Stratégie nationale de santé : passer de l’abstrait au concret
- Serge Cannasse
- Actualités Médicales
Définie par la loi de modernisation du système de santé du 26 janvier 2016, la Stratégie nationale de santé (SNS) constitue en principe le cadre de référence de la politique de santé. Ainsi, elle doit être déclinée dans les plans nationaux de santé et intégrée dans les plans régionaux de santé (PRS). Comme le prévoit la loi, la SNS 2018-2022 a fait l’objet d’une évaluation, qui a été confiée à la DREES (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques). Cette évaluation a porté sur « la cohérence de la SNS avec les enjeux de santé et les plans et projets de santé, au niveau national et régional » et sur les résultats et impacts qu’elle a obtenus. Elle a été suivie de recommandations pour la prochaine SNS.
- La SNS a une forte cohérence avec les enjeux de santé publique.
Tous les acteurs interrogés ont un avis globalement positif sur son contenu, d’autant que la crise sanitaire a montré la validité de plusieurs des domaines d’action qu’elle proposait, notamment en ce qui concerne la nécessité de construire les stratégies en fonction des « meilleures connaissances disponibles », des disparités d’accès à l’offre de soins et de l’importance de la politique de santé mentale. Cependant, tous regrettent le caractère « général » de ses orientations, qui ne sont ni chiffrées, ni étayées par des éléments concrets, ni priorisées. Dans ces conditions, il n’est pas surprenant qu’un consensus ait été obtenu relativement facilement.
Mais il n’est pas étonnant non plus que la SNS ne constitue pas un cadre de référence pour les acteurs de santé. D’anciens plans ont été poursuivis, de nouveaux sont apparus, en général plutôt cohérents avec elle, mais avec « de nombreux chevauchements rendant l’ensemble peu lisible », d’autant que leurs horizons temporels diffèrent et que leurs moyens d’action et de suivi ne sont pas articulés.
- Des impacts difficiles à cerner
Talon d’Achille récurrent des politiques de santé françaises, il n’y a pas eu de suivi de la SNS. La crise sanitaire n’explique pas tout, puisque plusieurs rendez-vous d’évaluation prévus n’ont pas eu lieu même avant elle. C’est d’autant plus regrettable que la dynamique collective entre les institutions et acteurs impliqués dans l’élaboration de la SNS « s’est rapidement étiolée », amenant « le retour d’un fonctionnement en silos ». Les auteurs du rapport de la DREES plaident pour la création d’un « document consolidé recensant de façon exhaustive les différents plans et programmes nationaux portés par le ministère des Solidarités et de la Santé. »
Il est également nécessaire de revoir les indicateurs d’évaluation. Ils sont actuellement au nombre de 20, bien trop faible pour beaucoup d’acteurs concernés. Mais aucun pays n’a encore trouvé le niveau idéal. Les comparaisons internationales montrent en effet que « le suivi par indicateur quantitatif de résultats et d’impact d’une stratégie aussi englobante s’apparente à la quadrature du cercle. »
D’une manière générale, la SNS a manqué de visibilité, la communication gouvernementale ou des autorités de santé mettant en avant certains plans ou dispositifs (par exemple, Ma Santé 2022, Ségur de la Santé). Aussi elle est peu connue des acteurs de terrain, qui « n’ont aucune raison d’utiliser le document SNS au quotidien. »
- Recommandations
Les auteurs de l’évaluation proposent de construire la prochaine SNS autour de « trois grands paramètres structurants » : objectifs (pour qui ? pour quoi ?), éléments de structure (quoi ? périmètre, objectifs, temporalité), méthode d’élaboration et de mise en œuvre (comment ?). Chaque paramètre doit être élaboré en tenant compte de la cohérence d’ensemble, tout au long de la démarche, et dans une logique itérative (permettant d’adapter la stratégie aux circonstances).
Ils émettent neuf « conditions de réussite », dont le portage de la SNS au plus haut niveau (cabinet ministériel), avec une équipe transversale dédiée, un processus d’élaboration partagé avec les acteurs de santé, ainsi que les élus et les représentants des usagers, et une hiérarchisation des objectifs. Ils se déclarent en faveur d’une cohérence entre les priorités de la SNS et les moyens de sa mise en œuvre dans le cadre de la LFSS (loi de financement de la sécurité sociale) : financement des politiques de santé, ressources humaines, systèmes d’information. Enfin, ils souhaitent une « communication forte et régulière autour de la SNS à toutes les phases du projet », en particulier pour favoriser la démocratie sanitaire.
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