SFD 2023 - Perspectives thérapeutiques dans la prise en charge de la dyslipidémie du diabétique

  • Agnès Lara
  • Actualités Congrès
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D’après la communication du Pr Bertrand Cariou, Unité de recherche de l’Institut du Thorax, lors du Congrès de la Société Francophone de diabétologie (SFD), jeudi 23 mars 2023, Montpellier.

À retenir

  • Le risque résiduel cardiovasculaire demeure un enjeu majeur chez le patient diabétique.
  • Il faut rester pragmatique et suivre les recommandations en ciblant en premier lieu le LDL-Cholestérol (LDL-C) par les statines, puis par ézétimib, puis anti-PCSK9 chez les patients n’atteignant pas l’objectif.
  • Les fibrates n’ont pas démontré de bénéfice cardiovasculaire en association aux statines.
  • Les anti-ApoC3 sont en cours d’évaluation et ciblent plutôt les triglycérides et le HDL-Cholestérol (HDL-C).
  • Parmi les acides gras oméga-3, seul l’acide eicosapentaénoïque (EPA) à forte dose semble cardioprotecteur par un mécanisme qui reste à déterminer.

Même sous traitement optimal par statines, les patients diabétiques de type 2 conservent un surrisque important de décès d’origine cardiovasculaire par rapport à des sujets non diabétiques appariés selon l’âge et le sexe (1). Selon les recommandations européennes, ces patients sont d’emblée considérés comme à risque cardiovasculaire élevé, et le premier réflexe doit être d’abaisser le LDL-C en étant plus exigeant sur la valeur cible : <0,70 g/L chez les patients à haut risque et <0,55 g/L chez les patients à très haut risque (2). Les études chez des patients ayant un niveau de LDL-C bas génétiquement déterminé ont clairement montré l’importance de la durée d’exposition au LDL-C et donc de la nécessité à intervenir tôt (3). Et il a été démontré par ailleurs que plus on baisse le niveau de LDL, plus on réduit le risque relatif d’événement cardiovasculaire (4).

Ezétimib et inhibiteurs de PCSK9 en renfort chez les patients qui ne sont pas à l’objectif sous statines

L’ajout de l’ézétimib permet d’abaisser le LDL-C, avec une réduction modérée mais significative des événements cardiovasculaires majeurs par rapport à la simvastatine seule (HR 0,936 [0,887-0988], p=0,016). Et le bénéfice semble plus marqué chez les patients diabétiques que chez les autres (5).

Les inhibiteurs de PCSK9 sont également utilisés chez les diabétiques, l’alirocumab et l’évolumab. Utilisés en prévention secondaire, ces anticorps monoclonaux humains abaissent le LDL-C d’environ 60%, l’Apo-B d’environ 50% et la lipoprotéine(a) (Lp(a)) de 20% (6), et la baisse obtenue du LDL-C est durable et aussi efficace chez les patients diabétiques que chez les patients non diabétiques. Le risque cardiovasculaire initial étant plus élevé, les patients tirent même davantage bénéfice de la baisse du LDL-C, ce qui dans l’étude Fourrier se traduit par un nombre de patients à traiter pour éviter un événement cardiovasculaire majeur (NNT) de 37 chez les patients diabétiques sur une durée de suivi de 36 mois, contre 62 chez les patients non diabétiques (7).

Ces résultats ont abouti à la stratégie thérapeutique des recommandations européennes qui préconisent d’initier d’abord une statine à la dose maximale tolérée, puis d’ajouter de l’ézétimib, puis un PCSK9 si les patients ne parvient pas à l’objectif cible de LDL-C (2).

L’Inclisiran bientôt sur le marché français

L’Inclisiran qui dispose déjà d’une AMM en Europe devrait être disponible prochainement en France. Il s’agit d’un ARNsi antisens qui bloque la production de PCSK9 dans le foie et permet ainsi d’abaisser les concentrations circulantes. Les données de suivi à 4 ans de l’Inclisiran parues tout récemment montrent une diminution du LDL cholestérol qui se maintient de l’ordre de -45% par rapport à l’inclusion, un peu inférieure à celle que l’on obtient avec les anticorps monoclonaux anti-PCSK9. Cependant, l’ARNsi anti-PCSK9 présente l’avantage de nécessiter des injections moins fréquentes (2e injection à 3 mois, puis tous les 6 mois) que les anticorps monoclonaux (une injection tous les 15 jours) (8). Les résultats des études de morbimortalité en cours sont attendus en vue de l’obtention d’un remboursement en France.

L’acide bempédoïque pour les patients intolérants aux statines ?

En pratique clinique, les statines disposent du niveau de preuve le plus élevé, mais de nombreux patients y sont intolérants. L’acide bempédoïque, une « statine like » pourrait représenter une alternative à l’avenir. Comme les statines, il bloque la synthèse endogène du cholestérol, mais un peu plus en amont. Circulant sous forme inactive, il n’est activé que dans le foie, ce qui pourrait expliquer ses moindres effets indésirables musculaires.

Une large étude de morbimortalité (CLEAR Outcomes, 7.000 patients dans chaque bras) réalisée chez des patients intolérants aux statines, dont 45% de patients diabétiques, vient de montrer qu’il permettait une baisse de 26% du LDL-C par rapport à l’inclusion vs 17% dans le groupe placebo, avec un effet qui se maintient dans le temps. Le nombre d’événements cardiovasculaires est réduit de 13% par rapport au placebo (critère principal) et le produit semble bien toléré. Ce médicament devrait être commercialisé prochainement en France (9). 

Faut-il abaisser les triglycérides ?

Les dyslipidémies du diabétique associant fréquemment une hyperglycéridémie et un HDL bas, la question se pose en effet. Les méta-analyses n’ont pas montré d’effet des fibrates associés aux statines. L’étude ACCORD plus récente, qui associait fénofibrate et statines chez des patients diabétiques de type 2, avait apporté des résultats négatifs. Mais l’analyse en sous-groupe avait permis de mettre en évidence une baisse significative des événements cardiovasculaires chez les patients ayant une dyslipidémie combinée (10).

En revanche, l’étude PEMAFIBRATE qui avait inclus des patients diabétiques très hypertriglycéridémiques (>2 g/L) et ayant un HDL cholestérol bas avait été arrêtée pour futilité (augmentation du LDL-C) (11). Au final, aucune étude ne permet à ce jour de confirmer l’intérêt des fibrates en association aux statines pour réduire le risque cardiovasculaire dans cette population.

Les anti-ApoC3 en cours d’évaluation

L’Apo-protéine C3 (ApoC3) est un autre acteur majeur du métabolisme des triglycérides, qui inhibe la lipoprotéine lipase (LPL). Deux molécules, le volanezorsen et plus récemment l’olezarsen, des ARN antisens capables d’inhiber la synthèse de l’ApoC3, ont été développés dans des maladies rares comme les hyperchylomicronémies familiales. Des chercheurs ont alors voulu tester ces ARN antisens pour inhiber l’ApoC3 chez les patients DT2 à très haut risque cardiovasculaire en prévention secondaire et avec une dyslipidémie combinée marquée. L’olezarsen en injection mensuelle a permis d’obtenir une baisse importante des triglycérides (-60% vs inclusion), ainsi qu’une augmentation du HDL-C (12). Cependant, les études de morbimortalité visant à évaluer l’effet d’une inhibition de l’Apo-C3 sur le risque d’événements cardiovasculaires majeurs chez les patients diabétiques en dyslipidémie combinée sont attendues.

Quelle place pour les oméga-3 ?

Les études les plus récentes ayant évalué le bénéfice des oméga-3 sur le risque cardiovasculaire des patients diabétiques de type 2 sont pour majorité négatives. Deux d’entre elles ont cependant montré des résultats positifs. REDUCE-IT a pu obtenir une baisse importante (-25%) des événements cardiovasculaires majeurs avec de l’EPA pur à forte dose (4g/j) (HR 0,75 [0,68-0,83]). Une baisse des triglycérides (de -14,1% à -20,3%), du LDL-C (de -7,4 à -11,4%), et de la CRP ultra-sensible (-39,7%) a également été observée par rapport au placebo (13). Le mécanisme d’action reste pour l’heure inconnu.