Stopblues, une application pour faire reculer le suicide en France

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  • Agnès Lara
  • Résumé d’article
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Le Pr Karine Chevreul et son équipe de l’unité Inserm 1123 à l’Université Paris-Diderot, ont entrepris de développer un site Internet et une application « Stopblues » de façon totalement indépendante, pour combattre le mal-être et prévenir l’apparition de troubles plus sévères comme la dépression ou le suicide. Ces deux outils sont accessibles à tous depuis le 15 janvier 2018, en ligne sur https://www.stopblues.fr, ainsi que sur les stores d’Apple et de Google.

En effet, la France reste l’un des pays européens où le taux de suicide est le plus élevé. Selon le rapport de Santé publique France, près de 9.000 décès par suicide ont été enregistrés en 2014, soit près de 24 décès par jour. Et l’agence estime que ce chiffre est probablement sous-estimé d’environ 10% en raison du tabou qui entoure encore ce sujet (1). Quant aux tentatives de suicide, elles seraient au nombre de 200.000 chaque année. Aujourd’hui, la prévention est essentiellement secondaire. 

Informer sur le mal-être

L’application s’adresse à l’ensemble de la population. « L’objectif est de venir en aide aux personnes qui ont une baisse de moral ou qui sont en souffrance psychologique, explique Karine Chevreul, et de permettre aux personnes concernées de reconnaître leur souffrance sans avoir à l’exposer à un tiers dans un premier temps ».

De nombreuses personnes ne comprennent pas leur état et ne savent pas reconnaître leur souffrance psychologique. Dans Stopblues, des vidéos de professionnels expliquent les différents symptômes, les situations et les contextes favorisants, ainsi que les pathologies, la dépression notamment, associées à ces états. Des patients témoignent de leur expérience. Ces vidéos expliquent aux sujets concernés et à leurs proches que ces états peuvent toucher tout le monde et qu’il existe des solutions, comment accueillir la parole sans entretenir le déni. Elles cherchent avant tout à déculpabiliser, mettant à mal les idées reçues sur le lien entre souffrance psychologique et force intérieure notamment. Les activités à réaliser pour se faire du bien sont valorisées. Une fonction de géolocalisation permet même de localiser les ressources locales auxquelles il est possible de faire appel. L’application incite aussi les proches à insister et, si besoin, à prendre la personne en difficulté par le bras pour aller consulter.

La vigilance du médecin généraliste est essentielle

Les quiz occupent une position centrale dans l’application. Ils donnent la possibilité aux personnes concernées de savoir où elles en sont et de suivre leur évolution une fois qu’elles sont prises en charge. 80 à 90% des personnes en souffrance psychologique sont allées consulter le médecin pour une autre cause, n’osant pas aborder directement le sujet. Le médecin généraliste est le professionnel de santé de premier recours et doit y porter une vigilance particulière. Les signes pouvant évoquer une souffrance psychologique sont divers et très variables d’un individu à un autre. Mais « il faut être attentif à tout changement de comportement ou de caractère exprimé ou signalé par un proche, ou à l’expression de signes de souffrance physique récurrents par exemple», explique Vincent Lapierre, psychologue au Centre de Prévention du Suicide de Paris. Le mal être peut encore se signaler par une anxiété, une tristesse, de la fatigue ressentie dès le matin, un sentiment d’échec, d’inutilité ou d’impuissance à trouver des solutions, sans parler des addictions ou des troubles du comportement alimentaire. Il est alors important d’aborder le sujet avec le patient, d’accueillir ce qu’il vit et peut en dire, et lorsque cela ne suffit pas, de solliciter l’avis d’un professionnel spécialisé.

Une large diffusion et un programme évaluation

Quarante deux villes et communautés de commune ont accepté de promouvoir l’application, Nice et Strasbourg notamment, mais aussi nombre de communes plus modestes. Affichage, panneaux électroniques, flyers chez les commerçants, implication des médecins, l’ensemble de ces actions devrait permettre de toucher 4 à 5 millions de personnes et susciter l’implication de chacun autour de la prévention du suicide.

 

1. Suicide : enjeux éthiques de la prévention, singularités du suicide à l’adolescence. 3erapport – février 2018. [En ligne] http://drees.solidarites-sante.gouv.fr/etudes-et-statistiques/la-drees/observatoire-national-du-suicide-ons/suicide-enjeux-ethiques-prevention-singularites-suicide-adolescence