SFE 2021 - PMA et bioéthique, du médical au sociétal

  • Caroline Guignot
  • Actualités Congrès
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Les progrès réalisés depuis les premières prises en charge initiales des stérilités physiologiques avérées ont bouleversé le champs médical et sociétal. « Incontestablement, l’assistance médicale à la procréation (AMP) a été une transgression » a reconnu René Frydman (Hôpital Foch, Suresnes) lors d'une conférence dédiée au congrès de la Société Française d’endocrinologie (SFE 2021, Le Havre, 13-16 octobre 2021). « L’embryon qui était invisible est devenu visible et ce qui était intouchable est devenu manipulable ».

Une révolution qui a largement dépassé le cadre médical: dès 1982, la naissance du premier 'bébé éprouvette' en France a conduit à la création d’un conseil national des sciences de la vie visant à répondre à toutes les questions sociétales et éthiques découlant de ces techniques. Et la considération de l’embryon en tant que personne humaine a motivé le conseil de l’époque à proposer la notion de 'personne potentielle'.

Quarante ans de progrès

Dans la foulée de la fécondation in vitro (FIV), se sont développés le don d’ovocytes (dès 1983), qui a permis de répondre aux cas de stérilité féminine, puis la congélation embryonnaire (dès 1984), qui a permis d’envisager le décalage des grossesses. La vision légale s’est parallèlement développée en France, alors que certains pays n’ont jamais intégré cette réflexion dans leurs évolutions législatives. La première loi française de bioéthique date ainsi de 1994.

Ensuite sont arrivées les techniques de micro-injection intracytoplasmique (ICSI), précieuse en cas de stérilité masculine et de diagnostic pré-implantatoire (DPI, pour les familles ayant une maladie à transmission génétique). Puis, à partir de 1999, les premières vitrifications ovocytaires, une avancée pour des femmes atteintes par exemple d’endométriose ou de cancer.

Toutes ces techniques ont permis d’élargir leurs premières indications, d’abord pour les femmes, puis pour les hommes en passant d’une approche plus médicale -répondre à l’infertilité, au risque de transmission d’une anomalie génétique, …- à celle d’une ouverture sociétale - auto-conservation ovocytaire, don de sperme pour une femme seule ou en couple homosexuel… Tout ce qui est envisageable doit-il se réaliser ou faut-il maintenir des principes en phase avec des notions fondamentales telles que la dignité humaine ou la protection des plus vulnérables ?

Bioéthique : un champ toujours bousculé

La dernière loi de bioéthique de 2021 définit le cadre actuel de ce qui est ou non autorisé : élargissement de l’accès à la PMA, interdiction de la GPA, nouveaux droits pour les enfants nés de PMA, modalités de l’autoconservation des gamètes hors motif médical, de la recherche sur les embryons et les cellules souches... Restent certaines difficultés. Ainsi, avec le droit à la connaissance des origines personnelles des enfants à naître et l’élargissement de l’accès à la PMA à toutes les femmes, les modalités et délais d’attente pour un don de sperme vont probablement se complexifier, alors que les délais sont déjà longs, compris entre 12 et 18 mois. De même, l’accès au DPI reste encore lent (18 mois d’attente en moyenne), pour seulement 20% de succès. Enfin, « il existe une disparité dans l’accès et l’activité des centres en France, qui s’explique notamment par des moyens en personnels, matériels et formation parfois insuffisants ».

Parallèlement, le spécialiste a regretté que la recherche d’aneuploïdie embryonnaire reste interdite car assimilée à de l’eugénisme, « ce qui n’est pas le cas, a-t-il insisté. Cet examen est globalement similaire à celui réalisé pour le DPI. Or, en pratique, 60% des embryons conçus par FIV présentent une telle anomalie et ne se développeront pas où conduiront à une fausse couche. L’autoriser permettrait ainsi d’éviter des gestes médicaux et leurs conséquences psychologiques chez des femmes qui ne mèneront pas leur grossesse à terme ».

René Frydman a rappelé que certain.e.s ignorent encore trop souvent que la principale cause de l’échec dans ce domaine est l’âge de la femme, qui réduit ses capacités de reproduction. Il a ainsi plaidé pour une meilleure information sur les facteurs défavorables à la fertilité, délivrée par exemple par les PMI et, plus en amont, lors des séances sur l’éducation à la sexualité en milieu scolaire. À l’avenir, des techniques nouvelles telles que la greffe d’utérus ou les gamètes artificiels viendront poser de nouvelles questions, et positionneront le médecin face à de nouvelles demandes. Face à ce désir d’enfant « qui a envahi la planète, la médecine ne doit pas quitter son terrain : celui de conseiller, d’accepter, même si parfois la situation est difficile, mais aussi de garder la capacité à refuser » a-t-il conclu.