SFR 2021 – Quand les biais cognitifs impactent la décision médicale...
- Caroline Guignot
- Actualités Congrès
Si l’on peut d’emblée penser que les erreurs commises en médecine sont principalement d’ordre technique, elles s’avèrent in fine plus rares que les erreurs de diagnostic ou de prescription. Elles relèvent donc plus volontiers d’erreurs de raisonnement, imputables aux ressentis dont le médecin n’a le plus souvent pas conscience. C’est là qu’intervient le biais cognitif. Le professeur Corinne Isnard Bagnis (Paris) a présenté une Mise au point sur le sujet dans le cadre du congrès de la Société Française de Rhumatologie 2021 (Paris, 12-14 décembre 2021), afin d’inviter les praticiens à questionner leurs routines de raisonnement.
Un mécanisme de pensée qui conduit à une déviation du jugement par rapport à la réalité, et conduit donc à un biais. Parce qu’ils interviennent de façon inconsciente, ils restent délicats à combattre. Parmi les biais cognitifs les plus fréquents on peut par exemple citer les représentations stéréotypées du genre, qui font que des symptômes sont plus volontiers attribués à un stress lorsque le patient est une femme, ou les préjugés liés à l’origine des patients, avec par exemple l’idée d’un ‘syndrome méditerranéen’ qui conduirait les sujets originaires de cette région à exagérer leurs plaintes. Ce qui en pratique clinique peut conduire à des erreurs : celle de s’accrocher à un diagnostic initial, sans affiner les investigations pour explorer les diagnostics différentiels ; celle d’attribuer rapidement une nouvelle plainte aux causes habituelles lorsque le patient est connu pour un problème récurrent ; ou encore celle qui, en période épidémique, conduit à poser le diagnostic infectieux sur un tableau faussement évocateur. En pratique, on considère qu’il existe 250 types de biais cognitifs répartis en six catégories, dépendant de la culture, de la cognition, des sens...
Favoriser la métacognition
La prise de décision fait intervenir deux types de raisonnements : d’une part les processus intuitifs, rapides et quasi-inconscients, qui répondent à la majorité des raisonnements du quotidien, et d’autre part des processus analytiques, plus conscients et plus lents, qui visent à mettre en relation les connaissances et le raisonnement, mais qui sont soumis aux aléas du stress, de la fatigue ou de la surcharge de travail. Des raccourcis de raisonnement (l’heuristique) interviennent souvent dans la prise de décision rapide, qui suit dès lors des règles approximatives et instinctives. C’est par exemple elle qui va nous permettre de déterminer d’emblée l’humeur d’une personne que l’on rencontre, ou de déterminer la classe socioprofessionnelle en se fiant à des éléments visibles chez une personne, quitte à faire une erreur de représentativité. Mais ces raccourcis sont sources d’erreurs.
En situation de charge mentale ou d’urgence, ce qui survient souvent en pratique clinique, les biais rapides de raisonnement peuvent surgir plus rapidement.
Prendre conscience de l’existence de ces biais et même s’y former est une première étape utile dans sa pratique afin d’en diminuer l’impact. D’autres ‘bonnes pratiques’ peuvent être mises en place : par exemple une routine intégrée aux routines de raisonnement, pour donner de l’ampleur aux processus analytiques, prendre l’habitude de remettre en question sa première hypothèse, de coucher sur le papier des diagnostics différentiels pour reconsidérer l’hypothèse initiale au cours du temps, le cas échéant. On peut également, autant que possible, limiter l’impact des facteurs favorisant ces biais : interruptions de tâche, fatigue, pression temporelle, hyperconnexion... Certaines études cliniques ont été conduites avec succès dans des équipes médicales pour favoriser la métacognition (analyse critique de ses propres pensées) à travers la méditation pleine conscience.
Malheureusement, l’accès à l’intégralité de cet article est reservé uniquement aux professionnels de santé disposant d’un compte.
Vous avez atteint la limite d'articles par visiteur
Inscription gratuite Disponible uniquement pour les professionnels de santé