Santé périnatale et de la femme enceinte : avoir de l’ambition
- Serge Cannasse|Serge Cannasse
- Actualités Médicales
« La France est l’un des rares pays disposant d’un système renforcé de surveillance de la mortalité maternelle, l’Enquête nationale confidentielle sur les morts maternelles (ENCMM), qui identifie chaque décès survenant pendant la grossesse, le travail et l’accouchement et jusqu’à un an après l’accouchement. » C’est ce que soulignent les deux Canadiens Rohan D’Souza et Jon Barrett en ouverture du numéro spécial du Bulletin épidémiologique hebdomadaire (Santé publique France) consacré à la mortalité maternelle en France1 et basé sur le sixième rapport de cette enquête.
Entre 2013 et 2015, 262 décès maternels sont survenus dans notre pays. Le ratio de mortalité maternelle est ainsi resté stable (10,8 décès pour 100.000 naissances vivantes) par rapport aux précédents rapports. Mais il faut se garder d’y voir une stagnation. En effet, les causes de décès ont profondément évolué. L’hémorragie obstétricale n’est plus la principale, ce qui « constitue un réel succès » : 8% des décès maternels jusqu’à 1 an après la fin de grossesse, 11% jusqu’à 42 jours, soit une diminution par deux de sa fréquence entre 2007 et 2015. Elle est supplantée d’une part, par les maladies cardiovasculaires (les plus fréquentes étant les cardiomyopathies préexistantes – 10 femmes –, les dissections aortiques – 9 femmes – et les cardiomyopathies du péri-partum – 6 femmes) qui avec 36 décès représentent 14% du total, d’autre part, par les suicides, au nombre de 35, 34 d’entre eux étant survenus après l’accouchement.
L’âge maternel est en constante augmentation, ce qui constitue un facteur de risque : les femmes âgées de 35 ans et plus ont un risque de mortalité maternelle trois supérieur à celui des femmes de 25-29 ans. D’autres facteurs de vulnérabilité sont bien connus : la précarité, l’isolement, les antécédents de maladie mentale, les événements stressants et les complications pendant la grossesse ou l’accouchement. La mortalité maternelle est trois fois plus élevée dans les départements et régions d’outre-mer. Les retards concernant la décision de consulter étaient plus fréquents chez les femmes nées en Afrique subsaharienne et ces retards ont entrainé le décès de la femme dans 41% des cas. De plus, les décès tardifs (entre 43 et 365 jours post-partum) représentaient le quart du total des décès maternels en France.
Pour les auteurs canadiens, « les soins ont été jugés insuffisants dans deux cas de décès sur trois et dans plus de la moitié des cas (58%), les décès auraient probablement été évités en modifiant les stratégies de prévention, l’organisation des soins ou les soins eux-mêmes. »
Leur invitation à repenser les politiques de santé maternelle (notamment en « progressant dans la lutte contre la violence structurelle ») rejoint la préconisation de l’Académie nationale de médecine, pour qui « la mise en œuvre d’un plan de périnatalité ambitieux est une priorité et une urgence.2 » En effet, si la couverture territoriale par les maternités de types 1 et 2 est satisfaisante (à l’exception de la Corse), « ces établissements sont saturés et offrent des conditions de travail et d’accueil dégradées. » En cause, le manque de professionnels de santé (par réduction de leur nombre pour diminuer les coûts) et les « orientations médico-sociales et économiques modernistes prises il y a un quart de siècle. » Avec pour résultat l’accélération de la fermeture des plus petites maternités (moins de 300 naissances) et l’augmentation du nombre relatif des accouchements dans les maternités de types 2 et 3 au détriment de celles de type 1 (plus de 40% d’entre elles ont fermé depuis 20 ans). Y contribue aussi l’augmentation des coûts pour ces établissements, du fait notamment des nouvelles normes de sécurité, avec un effet « ciseau » entre les tarifs et les coûts.
Pourtant, la recommandation la plus spectaculaire de l’Académie n’est pas de stopper ce mouvement de fermeture, ce qui paraît irréaliste au moins à court et moyen termes, mais de le rationaliser. Les maternités de type 1 devraient être regroupées avec les établissements de type 2 et de type 3 d’un même territoire, « au prix d’adaptations architecturales permettant la cohabitation des différents niveaux de prise en charge. » Parmi les autres recommandations de l’Académie, on note:
- La mutualisation et la coordination des offres publiques et libérales,
- La création de « zones physiologiques de la naissance dans toutes les structures de types 2 et 3 »,
- Le développement des centres de prise en charge de la femme et du nouveau-né en les installant dans les anciennes maternités de type 1,
- La création de groupements hospitaliers périnatals de territoire avec une vraie place pour les praticiens libéraux,
- La refonte de la formation des IPDE (infirmières puéricultrices diplômées d’État), portée au grade Master, et/ou l’ouverture de la formation en Infirmière en Pratique Avancée (IPA) aux Puéricultrices pour la Néonatologie.
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