SFD-2023 : Boucle fermée : quand les résultats ne sont pas là
- Agnès Lara
- Actualités Congrès
À retenir
- L’insulinothérapie en boucle fermée permet d’améliorer considérablement l’équilibre glycémique et le confort des patients diabétiques.
- Les échecs métaboliques existent mais restent rares.
- Le succès repose sur un parcours éducatif du patient structuré.
- Aux côtés de l’approche purement médicale, la prise en compte des aspects psychosociaux de la maladie (éducation du patient, motivation, adhésion…) apparaît tout aussi essentielle.
Dans le cadre d’une Rencontre experts qui s’est tenue le jeudi 23 mars au congrès de la SFD 2023 à Montpellier, le Pr Riveline a discuté de l’efficacité de l’insulinothérapie en boucle fermée et surtout des différentes situations dans lesquelles elle pouvait se trouver un échec.
De nombreux essais contrôlés randomisés ont évalué l’insulinothérapie en boucle fermée (BF) et ont montré qu’elle apportait un bénéfice aux patients diabétiques de type 1 en termes de temps passé dans la cible (TIR/Time In the Range) qui est augmenté d’environ 10%. Une légère baisse de l’HbA1c (-0,3%) est observée sans augmentation du risque d’hypoglycémie et la stabilité glycémique évaluée par le coefficient de variation de cette dernière est améliorée (1)
Cependant ces essais sélectionnent des patients qui ne sont pas ceux que l’on rencontre en pratique courante (peu de sorties d’étude, peu d’hypoglycémies sévères…). De plus, la BF ne peut être un succès que si le vécu du patient est en accord avec ses attentes (2). Les experts français ont donc émis des recommandations parues en 2020 qui proposent un parcours éducatif structuré. Leurs objectifs métaboliques sont ambitieux* et elles préconisent une phase de préparation avant mise en route permettant d’expliquer la BF et de recueillir les attentes des patients, ainsi qu’une phase de suivi (3).
Quels peuvent être les raisons d’un échec du contrôle glycémique ?
Avec plusieurs cas cliniques de diabétiques de type 1 à l’appui, les Pr Riveline et Guerci ont illustré les raisons pouvant amener à un mauvais contrôle glycémique lors du passage d’une boucle ouverte à une boucle fermée : annonce erronée ou oubliée des glucides avant les repas à l’origine de pics post-prandiaux persistants, maniement inadapté du système par le patient (calibrations, désactivation du SmartGuard …). Ces différents cas témoignent de l’importance de l’éducation thérapeutique du patient qui doit s’envisager aux différentes étapes de la maladie et de la vie du patient. Le parcours éducatif a été bien décrit par les recommandations (3).
Dans d’autres cas le contrôle glycémique est mis à mal en raison d’un dysfonctionnement technique : hyperglycémies dues à un problème de capteur ou à un cathéter bouché par exemple, problèmes liés à l’inertie du système face à une charge glycémique soudaine (consommation d’alcool par exemple). Là encore l’éducation du patient est essentielle, afin qu’il soit en capacité de réagir face à des événements inattendus.
Pour le Pr Riveline, « le parcours éducatif du patient doit être mis en place rapidement, avec une première consultation face à face ou par téléconsultation de 15 jours à 1 mois suivant la mise en route de la BF, puis un suivi assuré sur la durée. Il est possible qu’une lassitude survienne chez le patient au bout d’un certain temps et que le besoin d’une reprise éducative se fasse sentir. »
Pour l’heure, nombre de situations restent encore non maîtrisées sous BF, notamment en cas d’augmentation brutale et transitoire des besoins en glucides : activité physique intense, corticothérapie, infection sévère, accouchement … Les experts préconisent alors de repasser en boucle ouverte et de ne reprendre la BF qu’une fois les choses rétablies. À noter, la BF a été validée en préparation et suivi de grossesse, mais pas pour l’accouchement.
Les échecs sont-ils fréquents en vraie vie ?
Au-delà des essais contrôlés randomisés dont les patients choisis ne reflètent pas forcément la réalité de la pratique (pas ou peu de sorties d’études, d’acidocétose ou d’hypoglycémies sévères…), qu’en est-il dans la vraie vie ?
Plusieurs études rétrospectives ont été réalisées à partir des données de téléchargement de la Minimed 780G (4.120 utilisateurs suivis sur 52 jours) et de la Tandem Control-IQ (9.451 utilisateurs suivis sur 1 an). Sur le plan métabolique, les résultats sont très satisfaisants et confirment ceux obtenus dans les essais randomisés. Dans les deux cas, les valeurs du TIR sont similaires passant de 63-64% en boucle ouverte à 74-75% en BF et surtout elles se maintiennent à 1 an. Le pourcentage de patients se maintenant 70% du temps dans la cible passe quant à lui de 34,6% à 74,9%.
Quid des accidents métaboliques sous boucle fermée ?
« Concernant les acidocétoses, le risque est identique en boucle ouverte ou en BF. C’est une question de matériel. » explique l’endocrinologue. « Pour ce qui est des hypoglycémies sévères, elles restent exceptionnelles et proviennent généralement d’un mésusage. Elles doivent pouvoir être prévenues par une reprise éducative ». Le recul est aujourd’hui encore trop limité (1,5 ans) pour être totalement affirmatif. Un observatoire, OB2F (observatoire de la BF), a été mis en place en France pour mieux comprendre l’évolution métabolique des patients à long terme. Il s’agit d’un projet national multicentrique rétrospectif sur des données collectées à partir des dossiers médicaux de patients DT1 enfants et adultes (943 patients inclus, 50 centres).
* HbA1c<6,5%, TIR >70%, Temps sous la cible/Time below the range <4%, coefficient de variation (CV) <36%
Pr Jean-Pierre Riveline, endocrinologue, Centre Universitaire du Diabète et de ses Complications, Hôpital Lariboisière, Paris
Pr Bruno Guerci, endocrinologue, Service d’Endocrinologie, Diabète, Nutrition, CHRU de Nancy
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