Se préparer aux catastrophes sanitaires

  • Serge Cannasse
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Deux infectiologues américains, Carlos Del Rio et Preeti N. Malani, titrent leur lettre au JAMA du 27 mai 2022 : « Covid-19 : le début de la fin ou la fin du début ? » Au terme d’une argumentation longuement documentée, ils concluent à la deuxième alternative : nous devons apprendre à vivre avec le virus. Les discussions sur son origine ne peuvent pas cacher le principal problème, celui de sa diffusion à l’ensemble de la planète et ses conséquences majeures, sinon sanitaires, en tout cas socio-économiques. Cette diffusion est largement due aux activités humaines. Il a beaucoup été dit sur les prophètes (comme Bill Gates) qui auraient « prédit » la pandémie. En fait, elle était totalement imprévisible quant à sa nature. En revanche, de très nombreux experts de tous domaines savaient qu’une épidémie grave était un événement probable, même faiblement, mais aucun ne se risquait à être plus précis. De plus, pendant longtemps, c’est le risque terroriste, y compris par attaque biologique, qui a prévalu dans les esprits des décideurs. La parade était – et reste – l’imagination, c’est-à-dire la construction de scénarios suivant différentes hypothèses (par exemple, que faire en cas d’épidémie virale plus ou moins létale à transmission respiratoire ?). Autrement dit, le principe de préparation, complémentaire de ceux de prévention et de précaution.

Le moins qu’on puisse dire est que cette imagination n’a pas été au pouvoir, pour plusieurs raisons, qui ne tiennent pas toutes à une supposée incompétence, paresse ou vénalité des dirigeants. De ce point de vue, l’épidémie de Covid-19 a contribué à changer la donne, comme le montrent diverses réunions internationales ébranlées par le dernier rapport du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) et le retentissement croissant des thèmes écologiques dans les opinions publiques occidentales. La sortie hors d’Afrique du monkeypox virus va sans doute renforcer le sentiment que quelques épées de Damoclès s’installent au-dessus de nos têtes, d’autant que personne ne sait comment va se faire sa propagation. Il s’agira peut-être d’une fausse alerte, mais ce qui est certain, c’est que les alertes se multiplient.

Il faut donc prendre très au sérieux les « signaux faibles » qui clignotent un peu partout dans le monde. Un exemple : la pollution océanique par les plastiques s’accompagne d’une importante prolifération bactérienne sur leurs surfaces. Cela entraîne deux risques : une contamination humaine par ingestion de germes ou de toxines pathogènes, une augmentation des résistances bactériennes aux antibiotiques, par échanges de matériel génétique entre populations bactériennes se reproduisant rapidement. La parade est extrêmement difficile à trouver parce que l’importance des quantités de plastique dans l’océan, et donc des populations bactériennes qu’il abrite, ont créé un nouvel équilibre écologique qu’il serait très dangereux de modifier rapidement, en supposant que ce soit possible.

Comme l’a bien compris le CESE (Conseil économique, social et environnemental), les professionnels de santé et notamment les médecins ont un rôle important à jouer dans la prise de conscience des enjeux environnementaux. Cela devrait commencer par leur formation en « santé-environnement », dès l’université et dans leur vie professionnelle.