Suivi des médicaments en vie réelle : des pistes pour un enjeu majeur
- Serge Cannasse
- Actualités Médicales
Commandité par l'ancienne ministre de la santé, Marisol Touraine, le rapport sur le suivi en vie réelle des médicaments a été remis à la nouvelle ministre, Agnès Buzyn, par ses auteurs, le Professeur Bernard Bégaud, Dominique Polton et Franck von Lennep. La lettre de mission exprimait bien l'enjeu : les essais cliniques randomisés sont absolument nécessaires, mais ne suffisent pas à évaluer l'impact des médicaments après leur mise sur le marché, que ce soit en termes de bénéfices ou effets indésirables pour les patients, d'amélioration des pratiques professionnelles, d'adaptation à « une dynamique d'innovation soutenue » ou de coût pour la collectivité. L'objet du rapport n'est pas de documenter une nouvelle fois ce qui est aujourd'hui bien connu, mais de proposer des pistes pour mettre en œuvre « un dispositif organisé de suivi et d'évaluation. »
Ses auteurs notent en préalable que la France a des « atouts » pour ce faire, qui la placent avantageusement dans les comparaisons internationales. Elle a construit très tôt une base médico-administrative puissante, le SNIIRAM, et l'a appariée avec une base de résumés de séjour exhaustive.
Cependant, cet avantage n'est pas suffisamment exploité. Il existe « peu de projets structurants pour construire des bases de données plus riches, incluant notamment des données cliniques. » Les systèmes hospitaliers d'information sont hétérogènes, ceux de ville quasi inexistants. Les cliniciens ont du mal à admettre la légitimité de documenter les prescriptions, la faiblesse de l'informatisation du recueil des données ne les aidant pas à changer. Pour beaucoup, la validité des études observationnelles est moindre que celle des essais cliniques randomisés, bien qu'il soit prouvé que bien conduites, elles aboutissent à des résultats similaires en qualité. Alors que la performance du suivi en vie réelle est appelée à augmenter avec les possibilités offertes par les avancées du numérique (big data, fouille textuelle du web et des forums, méta-analyse de la littérature grise, etc), la France ne semble pas en avoir pris la mesure.
Pour remédier à cet état de fait, le rapport propose un ensemble de réformes, en premier lieu la coordination des institutions publiques en charge de la régulation du médicament, dont la HAS, insuffisamment impliquée selon ses auteurs. L'objectif est de fédérer les initiatives de l'ensemble des acteurs, nombreuses, mais hétérogènes et peu coordonnées, et d'impulser une dynamique collective. La qualité de ces initiatives devrait être garantie par le respect des recommandations de l'ENCePP (European Network of Centres for Pharmacoepidemiology and Pharmacovigilance), ou de mesures s'en inspirant. Il apparaît nécessaire d'instaurer une obligation effective de tenue de registres pour certains produits. Des partenariats public-privé peuvent être envisagés, sous des conditions restant à définir. Enfin l'INDS (Institut national des Données de Santé) pourrait tenir un registre largement accessible de toutes les demandes d'exploitation des bases de données.
Le rapport propose des modalités pratiques pour ces mesures, pour lesquelles Agnès Buzyn a décidé de constituer un groupe de travail entre les services du ministère, la CNAMTS et la HAS.
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