Une lésion de la moelle épinière est évidemment toujours une expérience extrêmement traumatisante, dont les séquelles invalidantes auront un forcément impact psychologique considérable… et le risque de dépression est donc, sans surprise, extrêmement élevé dans cette population. Chez les hommes, des problèmes de fonction sexuelle peuvent en outre venir compliquer la situation. Une lésion médullaire peut en effet aussi déboucher sur une dysfonction érectile organique neurogène qui, d'après une étude italienne, représente un facteur de risque non négligeable de dépression. La dépression et la dysfonction érectile sont donc susceptibles de s'alimenter l'une l'autre dans ce groupe vulnérable, en particulier chez les hommes victimes très jeunes d'une lésion de la moelle épinière.
Testostérone
Sans trop nous attarder sur les chiffres de cette étude italienne, nous nous efforcerons ici d'en rapporter les conclusions les plus importantes pour les médecins amenés à suivre en routine cette population de patients. Si la prise en charge clinique se focalise évidemment beaucoup, dans un premier temps, sur le traitement de la lésion médullaire physique, il est en effet important que les professionnels commencent très rapidement à faire le lien avec le bien-être psychologique et avec la qualité de vie qui en découle.
Quel est donc le possible lien de cause à effet entre d'une part la dysfonction érectile due à un problème organique et de l'autre la dépression ? Tout d'abord, l'étude italienne donne à penser que la prévalence des troubles érectiles est plus élevée chez les hommes victimes d'une lésion médullaire qui présentent aussi des symptômes dépressifs que chez leurs homologues non dépressifs.
Dans l'autre sens, la perte d'autonomie et les limitations physiques apparaissent comme des déterminants majeurs de la dépression. La dysfonction érectile semblait par ailleurs – prévisiblement — plus fréquente et plus grave en cas de lésion cervicale qu'en cas de lésion thoraco-lombaire. Les chercheurs ont également observé que les hommes qui présentaient des symptômes dépressifs souffraient non seulement de troubles érectiles, mais aussi d'une dysfonction plus marquée de la vessie et des intestins, qui représente vraisemblablement un facteur de risque supplémentaire de dépression dans cette population.
L'équipe italienne a également procédé au dosage de la testostérone libre, dont les valeurs totales se sont avérées significativement plus faibles chez les patients victimes d'une lésion médullaire et dépressifs que chez leurs homologues sans problèmes de dépression. Cette relation était toutefois moins marquée après ajustement pour la présence éventuelle d'une dysfonction érectile, qui semble donc alimenter la dépression indépendamment du taux de testostérone. Enfin, les sujets dépressifs présentaient également des taux plus faibles de vitamine D, vraisemblablement parce que la dépression tend à limiter les activités physiques à l'extérieur. En conclusion, on peut donc affirmer qu'il existe une relation indépendante entre la dysfonction érectile – mais aussi, dans une moindre mesure, entre la dysfonction vésicale et intestinale – et la dépression. Le traitement des troubles érectiles devrait donc vraiment être une priorité pour améliorer la qualité de vie de ce groupe de patients.
Cet article a été écrit par
David Desmet et a initialement été publié sur le site internet MediQuality.