Scandale dans les EHPAD : tous sont potentiellement concernés
- Serge Cannasse
- Actualités professionnelles
L’épidémie de Covid-19 d’abord, puis la publication du livre « Les fossoyeurs » de Victor Castanet, ont porté sur la scène publique les graves dysfonctionnements des EHPAD (Établissements d’Hébergement pour Personnes Âgées Dépendantes) privés à but lucratif. Or souligne l’ancienne représentante des familles au Conseil de la Vie Sociale, Geneviève Chovrelat-Péchoux, sur le site « La Vie des Idées », non seulement cet état des lieux n’est pas nouveau, puisque divers rapports l’ont déjà établi, mais il concerne aussi les établissements publics et privés à but non lucratif. Car « le problème est structurel : la maltraitance frappe tous les EHPAD. » Il s’agit avant tout du manque de personnel (aides soignantes, infirmières, médecins) induisant « une maltraitance mortifère, silencieuse et permise par un mode d’emploi administratif fondé sur l’économie à tout prix. »
« La toilette en est un exemple criant » : la mauvais hygiène est « repérable à l’œil et au nez », avec des toilettes bâclées, souvent réalisées au lit même quand la personne peut se lever, et avec pour conséquences fréquentes yeux rouges, infections urinaires à répétition, mycoses, érythèmes fessiers et escarres. Les soins buccaux sont rares.
En cause, un taux d’encadrement nettement insuffisant : il est officiellement de 6 professionnels pour 10 résidents, mais y sont inclus tous les personnels. En pratique, il s’agit souvent de 3 aides-soignantes pour dix résidents. La situation a été aggravée par la suppression des emplois aidés en 2017. Le taux de dénutrition en EHPAD est également alarmant (de 13,3% à 28,5%) ainsi que le nombre de décès par déshydratation. Le manque de matériel médical basique est flagrant (thermomètres, pansements, etc). Les rendez-vous chez un spécialiste ne sont pas prévus. Le guide de formation Pathos formation 2018-19 (le « Pathos » étant le logiciel qui détermine le niveau de soins requis pour tous les résidents d’un EHPAD …) conseille aux médecins de ne pas prévoir des soins impossibles à mettre en place faute de personnels, par exemple ceux de kinésithérapie.
À ce manque d’hygiène (« cet abandon à l’état excrémentiel ») et de soins s’ajoute un sentiment de vulnérabilité et d’inutilité aggravé par la promiscuité, le spectacle « en miroir » des co-résidents et le peu de respect d’une sphère privée étroite. Paradoxalement, alors que les personnes ont du mal à se mouvoir, on leur enjoint d’aller toujours plus vite, sauf s’il s’agit d’attendre une aide pour aller aux toilettes. Ainsi, les personnes sont condamnées à la perte de leur dignité et à l’infantilisation.
Les vieux (l’auteure préfère ce terme à celui de personnes âgées, car pourquoi masquer la vérité ?) se plaignent rarement : elles ont le sentiment d’être un poids pour tous, surtout si elles sont dans une situation de précarité économique. Et les familles qui osent s’y risquer peuvent se retrouver confrontées à l’hostilité de l’administration. Sans parler des personnels, qui peuvent perdre leur emploi.
Au final, « objets de soins, sans particularités, les résidents sont de simples ressources sans cesse renouvelées d’une entreprise qui n’a ni le temps d’analyser ses pratiques ni l’injonction de poser et de se poser des questions éthiques. » Le relèvement du taux d’encadrement est-il la solution ? Geneviève Chovrelat-Péchoux n’en est pas certaine. Pour elle, il s’agit plutôt d’inventer des solutions nouvelles et d’offrir « une variété de solutions d’accompagnement digne ».
Malheureusement, l’accès à l’intégralité de cet article est reservé uniquement aux professionnels de santé disposant d’un compte.
Vous avez atteint la limite d'articles par visiteur
Inscription gratuite Disponible uniquement pour les professionnels de santé