SFD 2023 – Quelles pistes de prévention du diabète de type 1 ?

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Peut-on imaginer un dépistage du diabète de type 1 (DT1) en population générale ? Parce que 9 cas sur 10 sont diagnostiqués chez des personnes sans apparentés touchés, et parce que les pistes préventives se multiplient, le Pr Roberto Mallone (Cochin, Paris) estime que cette approche pourrait être médicalement et économiquement pertinente à terme. Il a présenté les principaux progrès réalisés dans la compréhension de la maladie et les approches préventives dans le cadre du congrès de la Société Francophone du diabète (SFD, 21-24 mars 2023, Montpellier).

Intervenir de plus en plus tôt

Le diagnostic de diabète de type 1 (DT1) est en réalité tardif par rapport à l’histoire naturelle de la maladie et le déclin des cellules fonctionnelles pancréatiques. Le premier stade de la maladie -stade 1- est celle de l’auto-immunité asymptomatique : elle est définie par la détection d’au moins deux types d’autoanticorps différents (IAA, GAD, UA-2, ZnTb). Le stade 2 –ou phase dysglycémique- correspond au stade de première souffrance des cellules bêta des Îlots de Langerhans durant lequel une perte de la première phase physiologique de l’insulinosécrétion conduit à un décalage de sa courbe en post-prandial. Elle se traduit par une hyperglycémie qui croît très vite, avant de se normaliser. Enfin, survient le stade 3 -stade hyperglycémique- auquel est le plus souvent posé le diagnostic.

Dépister précocement permet de limiter la survenue de l’acidocétose, qui constitue un facteur de risque à court et long terme, puisqu’une acidocétose au moment du diagnostic se traduit par une augmentation de +1,5 points d’HbA1c en moyenne, 15 ans après le diagnostic par rapport à des diagnostics sans acidocétose. Le dépistage précoce pourrait aussi limiter la dégradation des cellules bêta résiduelles et du contrôle glycémique, faciliter l’adaptation à la maladie (temps plus confortable d’éducation et d’apprentissage) et permettrait de mieux intervenir sur les facteurs de risque modifiables (surpoids et sédentarité).

Des anticorps monoclonaux au vaccin

Le téplizumab (Ac anti-CD3) bloque l’interaction entre les cellules bêta et les lymphocytes T, ce qui limite l’action délétère de ces derniers, puis favorise la différenciation des cellules T régulatrices. Une étude clinique américaine a montré que ce traitement réduit la progression clinique : le suivi à 6 ans des premiers enfants traités (8 ans ou plus) montre un décalage de l’histoire naturelle de la maladie (délai avant stade clinique) de 2,5 ans par rapport au placebo. Les facteurs prédictifs de réponse étaient la présence d’anticorps anti ZnTb, la présence d’HLA type DR4, et un taux de peptide C plus bas que le niveau médian. Il a été enregistré comme le premier traitement modifiant l’histoire naturelle de la maladie aux États-Unis. Cependant, son schéma d’administration est complexe : cycle de traitement en intraveineux sur 14 jours consécutifs, avec une dose croissante sur les 5 premiers jours. D’autres immunothérapies ont d’ores et déjà démontré un bénéfice sur la préservation du peptide C au stade 3 clinique : abatacept, ATG à faible dose, golimumab. Une méta-analyse récente montre que les deux premiers pourraient avoir le même bénéfice sur le peptide C que le téplizumab. Ils présentent l’avantage d’être déjà commercialisés, et d’avoir des schémas d’administration plus simples.

Enjeu de l’auto-immunité

Des études ont décrit que des Lymphocytes T (LT) auto-immuns anti-Îlots sont présents à une fréquence comparable chez tous les individus, qu’ils soient ou non diabétiques. « Nous aurions tous une auto-immunité bénigne, mais seuls certains exprimeraient ce potentiel apte à attaquer les cellules bêta » a-t-il expliqué. Aujourd’hui, les facteurs favorisant cette évolution sont à l’étude : ils pourraient résider dans les mécanismes engageant les LT et/ou les caractéristiques des cellules bêta, qu’il reste à identifier.

L’étude des diabètes fulminants aide à comprendre ces mécanismes : dans ces situations, des LT auto-immuns ont des caractéristiques de cellules souches car ils ont été stimulés par des taux d’antigènes très faibles et donc à des stades de différenciation partielle. Cette particularité permettrait aux LT de se multiplier plus facilement et expliquerait aussi pourquoi l’autoimmunité est difficile à éteindre. Cibler les anti-PD-1 pourraient aider à contrôler la prolifération des LT qui constituent un réservoir d’auto-immunité.

Par ailleurs, l’attaque auto-immune ne se traduit pas de façon identique sur toutes les cellules bêta, à l’instar des manifestations cutanées hétérogènes du vitiligo. Cela pourrait s’expliquer parce le fait que le DT1 est une maladie de la cellule bêta : produire de l’insuline favorise le stress cellulaire, qui rend la cellule plus vulnérable en cas d’inflammation ou d’infection virale. Les perturbations des cellules bêta pourraient même précéder les phénomènes liés à l’auto-immunité.

Des études de repositionnement thérapeutique ont par exemple été conduites avec le vérapamil, qui il augmente les capacités anti-oxydantes de la cellules bêta. Les premières données cliniques sont encourageantes dans le stade 3 du DT1. Il serait maintenant nécessaire de le tester plus précocement. D’autres traitements sont évalués de manière comparable : agonistes du récepteur au GLP1, imatinib, inhibiteurs du stress du réticulum endoplasmique (TUDCA) et inhibiteurs JAK1/2. Par ailleurs, des évaluations précoces de régimes riches en fibres ont montré un bénéfice chez la souris et celle de l’activité physique a montré un bénéfice clinique durant la phase lune de miel de la maladie.

On pense par ailleurs qu’il existe des endotypes : à savoir des mécanismes physiopathologiques différents qui se traduisent par des manifestations cliniques similaires, celles du DT1. Ainsi, l’immunothérapie semble plus efficace chez les enfants, sans doute parce que leur auto-immunité est plus importante à cet âge. La composante bêta cellulaire résiduelle serait plus importante chez les adultes. 

Quid de la prévention par vaccination ?

La vaccination tolérogène a été étudiée dans plusieurs études, avant même l’apparition des auto-anticorps, chez des enfants prédisposés génétiquement. Les premières études sont encourageantes. Des données récentes suggèrent également que les infections persistantes par le coxsackievirus B pourraient être en cause dans l’atteinte des cellules bêta, notamment dans les pays à faible circulation du virus (par absence de transmission suffisante de l’immunité de la mère vers l’enfant). Aussi, des développements vaccinaux sont envisagés pour cibler ce virus.