SFD 2022 - Diabète de type 2 pédiatrique : quelles caractéristiques ?

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Complications plus précoces, échappement aux traitements insulino-sensibilisateurs plus rapides, surmortalité plus forte que chez les adultes… Le pronostic des jeunes diabétiques de type 2 est sombre. Les spécificités de cette pathologie dans la population pédiatrique, en tenant compte des dernières publications, ont été commentées par le Pr Jean-Pierre Riveline, du Centre du diabète et de ses complications (CUDC. Hôpital Lariboisière-Institut Necker Enfants Malades ; INSERM U151, CNRS UMR 8253, Paris) lors du congrès de la Société francophone du diabète (22-25 mars 2022, Nice) [1].

Le diabète est un continuum

Le diabète est une maladie de la cellule beta-pancréatique, devenue incapable de s’adapter à une pression métabolique générée par l’obésité. Alors que le sujet normal maintient une glycémie sous contrôle grâce à une hyper-insulinémie, le diabétique de type 2 doit pallier une diminution de la sécrétion d’insuline doublée d’une intolérance au glucose. Les facteurs environnementaux tels l’obésité et la sédentarité sont des déterminants majeurs de la pathologie.

Des cofacteurs génétiques (250 polymorphiques identifiés à ce jour, dont l’un des plus connus TCF7L2, codant un facteur de transcription) mais aussi épigénétiques et inflammatoires, participent de cette carence sécrétoire en insuline. Celle-ci devient sévère après quelques décennies, du moins en cas d’apparition tardive de la maladie, justifiant une insulinothérapie. « Le diabète est donc un continuum entre une carence absolue en insuline (le diabète de type 1) et, à l’autre extrémité, la très rare résistance absolue à l’insuline, illustrée par le lépréchaunisme, forme congénitale sévère de syndrome d’insulino-résistance extrême due à une mutation du récepteur à l’insuline, décrit le Pr Jean-Pierre Riveline. Entre ces typologies caractéristiques se situent les diabètes MODY, qui sont des déficits majeurs de la sécrétion en insuline d’origine monogénique, ainsi qu’une entité – le diabète de type 2 de l’adulte – extrêmement hétérogène du point de vue de la carence insulinique et de l’insulinorésistance. Où le diabète de type 2 pédiatrique se situe-t-il réellement dans ce continuum ? », s’interroge-t-il.

Diabète de type 2 précoce : quelles spécificités ?

Le registre SEARCH a pointé une origine ethnique particulière du diabète de type 2 (DT2) pédiatrique : les jeunes DT2 caucasiens (non hispaniques blancs) sont sous-représentés, au contraire d’une surreprésentation des individus afro-américains et amérindiens [2]. « De plus, complète le Pr Riveline, l’altération de la sécrétion d’insuline semble chez eux plus importante et rapide. Cela nécessite encore d’être étayé ».

En comparant la cohorte TODAY de DT2 adolescents [3] à des DT2 adultes dans des cohortes importantes (UKPDS, US DOD Diabetes, ADOPT), le pourcentage d’échec à la metformine est considérablement plus élevé dans les diabètes précoces (par exemple, 52% contre 22% dans ADOPT, respectivement). Si l’évolution de la sensibilité à l’insuline n’est pas si différente (-5% contre -15%), en revanche, la décroissance de la fonction beta est nettement supérieure et rapide dans la population pédiatrique (-25% contre -2 à-5% dans les cohortes adultes).

Une génétique particulière du diabète de type 2 pédiatrique ? 

Une étude a évalué dans une population de jeunes non diabétiques, 271 polymorphiques génétiques connus dans ce type de diabète, en leur attribuant un score génétique [4]. « Aucun lien entre les variants génétiques n’a été observé parmi la population globale et la glycémie (à jeun ou à deux heures), contrairement aux scores de sécrétion d’insuline, analyse le Pr Riveline. De manière intéressante, ces polymorphismes génétiques prédisposant au diabète ne deviennent associés à la glycémie que chez les sujets qui ont un indice de masse corporelle très élevé et ceux qui ont été exposés au diabète gestationnel maternel pendant la vie fœtale. »

Un tableau inquiétant de ces complications du jeune diabétique de type 2

« Les études, récentes et de plus en plus nombreuses dans ce domaine, brossent un tableau inquiétant des complications diabétiques ainsi qu’une surmortalité, souligne le Pr Riveline. Le pronostic de cette population de jeunes DT2 se révèle assez sombre, avec des complications plus précoces et sévères ».

Parmi d’autres, une étude menée chez des individus d’âge moyen 25 ans, après douze ans de diabète de type 2, 39% avaient déjà développé une rétinopathie très légère ou légère non proliférative, 6% une rétinopathie non proliférative modérée à sévère et 3,8% une rétinopathie proliférative [3]. Les facteurs associés à ces complications sont sans surprise le taux d’hémoglobine glyquée, le peptide-C, l’hypertension artérielle et le taux de triglycérides.

À propos de la néphropathie diabétique, une étude conduite parmi les Indiens Pima[5en séparant les DT2 adultes (n=109) des DT2 pédiatriques (n=52) a analysé des fragments de reins issus de ponction suite à une biopsie rénale : « à durée de diabète comparable, les analyses histologiques constatent des lésions glomérulaires plus sévères chez les jeunes DT2, ainsi qu’une microalbuminurie plus élevée », ajoute-t-il.

Le constat de la prévalence de la neuropathie est également alarmant chez ces jeunes diabétiques de type 2 : dans la cohorte TODAY (n=654 ; âge moyen 25 ans, environ 10 ans d’ancienneté du diabète), la neuropathie survient de manière plus précoce chez les jeunes DT2 que chez les adultes. En utilisant un outil de dépistage de la neuropathie (Michigan neuropathy screening instrument, MNSI), les chercheurs ont trouvé un score positif chez 38,5% des hommes et 27,2% des femmes et un test au monofilament positif chez 14% des hommes et 5,1% des femmes.

« Mais la donnée la plus inquiétante est la surmortalité absolument majeure parmi cette population de jeunes DT2 : plus l’âge de début du diabète est jeune, plus la surmortalité est importante[7], résume Jean-Pierre Riveline. Dans cette étude ayant inclus 354 individus diabétiques de type 2 avec un âge d’apparition de la maladie entre 15 et 30 ans et 1062 avec un DT2 découvert entre 40 et 50 ans, les ratios standardisés de mortalité (SMR) sont de 3,5 si la maladie débute entre 15-29 ans, 1,8 entre 40-49 ans et 1,3 entre 60-69 ans ». La surmortalité est donc presque triplée entre les adolescents-jeunes adultes comparés aux sexagénaires.

Liens d’intérêt du Pr Riveline : Abbott, Medtronic, Eli Lilly, MSD, Novartis, Novo nordisk, Ar Liquide, Roche, Amgen, Sanofi, Astra Zeneca, Alphadiab, Timkl

Cet article a été écrit par Nathalie Raffier et initialement publié sur Medscape.