SFR 2022 – Face aux signaux de tolérance, la prescription des anti-JAK soumise à vigilance

  • Caroline Guignot
  • Actualités Médicales
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L’efficacité et les spécificités de maniabilité des anti-JAK rendent cette classe thérapeutique séduisante. Mais les récents signaux de tolérance et alertes des autorités sanitaires les concernant imposent l’évalutation rigoureuse de leur rapport bénéfice-risque. Une session du congrès de la société française de rhumatologie (Paris, 10-13 décembre 2022) a donné l’occasion de faire le point sur le sujet. 

Actuellement, il existe quatre inhibiteurs de JAK (JAKi) en rhumatologie : le tofacitinib, l’upadacitinib, le baracitinib et le filgotinib. Cette catégorie de traitements de fond (DMARD) à plusieurs spécificités : ce sont des molécules à la fois ciblées et synthétiques, qui sont administrées par voie orale et qui ne ciblent pas des cytokines mais, selon leur nature, quatre récepteurs différents contrôlant chacun des voies de signalisation cytokiniques particulières. Parce qu’ils fonctionnent en dimères (homo- ou hétéro-dimères), en découlent une pléiotropie en termes d’efficacité et de tolérance.

Preuve d’efficacité dans les rhumatismes inflammatoires chroniques

Les données des études pivots ont montré l’efficacité des quatre molécules dans les différentes sous-populations de polyarthrite rhumatoïde (PR), et les résultats des études de registres confirment ceux des études pivots. JAK-pot, en particulier, qui synthétise 17 registres nationaux, permet d’observer qu’en cas d’inefficacité, remplacer un JAKi par un autre est aussi efficace que de le remplacer par un traitement de fond (DMARD) biologique. Par ailleurs, le taux de maintien à 1 an des JAKi est comparable à celui des anti-IL6 ou des anti-TNF. Ils apparaissent plus souvent interrompus pour effets indésirables, tandis que les anti-IL6 le sont plus volontiers pour inefficacité.

Dans les spondyloarthrites, une dizaine d’études sont disponibles avec les quatre JAKi qui décrivent également leur efficacité dans des populations naïves ou en échec d’un traitement ciblé. Deux d’entre eux ont l’AMM en France : l’upadacitinib dans les spondyloarthrites et le rhumatisme psoriasique et le tofacitinib dans la spondyloarthrite axiale radiographiques et le rhumatisme psoriasique.

Que faire des signaux de tolérance ?

L’étude ORAL Surveillance qui a été bâtie pour évaluer la tolérance du tofacitinib (5 ou 10 mg deux fois/j) versus anti-TNF spécifiquement chez des sujets de plus de 50 ans et avec un autre facteur de risque cardiovasculaire a montré des signaux préoccupants : augmentation du nombre d’évènements cardiovasculaires majeurs, des évènements thromboemboliques veineux graves (uniquement pour la dose de 10mg deux fois par jour, arrêtée depuis) et des tumeurs malignes.

Quelques points de mise en perspective : il faut noter que la population incluse était âgée, avait des antécédents de tabagisme et que la plupart des complications, après ajustement, survenaient essentiellement chez les plus de 65 ans, fumeurs, ayant des comorbidités (antécédents de thrombose…). L’ensemble de ces données a conduit le Comité de pharmacovigilance et d'évaluation des risques des médicaments (PRAC) à préconiser une attention particulière à cette famille de molécules qui ne doit être envisagée chez les plus de 65 ans ayant un risque cardiovasculaire élevé, et/ou une histoire importante avec le tabac et/ou un risque accru de cancer, que lorsqu’il n’existe pas d’alternatives thérapeutiques. Ils doivent aussi être envisagés prudemment chez ceux qui ont des facteurs de risque de thrombose pulmonaire ou veineuse profonde.

Reste que ces molécules ont l’avantage d’être administrées per os, de ne pas entraîner d’immunogénicité, de favoriser l’épargne cortisonique (efficaces en monothérapie) et d’avoir une demi vie courte et une rapidité d’action qui permettent de les ajuster facilement.

Quelle attitude en pratique ?

En 2020, les recommandations de l’EULAR dans la PR proposaient que les JAKi soient recommandés après échec d’un DMARD conventionnel, en alternative des DMARD ciblés biologiques. Leur actualisation 2022, ainsi que celles de la SFR, préconisent d’utiliser un traitement de fond ciblé après échec d’une première ligne en considérant l’utilisation d’un JAKi après évaluation du risque. Pour la spondyloarthrites axiales, les JAKi sont placés parmi les traitements ciblés en alternative aux anti-TFN, et à condition d’en avoir bien évaluer le bénéfice-risque pour le patient.

La SFR a émis des recommandations spécifiques dans lesquelles elle précise trois principes généraux ; 1)- les sujets atteints de rhumatismes inflammatoires chroniques ont plus de risques cardiovasculaires et thromboembolique veineux que la population générale ; 2)- le rhumatologue a un rôle central dans l’évaluation de ces 2 risques ; 3)- ces patients doivent être régulièrement réévalués, notamment au cours de la prescription de traitements ciblés. 

Parmi les 11 recommandations émises, des notions ont été incluses concernant l’arrêt du tabac, l’exposition concomitante aux antiinflammatoires non stéroïdiens et corticoïdes, la nécessité d’envisager d’autres alternatives que les JAKi chez les patients à risque…. En l’absence d’alternative thérapeutique, la prescription des JAKi doit se faire dans le cadre d’une décision collégiale. L’avis d’un cardiologue ou d’un angéiologue doit notamment être obtenu. Ces recommandations comportent des arbres décisionnels visant à faciliter la pratique.