Une défense des complémentaires santé

  • Serge Cannasse
  • Actualités professionnelles
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Le système français d’assurance maladie se caractérise par le rôle important des complémentaires santé (mutuelles, instituts de prévoyance, assurances à but lucratif) : un même soin est pris en charge à la fois par elles et par l’assurance nationale. Cette place particulière a été souvent dénoncée, par des observateurs de tous bords politiques, mais aussi récemment par la Cour des comptes (juillet 2021). Le ministre de la santé, Olivier Véran, a envisagé la possibilité de s’en passer au profit d’une « Grande Sécu », une assurance maladie universelle.

Dans un travail effectué pour la fondation Fondapol (Fondation pour l’innovation politique), deux économistes classés comme libéraux, Nicolas Bouzou et Guillaume Moukala Same, prennent leur défense. L’argumentation se développe en trois temps.

1) Les complémentaires contribuent à l’accessibilité aux soins

L’augmentation des dépenses de santé a conduit les pouvoirs publics à instaurer un ticket modérateur, censé responsabiliser les patients, c’est-à-dire diminuer leur recours aux soins. Comme chacun sait, ça n’a pas marché, notamment parce que la part dévolue aux patients a été prise en charge par les complémentaires. Celles-ci jouent aujourd’hui un rôle fondamental dans l’accès aux soins : elles couvrent 96% des Français. C’est un système qui fonctionne bien, puisque le reste à charge moyen et la proportion de ceux qui renoncent à des soins sont parmi les plus bas des pays développés. Mais il ne fonctionne pleinement que grâce à la complémentaire santé solidaire (C2S), qui en principe permet aux plus démunis d’y accéder. Elle est financée par une taxe de solidarité additionnelle (répercutée sur les cotisations), dont les auteurs font remarquer que le montant total de ses recettes est quasiment le double du besoin de financement de la C2S, le reste allant dans les poches de l’assurance maladie.

2) Des critiques fondées, mais corrigibles

Une des critiques récurrentes du système mixte est que les coûts de gestion du public et du privé se cumulent, alors qu’il serait possible de réaliser des économies d’échelle en les fusionnant. De plus, les frais de gestion du privé sont nettement supérieurs à ceux du public. Les deux auteurs ne le nient pas, mais font remarquer que les frais de gestion sont « difficilement comparables car ils ne couvrent pas les mêmes périmètres » (par exemple, les frais de recouvrement des cotisations sont assurés par l’URSSAF et non par l’assurance maladie). De plus, le secteur privé est soumis à la réglementation européenne, qui entraîne des frais supplémentaires. Enfin, ils reconnaissent un inconvénient majeur des complémentaires : leur tarification en fonction de l’âge, qui conduit à défavoriser certaines catégories de la population.

3) Une capacité d’innovation supérieure à celle du public

Néanmoins leur argument essentiel n’est pas économique. Le marché des complémentaires étant concurrentiel, elles sont « incitées à innover afin d’attirer de nouveaux consommateurs et fidéliser leurs clients, » mais aussi à rationaliser leurs dépenses (leurs comptes doivent être à l’équilibre, contrairement à ceux de l’assurance maladie). Cela les conduit à promouvoir différents moyens :

  • Des contrats de différents types pour approcher chaque situation personnelle ;

  • Des services nouveaux non pourvus par l’assurance obligatoire, mais expérimentés par les complémentaires (« rôle d’éclaireur »), par exemple l’ostéopathie ;

  • L’amélioration du parcours de soins, par exemple grâce à la télémédecine ;

  • La création de réseaux de soins, notamment dans l’optique, le dentaire et l’auditif ;

  • Le développement de la prévention à court terme, par exemple pour l’obésité et le diabète, le long terme étant effectivement du ressort de l’assurance nationale ;

  • La proposition de services en dehors du seul système de soins stricto sensu, par exemple des ateliers de méditation ;

  • L’investissement dans des secteurs prisés par les clients, comme l’environnement.

En principe, ces moyens pourraient être mis en œuvre par l’assurance nationale et certains le sont effectivement. Mais les grands avantages des complémentaires sont leur réactivité et leur adaptation aux besoins des acteurs.

Trois propositions

Nos deux économistes se prononcent donc nettement en faveur des complémentaires. Ils leur reconnaissent des « faiblesses » mais font trois propositions pour y remédier :

  • Moduler le ticket modérateur en fonction de l’âge, sur un principe de solidarité intergénérationnelle ;

  • Supprimer les avantages fiscaux liés aux contrats collectifs, sources de dépenses qui ne profitent pas à ceux qui en ont le plus besoin ;

  • Réduire le taux de la taxe de solidarité additionnelle afin qu’elle ne couvre que les besoins de financement de la C2S.