Dans son édition du 28 juin, le BEH publie un résultat surprenant. [1]
Il provient d'une étude comparant la prise en charge hospitalière des syndromes coronarien aigu (SCA) en 2016, par rapport à 2006, et d'une comparaison des létalités à 28 jours et 1 an à ces mêmes périodes.
La conclusion est la suivante « les taux de prescription des principaux traitements ont augmenté, en 2016 par rapport à 2006, sans bénéfice notable sur la létalité à 1 an ».
Autre caractéristique remarquable : ce résultat est une première. Une telle mise en regard de l'évolution de la prise en charge et de l'évolution de la létalité en population, n'avait en effet jamais été effectuée en France.
Progression des angioplasties avec pose de stent actif dans le STEMI
Le travail a été effectué par des équipes de Lille, Toulouse et Strasbourg, à partir des données de morbi-mortalité par cardiopathie ischémique des registres MONICA français.
On compte 2.023 patients de 35 à 74 ans en 2006, et 1.173 en 2016. Entre les deux populations, la part des STEMI reste stable (46% ; 44%), celle des NSTEMI augmente (de 26% à 39%), celle des angors instables diminue (14% ; 7%).
De 2006 à 2016, les taux d'angioplastie ont progressé, de même que la prescription d'anti-aggrégants et d'anticoagulants de nouvelle génération.
La progression la plus marquée est celle des angioplasties avec pose de stent actif dans le STEMI, dont le taux est passé de 20 à 77%. La fraction préventive estimée (produit du taux de prescription d'un traitement par son bénéfice dans les études) passe alors de 10% à 59%.
Par ailleurs, de 2006 à 2016, la durée d'hospitalisation diminue (de 9 à 6,8 jours dans le STEMI).
A la sortie, les taux de prescription, déjà élevés en 2006, ont peu évolué, à l'exception de la rééducation fonctionnelle qui a progressé fortement.
Enfin, la létalité à 28 jours et la létalité à 1 an sont restées stables sur la période, passant de 8% et 11% en 2006, à 7% et 10% en 2016.
Pour le Dr Aline Meirhaeghe (Institut Pasteur – Lille), interrogée par Medscape, la discordance peut s'expliquer par deux facteurs : la qualité de la prise en charge, déjà très élevée en 2006, qui ne permet pas de mettre en évidence de bénéfice supplémentaire, et l'admission à l'hôpital d'un taux d'arrêts cardiaques ressuscités un peu plus important en 2016, qui sont des cas graves dont le pronostic vital est faible.
Medscape : Comment la prise en charge des SCA a-t-elle évolué en 2016, par rapport à 2006 ?
Dr Aline Meirhaeghe : Les analyses du registre MONICA montrent que cette prise en charge a progressé, à l'hôpital et à la sortie de l'hôpital conformément aux recommandations de traitement.
Dans le STEMI comme dans le NSTEMI, les angioplasties sont significativement plus fréquentes, et dans toutes les indications, angor instable inclus, les stents actifs sont devenus majoritaires. La thrombolyse est par ailleurs devenue marginale. Les molécules de nouvelle génération sont intégrées aux traitements hospitaliers et aux prescriptions de sortie. Enfin, la rééducation fonctionnelle progresse de 44% à 58%.
Dans les grandes lignes, les recommandations sont appliquées, et ce résultat est satisfaisant, même s'il reste des progrès à faire sur certains créneaux, en particulier la rééducation fonctionnelle.
Dr Aline Meirhaeghe : En premier lieu, le travail publié dans le BEH n'avait, à ma connaissance, jamais été effectué en France dans des registres en population. Nous n'avions donc pas d'hypothèse a priori, et nous n'avons pas de base de comparaison aujourd'hui.
Par ailleurs, nous étions conscients que partant d'une prise en charge déjà très élevée en 2006, la marge de progression est limitée. On ne peut donc pas parler de surprise.
Il reste que nous espérions malgré tout un gain de survie, et que de ce point de vue, le résultat est un peu décevant. Néanmoins, comme nous l’avons publié par ailleurs, il est important de noter qu’entre 2000 et 2016, la mortalité intra-hospitalière tend à diminuer beaucoup plus avec le temps que la mortalité extra-hospitalière. [2]
Comment expliquer ce résultat ?
Dr Aline Meirhaeghe : Il faut surtout le relativiser. L'observation inquiétante aurait été une augmentation de la mortalité de 2006 à 2016. Or, à 28 jours comme à un an, les chiffres sont stables.
Il semble donc que le bénéfice soit trop faible pour apparaître significativement, la puissance de l'étude étant limitée. Il est par ailleurs peut-être masqué par une augmentation des admissions à l'hôpital de patients au pronostic vital altéré. Alors que les délais d'arrivée des secours et d'admission à l'hôpital sont restés stables, la prise en charge pré-hospitalière a malgré tout progressé, avec un taux d'arrêts cardiaques réanimés en augmentation de 3% durant la période considérée. L'installation de défibrillateurs dans les espaces publics a peut-être joué un rôle dans l'arrivée de ces patients réanimés à l'hôpital.
Prévoyez-vous de prolonger votre étude ?
Dr Aline Meirhaeghe : Il n'existe pas de projet défini pour le moment. Notre axe de recherche vise plutôt à identifier des marges de progression là où elles existent encore. L'an prochain, nous prévoyons ainsi d'examiner l'observance des traitements prescrits à la sortie de l'hôpital, en analysant leur délivrance par les pharmacies de ville. Nous allons par ailleurs nous pencher sur la rééducation fonctionnelle. Sa prescription est en progrès mais reste insuffisante alors qu'elle permet d’éviter les récidives. Elle devrait être plus fréquemment prescrite. Et au-delà même de la prescription, on ne sait pas si les patients peuvent trouver des places, dans quels délais, et s'ils suivent correctement les programmes au sein des structures habilitées.
Alors que la prise en charge interventionnelle et médicamenteuse semble avoir atteint son maximum, il reste probablement de la survie à gagner dans ces directions.
Cet article a été écrit par Vincent Bargoin et initialement publié sur Medscape.
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