Un lien établi entre microbiote et troubles bipolaires


  • Agnès Lara
  • Résumé d’articles
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L’existence d’une communication bidirectionnelle entre intestin et cerveau fait l’objet de publications de plus en plus nombreuses depuis une dizaine d’années. Le microbiote intestinal, qui rassemble l’ensemble des micro-organismes présents dans l’intestin, apparaît en première ligne dans ce dialogue et pourrait être impliqué dans les troubles cognitifs et de l’humeur. Chez les sujets schizophrènes et bipolaires, les bactéries passent plus facilement la barrière intestinale et entretiennent une inflammation chronique impliquée dans le développement de ces troubles. Plusieurs études chez l’animal et chez l’homme ont suggéré qu’une intervention sur le microbiote intestinal pourrait apporter un bénéfice parmi la population psychiatrique. Une première analyse détaillée des relations entre microbiote intestinal et différentes composantes psychiatriques de sujets bipolaires vient de rendre ses résultats.

Méthodologie

  • L’étude Pretcher longitudinal Study of Bipolar Disorder réalisée par le centre de la dépression du Michigan (US) a collecté les données physiques et mentales de sujets bipolaires et de sujets contrôles.
  • Les sujets bipolaires ayant reçu un diagnostic de troubles bipolaires selon les critères du DSM-IV et des sujets sains, pour lesquels des échantillons de selles étaient disponibles, ont été inclus dans l’étude.
  • Les participants communiquaient la sévérité et la fréquence de leurs symptômes par mail tous les deux mois en remplissant différents questionnaires : questionnaire sur la santé du patient (PHQ9), échelle d’évaluation de la manie d’Altman (ASRM), questionnaire de qualité de vie SF12, échelle des troubles anxieux généralisés (GAD7), index de qualité du sommeil de Pittsburg (PSQI).
  • À partir des échantillons de selles renvoyés par les participants, l’ADN microbien était extrait et la séquence hypervariable V4 du gène de l’ARN ribosomal 16S était séquencée.
  • Les séquences étaient regroupées en unités taxonomiques opérationnelles (UTO) basées sur une similarité à 97%.
  • L’analyse de la proximité génétique de ces UTO (variance moléculaire) permettait de déterminer s’il existait une différence significative entre les populations microbiennes issues des sujets bipolaires et des sujets contrôles. L’analyse était menée selon un modèle de régression logistique et les résultats étaient ajustés selon l’âge, le sexe, et l’IMC.
  • Les associations entre les données rapportées par les participants bipolaires (moyenne des scores intra-individuels rapportés) et les UTO (proportion de l’UTO dans la population) étaient recherchées par une analyse de régression linéaire, ajustée selon l’âge, le sexe et l’IMC.

Résultats

  • Le microbiome des selles de 115 sujets bipolaires a été comparé à celui de 64 sujets contrôles.
  • L’analyse de variance moléculaire a mis en évidence des différences significatives entre les populations bactériennes globales des sujets bipolaires et des sujets contrôles (p=0,047).
  • Chez les sujets bipolaires, l’analyse des UTO a montré une réduction marquée de la proportion des populations de Faecalibacterium (p<0,001) au sein des communautés microbiennes, après ajustement selon l’âge, le sexe, l’IMC, et le taux de faux positifs (correction pour p<0,05).
  • Chez ces mêmes sujets, la proportion de Faecalibacterium était associée à un meilleur niveau de santé rapporté par les sujets à travers les différentes échelles et questionnaires.

Limitation

  • Il s’agit d’une étude transversale qui ne permet pas d’établir de relation causale.
  • Les scores pris en compte étaient des scores moyens et non les scores obtenus dans un délai proche de la collecte de selles.
  • La plupart des sujets bipolaires prenaient plus d’un traitement psychiatrique. Et l’étude ne permettait pas de distinguer l’effet du traitement de celui de la pathologie sur la composition du microbiome ou son lien avec les résultats cliniques.

À retenir

Plusieurs UTO ont pu être associées à la présence de troubles bipolaires.  En particulier, une réduction de la représentation de Faecalibacterium dans les populations bactériennes était associée à un état de santé plus dégradé. Ces résultats incitent à prendre en compte le microbiome dans le traitement des troubles bipolaires et suggèrent qu’une augmentation des populations de Faecalibacterium pourrait être bénéfique chez les patients bipolaires.