Un plan pour reconstruire l’hôpital public

  • Serge Cannasse
  • Actualités professionnelles
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Quatre députés, membres du groupe Socialistes et apparentés à l’Assemblée nationale, et un conseiller de ce groupe ont présenté un « plan de reconstruction de l’hôpital public » [1], publié par la Fondation Jean Jaurès, organisme proche de la gauche socialiste dite « de gouvernement ». Pour eux, la crise de l’hôpital public est la conséquence de « plusieurs décennies de gestion comptable » ayant abouti à « la fuite des personnels », due à des conditions salariales et de travail nettement inférieures à celles de leurs homologues dans d’autres pays développés. Les mesures du Ségur de la santé vont dans le bon sens, mais sont trop faibles et arrivent trop tard. En définitive, l’hôpital doit être « reconstruit ».

Pour cela, les auteurs développent 19 propositions articulées en 4 « chantiers ». Le premier entend « lutter contre la pénurie de médecins et de personnels soignants en redonnant envie de soigner ». Pour cela, il conviendrait d’augmenter les salaires de tous les personnels, en en faisant bénéficier notamment les personnels administratifs et techniques, les « grands oubliés » du Ségur. La grille des praticiens hospitaliers nommés avant 2020 devrait être revue et les salaires des PU-PH comptabilisés pour la retraite.

On note aussi des propositions comme « réintroduire de l’humain dans la sélection des étudiants », « penser les équipes de soins comme stables, soudées, multi-professionnelles », « former davantage au management dès la formation initiale » et augmenter l’autonomie des services, y compris pour les crédits d’investissement ou de formation. Il faut également « former 15.000 médecins par an », « mettre en place des ratios suffisants de personnels soignants » et « prendre un décret énumérant les compétences mobilisables » de la profession infirmière, après suppression de son décret d’actes.

Le second chantier ambitionne de « faire passer le patient avant l’argent ». La « désertification médicale » étant à l’origine de la sur-fréquentation des services d’urgence, des mesures de régulation de l’installation des médecins et des professionnels de santé s’imposent. En outre, tout patient doit être accueilli aux urgences par « un personnel médical suffisamment doté » (en équipe de soins), les lits fermés doivent être réouverts et des lits créés dans les structures d’aval (soins de suite et de réanimation, psychiatrie, etc.).

Pour une loi de programmation en santé

Le troisième chantier est sans doute le plus original et le plus réaliste. « À l’image de la défense ou de la sécurité intérieure », la santé devrait bénéficier d’une « loi de programmation » adoptée en début de quinquennat. Cette loi fixerait les objectifs de santé publique, traduits dans des actions territoriales en concertation avec les CPTS (communautés professionnelles territoriales de santé), les associations de patients et les collectivités territoriales. La tarification à l’activité serait maintenue uniquement pour « les séjours prévisibles et standardisés », à condition que les tarifs soient proches des coûts réels, les autres activités bénéficiant d’un financement populationnel. Ici, l’idée est de s’inspirer des centres de santé espagnols, qui disposent de « trois couches de financement » : individuel sur les pratiques cliniques, lié à la performance d’équipe et lié à la performance du centre de santé. Les investissements auraient leur propre ligne budgétaire.

Le quatrième chantier vise à « mettre à contribution l’ensemble de ses acteurs pour repenser le système de santé ». Seraient envisagées « l’obligation de la permanence des soins en ville comme dans les cliniques privées », « un conventionnement sélectif dans les zones sur-denses » (avec interdiction du secteur 2 dans ces zones) et « l’obligation de pratiquer un temps partiel dans les déserts médicaux ». L’accès direct aux infirmiers de pratique avancée serait élargi, notamment pour les « pathologies courantes bénignes ». Le financement de la prévention passerait à 4% des dépenses de santé. Les facultés de médecine seraient transformées en facultés de santé.

Les auteurs de ce travail chiffrent le coût de leurs propositions à 16,8 milliards d’euros par an. Ils estiment qu’il serait sans doute en-deçà, leur plan entraînant une « baisse des hospitalisations lourdes » et une « amélioration de l’état de santé global de la population ». En l’état, le financement serait assuré par une « taxe sur les superprofits des laboratoires pharmaceutiques » (0,5 milliards d’euros), l’exonération de cotisations sociales uniquement pour les entreprises respectant des critères de qualité sociale et environnementale (12,3 milliards d’euros), et la plus grande progressivité de la CSG (contribution sociale généralisée – 4 milliards d’euros).