapport « présentant les conséquences de l’utilisation des réseaux sociaux sur le bien-être et la santé mentale des jeunes, notamment des mineurs, » dans un délai d’un an après la promulgation de la loi. Avec l’espoir que la loi soit mieux respectée par les plateformes.
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