Un passeport pharmacogénétique pour prévenir la iatrogénie médicamenteuse
- Caroline Guignot
- Résumé d’article
À retenir
- Une étude internationale décrit pour la première fois qu’une prescription médicamenteuse guidée par une analyse pharmacogénétique ciblée réduit de 30% la fréquence des évènements indésirables liés au médicament prescrit.
- Les effets indésirables des médicaments signalés par les patients avaient été recueillis par des infirmières spécialisées et n'ont pas été objectivés par des tests. Cependant, les auteurs ont utilisé un outil validé pour évaluer la causalité des évènements indésirables.
- Ces données sont en faveur d'une approche personnalisée de la prescription thérapeutique afin de réduire l'incidence des effets indésirables des médicaments cliniquement pertinents. L’intérêt d’un passeport pharmacogénétique intégrant les gènes dont les variants peuvent influencer la pharmacodynamie de la molécule semble important. Des études en vie réelle et une évaluation médico-économique de cette approche sont maintenant nécessaires.
Pourquoi est-ce important ?
Différentes publications ont décrit que l’individualisation de la prescription sur la base de tests pharmacogénétiques permet d'améliorer le rapport bénéfice/risque des médicaments, étant donné l’existence d’une variabilité génétique dans les gènes codant pour les enzymes métabolisant les médicaments, ou encore ceux codant pour les transporteurs ou les cibles de ces médicaments. Aussi, certains groupes scientifiques ont établi des recommandations concernant plus de 100 paires gène-médicament. Une stratégie de test pharmacogénétique basée sur la recherche des 12 gènes d’intérêt parmi les plus fréquemment impliqués et mutés serait pertinente selon certains auteurs, mais les données cliniques décrivant sa pertinence en vraie vie restent encore peu nombreuses. Aussi, l'étude PREPARE (Preemptive Pharmacogenomic Testing for Preventing Adverse Drug Reactions), qui a été bâtie par le consortium européen U-PGx (Ubiquitous Pharmacogenomics Consortium) propose la première évaluation clinique prospective à grande échelle sur l’intérêt d’une telle stratégie de guidage de la prescription par le génotype. Elle vise à apprécier si tester les patients de manière préemptive avant toute prescription pour un panel complet de biomarqueurs cliniquement pertinents peut être utile pour mieux prescrire un médicament, ajuster sa posologie et, ainsi, réduire le nombre d’évènements indésirables.
Méthodologie
L’étude PREPARE a été menée dans sept pays européens et a recruté des patients de 18 ans ou plus qui recevaient une première prescription en routine clinique de l’un des médicaments ayant fait l'objet de recommandation de la part d’un groupe de travail néerlandais spécialisé sur le sujet de la pharmacogénétique (DPWG ou Dutch Pharmacogenetics Working Group). Les patients recrutés ont été aléatoirement répartis entre deux groupes : les premiers avaient bénéficié d’une analyse génétique à partir d’un échantillon de sang ou de salive afin de rechercher 50 allèles relatifs à 12 gènes différents (CYP2B6, CYP2C9, CYP2C19, CYP2D6, CYP3A5, DPYD, F5, HLA,B, SLCO1B1, TPMT, UGT1A1, VKORC1). Les médecins des centres participants avaient eu un programme de formation sur la pharmacogénétique et ils pouvaient utiliser les résultats des tests pharmacogénétiques et les recommandations du DPWG concernant le médicament et l’adaptation du traitement selon les résultats, dans les 7 jours suivant le début de la prescription. Les patients disposaient aussi d’un QR code pour présenter leurs résultats si nécessaire à un professionnel de santé. Dans le groupe contrôle, les patients ont bénéficié d’un test pharmacogénétique a posteriori et les données relatives à la survenue d’un évènement dont le lien avec le médicament est jugé comme certain, probable ou possible du médicament ont été analysées en fonction de la présence ou non d’un variant justifiant d’une adaptation de la molécule ou de la dose.
Principaux résultats
Au total, 6.944 patients ont été recrutés dans cette étude et ont été répartis entre le groupe passeport pharmacogénétique et le groupe contrôle. La prescription initiale concernait principalement l'atorvastatine, le clopidogrel et le tacrolimus. Ils étaient 830 sur 3.342 dans le groupe passeport génétique à avoir un variant génétique potentiellement modificateur de la réponse au médicament prescrit, tandis qu’ils étaient 923 parmi les 3.602 personnes du groupe contrôle. Sur l’ensemble de la population recrutée, ils étaient 6,5% à n’être porteurs d'aucune variation exploitable, la plupart en présentant entre 1 à 3. Les variants les plus fréquemment présentés dans la population recrutée étaient ceux influençant la pharmacodynamie de l'atorvastatine, puis celle du tramadol et du clopidogrel.
Les patients du groupe passeport pharmacogénétique ayant un variant d’intérêt avaient eu une fréquence des effets indésirables causaux et cliniquement pertinents de 21,0% contre 27,7% pour ceux qui avaient un tel gène mais appartenaient au groupe contrôle (odds ratio ou OR 0,70 [0,54-0,91]). Au cours du suivi, 13,7% des patients ont reçu une deuxième prescription pouvant être influencée par leurs caractéristiques génétiques. La prise en compte de ces prescriptions a augmenté l'effet bénéfique de l'intervention pharmacogénétique en évoluant vers un OR de 0,69 ([0,61,0,78], p<0,0001).
Financement
Cette étude a bénéficié de fonds européens (European Union Horizon 2020).
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