Tocilizumab et COVID-19 : que retenir des trois nouvelles études publiées ?

  • Caroline Guignot
  • Actualités Médicales
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Des données issues d’études observationnelles ont montré l’intérêt du tocilizumab dans la prise en charge des formes sévères de COVID-19, certaines évoquant également un bénéfice en termes de mortalité. Cependant, aucune étude clinique randomisée n’avait pour l’heure été publiée sur le sujet. Le JAMA, en rapportant simultanément les données de deux études cliniques randomisées (CORIMUNO-19 et RCT-TCZ-COVID-19) et d’une large étude observationnelle (STOP-COVID) suggère un bénéfice sur le plan clinique, sans avantage en termes de mortalité à 28 jours.

L’étude française CORIMUNO-19 en bref

Dans cette étude française randomisée multicentrique ouverte, 131 patients (32% de femmes, âge médian 64 ans) ayant une pneumonie COVID-19 modérée à sévère et nécessitant une oxygénothérapie a été randomisée (1:1) pour recevoir du tocilizumab (TCZ) ou des soins standards seuls. Ils ne devaient pas avoir de ventilation invasive ou être admis en soins intensifs. Deux critères principaux d’évaluation ont été définis : la progression sur l'échelle de gravité de l’OMS (OMS-CPS >5) à J4 et la survie sans ventilation (y compris ventilation non invasive) à J14.

In fine, le premier critère n’a pas été vérifié (12 vs 19 patients, différence de risque absolu non significative). Tandis que le second a permis d’objectiver une différence de 12 % en termes de survie sans ventilation à J14 pour le groupe TCZ versus soins standards (24% vs 36%, rapport de risque 0,58 [0,33-1,00]). Aucune différence en termes de mortalité n’a été rapportée à J28 (7 et 8 patients respectivement).

L’étude italienne RCT-TCZ-COVID-19 en bref

Cette étude italienne randomisée multicentrique ouverte a inclus 126 patients COVID-19 sévères placés sous oxygénothérapie administrée par canule nasale. Ils ne devaient pas présenter de conditions suggérant une évolution vers les soins intensifs, comme l’âge avancé ou les comorbidités (critères imposés par l’ampleur de la crise sanitaire à l’époque de l’étude menée entre mars et juin 2020). Le TCZ était administré dans les 8 heures suivant la randomisation. L’étude a été stoppée précocement pour futilité car aucune différence n’a été observée concernant le critère principal d’évaluation défini par une aggravation à J14 (admission en USI, décès, pression partielle en oxygène inférieur à 150 mmHg) : 28,3% vs 27,0% dans les groupes TCZ et standard respectivement. Ces données sont limitées par le fait que les patients n’étaient pas représentatifs de la population COVID-19 sévère étant donné les critères d’exclusion ; Par ailleurs, une partie des patients du groupe standard a finalement reçu du tocilizumab pour aggravation.

L’étude observationnelle STOP-COVID en bref

Cette étude observationnelle américaine a rassemblé près de 4.000 patients ayant une forme critique de COVID-19 et a comparé le pronostic des patients selon qu’ils ont ou non reçu du TCZ. Parmi eux 62,8 % étaient des hommes (âge médian 62 ans). Les données suggèrent que les patients traités par TCZ ont eu un risque de décès plus faible que les autres (HR 0,71 [0,56-0,92]) après un suivi médian de 27 jours soit un taux de mortalité à 30 jours de 27,5% vs 37,1% (différence de risque 9,6% [3,1-16,0]. Cette étude n’est cependant qu’observationnelle et ses conclusions ne peuvent supplanter celles d’une étude clinique randomisée. Outre les potentiels critères de confusion ayant pu échapper à l’analyse, les deux groupes de patients présentaient des différences en termes d’âge, de comorbidités, de fréquence de l’hypoxémie ou des marqueurs inflammatoires.

Perspectives

Aussi, l’éditorial accompagnant l’article suggère que ces résultats ou ceux déjà publiés ou communiqués jusqu’à présent ne permettent pas d’envisager un usage en routine du tocilizumab. Pour autant, cinq autres grandes études cliniques randomisées sont encore en cours (RECOVERY, CORON-ACT, MARIPOSA, REMDATA et un essai académique américain) auprès de groupes de patients et selon des critères d’évaluation différents. Ils pourraient apporter des précisions. Des études sur le suivi à plus long terme des patients traités pourraient aussi offrir des conclusions différentes (séquelles à plus long terme, infections secondaires…).