Une année 2023 conflictuelle ?

  • Actualités Médicales
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Fin décembre 2022, plus de 5.000 médecins, soignants et agents hospitaliers ont formulé dans une tribune publiée par le Monde, « quatre propositions concrètes pour sauver l’hôpital public »1. Du côté de la médecine de ville, le collectif « Médecins pour demain » a réitéré son appel à la fermeture des cabinets entre Noël et le Jour de l’An, avec pour principale revendication le doublement des honoraires de consultation en médecine générale2. Si les deux mouvements témoignent sans conteste d’une crise profonde de notre système de soins, ils suivent deux logiques bien différentes.

Le cœur de l’argumentation des hospitaliers porte sur l’organisation des établissements : mise en place d’un ratio maximal de patients par infirmière selon le service et l’activité, revalorisation salariale tenant compte des contraintes d’horaires et de logement, autonomie des services hospitaliers et gouvernance partagée entre administration, médecins et paramédicaux, abandon de la tarification à l’activité comme principal mode de financement. Ces revendications sont étayées par de nombreux travaux sociologiques et des comparaisons internationales.

Les médecins du collectif « Médecins pour demain » suivent une argumentation typiquement libérale : la revalorisation des honoraires libérera les moyens nécessaires pour une meilleure efficacité de leur travail3,4. Les problèmes organisationnels ne sont pas abordés, sauf pour affirmer que la coordination avec les infirmières se déroule déjà très bien et que les infirmières de pratique avancée constituent un danger pour la qualité des soins. Le collectif est loin de faire l’unanimité parmi les syndicats médicaux, dont les principaux sont très prudents vis-à-vis des revendications avancées, voire carrément hostiles.

Ces deux façons d’aborder les problèmes tiennent en grande partie aux statuts différents des protagonistes : fonctionnaires d’un côté, professions libérales de l’autre. Mais les deux se rejoignent sur un point essentiel : la confiance et le respect qui doivent être donnés aux acteurs des soins, quelle que soit leur place dans le système de santé. C’est la condition pour que les discussions et les controverses entre administrations et professionnels, mais aussi entre professionnels eux-mêmes, soient fructueuses.

Elle n’est pas simple à réaliser, parce qu’elle témoigne d’une problématique en cours dans le fonctionnement des institutions, non réglée : l’articulation entre une organisation verticale où les décisions se prennent de haut en bas de l’échelle hiérarchique et une organisation horizontale qui repose sur l’initiative des acteurs.

Les professionnels de santé y ont un rôle clef, qui dépasse leurs revendications catégorielles, parce que le système de soins devient une des principales sources de richesse. C’est ce qu’explique l’économiste Daniel Cohen dans son dernier livre5, qui tente d’élucider la transition vers une société numérique. « On ne peut pas gérer le rapport aux humains comme on le faisait avec les matériaux de la société industrielle. Si la société numérique est le moyen d’apporter de la productivité aux activités de service, il faut tracer des lignes infranchissables dans la manière dont elle s’occupera des personnes. Les hôpitaux, les maisons de santé et de soin, qui ont remplacé les usines comme lieu central de la production, doivent disposer de la capacité technologique de penser par eux-mêmes le parcours du patient sans se soumettre à un protocole de rationalisation dont ils ne seraient que l’un des rouages. Tel est l’enjeu de la civilisation qu’on veut créer. »