Le stress post-traumatique après accouchement a tendance à s’aggraver dans les mois qui suivent la naissance de l’enfant, d’où la nécessité de le dépister au plus tôt et d’assurer une prise en charge adaptée des femmes touchées par ce trouble, a rappelé la Dr Ludivine Franchitto (CHU de Toulouse), lors du congrès Infogyn 2022 [1]. Le stress post-traumatique après un accouchement n’étant pas encore pleinement reconnu, la prise en charge reste insuffisante et peu documentée.
Impact également sur les soignants
« La situation est la même qu’avec la dépression post-partum. On a passé 20 ans à débattre pour attester de son existence », a commenté la Dr Franchitto. Or, pour la pédopsychiatre, l’important n’est pas de savoir si un état de stress traumatisme peut être vécu par la mère après des complications pendant la grossesse ou l’accouchement, mais plutôt de s’intéresser aux répercussions sur l’enfant.
En cours de sa présentation, elle a également rappelé la nécessité de reconnaître l’impact négatif que peuvent avoir des expériences répétées de complications pendant les grossesses et les accouchements chez les soignants des maternités. Ceux-ci peuvent aussi développer un état de stress post-traumatique et nécessiter un soutien pour continuer à exercer dans de bonnes conditions.
Selon le manuel des troubles mentaux DSM-V, les troubles de stress post-traumatique (TSPT) surviennent après un événement marquant comme une menace de mort, une blessure grave ou des violences sexuelles. Les personnes qui sont témoins d’événements traumatiques répétés ou exposées de manière récurrente à des détails de faits traumatisants peuvent également développer un TSPT.
Pour que le diagnostic soit posé, « il faut que la victime soit confrontée pendant au moins un mois à des souvenirs imposés et des cauchemars répétés, qu’elle adopte des mesures d’évitement et présente des altérations négatives persistantes de la cognition et de l’humeur », a rappelé la Dr Franchitto. Une hyper-réactivité (irritabilité, réactions végétatives à l’évocation du souvenir…) peut aussi être observée à l’évocation du souvenir.
Prévalence de 18% chez les femmes à risque
La prévalence du TSPT post-partum est très variable selon les études. En se référant uniquement à la symptomatologie traumatique (syndrome dépressif, idées suicidaire, hyper-réactivité, comportement d’évitement…), elle peut s’élever jusqu’à 40%. Selon une méta-analyse de 2016 portant sur 59 études, la prévalence du TSPT en lien avec l’accouchement est de 5,9% [2].
Dans cette méta-analyse, les auteurs ont distingué deux groupes de femmes, celles sans complications d’un côté et de l’autre, celles présentant des complications graves liées à la grossesse, une peur de l’accouchement, un accouchement difficile, une césarienne d’urgence, un bébé né prématuré, avec des malformations, etc. Leur analyse montre un taux de TSPT respectivement de 4% et 18,5%.
Etonnamment, les vomissements incoercibles survenus pendant la grossesse apparaissent comme le facteur de risque majeur de TSPT (retrouvé dans 40% des cas de stress post-traumatique après accouchement). La naissance d’un bébé avec malformations est le deuxième facteur de risque (35%), suivi des antécédents de violences subies par la mère pendant son enfance (34%). Les femmes ayant vécu une dépression pendant l’accouchement sont également plus à risque.
Le manque de communication avec l’équipe soignante, de consentement, de soutien de la part du personnel médical et un travail long ont également été identifiés comme des facteurs de risque. A l’inverse, le sentiment de contrôle et le soutien du conjoint ont un rôle protecteur.
Dépister au plus tôt
« Si les symptômes du stress post-traumatique ne sont pas traités après l’accouchement, ils ont tendance à s’aggraver dans une période d’un à six mois après la naissance de l’enfant », a indiqué la Dr Franchitto. D’où la nécessité d’un dépistage précoce, à l’aide notamment de l’auto-questionnaire spécifique City Birth Trauma Scale, puis d’une prise en charge adaptée. Afin de limiter les effets du stress, l’intervention précoce d’un psychologue peut s’avérer bénéfique.
Les traitements recommandés du TSPT en première intention sont les psychothérapies, en particulier cognitive-comportementale (TCC), ainsi que l’EMDR (Eye Movement Desensitization and Reprocessing). Ces thérapies ont pour objectif de limiter l’évitement mental et comportemental qui empêchent le souvenir traumatique d’être intégré et traité comme un souvenir habituel.
Les conséquences de l'état de stress post-traumatique de la mère sur l’enfant est assez bien documenté. « Les enfants nés de femmes présentant un TSPT pendant la grossesse ont un plus petit poids de naissance et la durée de l’allaitement maternel est diminuée », a précisé la spécialiste. Concernant la qualité de la relation mère/enfant et le développement de l’enfant à long terme, « les études sont plus contradictoires ».
« J’ai souvent l’impression qu’on sous-estime les conséquences du stress post-traumatique de la mère chez les enfants après la naissance », a réagi en fin de présentation le Pr Israël Nisand (Hôpital américain de Paris). « Le stress post-traumatique en post-partum est une réalité. Or, il n’est pas dépisté, encore moins traité, alors qu’il a des conséquences graves pour l’enfant », a ajouté l’ancien président du Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF).
La Dr Franchitto a également rappelé l’impact sur le personnel soignant, « seconde victime » des accidents traumatiques survenus pendant la prise en charge des femmes à la maternité. « La prévalence de la symptomatologie du TSPT chez les sages-femmes est évaluée à 22,9% », ce qui peut se traduire par « une perte de confiance et une envie de quitter la profession », a précisé la psychologue.
Education psychologique du personnel soignant
Selon elle, il apparait essentiel de protéger également le personnel soignant des maternités. « Il est important d’avoir le soutien des pairs », en particulier des responsables d’équipes, « et de partager ses expériences », à condition de savoir reconnaitre les symptômes du stress post-traumatique à travers ses émotions et de pouvoir les verbaliser.
L’éducation psychologique du personnel soignant est, par conséquent, à encourager, a précisé la Dr Franchitto, tout comme « la formation par la simulation pour apprendre à gérer les situations problématiques ».
Cet article a été écrit par Vincent Richeux et initialement publié sur Medscape.
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