Une foule de signatures conventionnelles, sauf chez les médecins !
- Serge Cannasse
- Editorial
La rentrée des professions de santé montre un contraste frappant. Les médecins sont régis par un règlement arbitral depuis le printemps 2023, après l’échec des discussions conventionnelles 1. Celles-ci doivent reprendre dans les deux ans suivant l’adoption de ce règlement, mais pour l’instant aucune date n’a été fixée. L’ensemble des syndicats médicaux avait refusé l’accord proposé par l’Assurance maladie 2. En revanche, au cours de l’été, les syndicats de la quasi-totalité des autres professions de santé ont signé des avenants conventionnels. Ceux-ci prévoient des revalorisations tarifaires et souvent une extension des compétences des professions concernées, avec un accent mis sur la prévention, la prise en charge des patients vulnérables et l’incitation à s’installer dans les territoires sous-dotés.
Ces dispositions font manifestement partie d’une vaste réorganisation des soins, menée sous contrainte financière, sous l’égide du ministère de la santé (et du budget !) et avançant cahin caha depuis plusieurs années, avec comme mots d’ordre plus ou moins récents « coopération », « délégation de tâches », « coordination », etc. En dehors des médecins, les professions de santé ont plutôt à y gagner, la tendance actuelle étant à les « revaloriser », fortement poussée par la pénurie de médecins. Celle-ci crée des tensions bien connues que les autorités de santé sont tentées de régler le plus rapidement possible.
Les solutions prises en haut lieu sont souvent inspirées des initiatives de ces mêmes professions de santé, y compris médicales. Mais celles-ci sont peu ou pas associées à leur conception et à leur mise en œuvre. Tout se passe comme si les décideurs politiques agissaient en suivant une vieille leçon des économistes et sociologues de la santé : les médecins ne sont pas une force de proposition, leur pouvoir réside dans leur capacité de véto. Mais cette leçon est aujourd’hui obsolète. En revanche, ils ont vraisemblablement compris que le lieu commun et jamais vérifié de leur influence sur le vote politique de leurs patients avait du plomb dans l’aile après quelques décennies de contestation du « pouvoir médical », ce qui leur permettrait de prendre moins de gants à leur égard.
Or, il faut y insister : tout changement ne s’accomplit au mieux qu’avec la participation des principaux intéressés. Pour cela, il faut commencer par les écouter, même si leurs avis divergent et même si l’innovation est souvent le fait premier d’une minorité. Le discours tenu par les responsables syndicaux 3 pour justifier de la rupture des discussions conventionnelles est de ce point de vue éclairant. En substance, ils disent : « Oui, nous gagnons bien notre vie, ce qui est normal étant donné notre formation et nos responsabilités. Et nous travaillons beaucoup. Il est parfaitement vexatoire de prétendre que nous pouvons en faire plus et de conditionner toute revalorisation conséquente à cela. »
Peu de personnes contestent la nécessité de repenser le système de santé et en conséquence le rôle des médecins, en particulier des généralistes. Mais le succès dépend de la méthode. On prête à Victor Hugo cette phrase qu’il conviendrait de méditer : « La forme, c’est le fond qui remonte à la surface. » En somme, les moyens annoncent la fin. Quitte à être taxé de naïveté, on peut espérer que les futures discussions conventionnelles s’attachent à une élaboration collective du futur.
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