Revenir après un contrat de recherche à l’étranger : les astuces et les pièges
- Nathalie Barrès
- Actualités Médicales par Medscape
Le retour de plusieurs années de contrat de recherche passées à l’étranger est une période délicate. Quelles sont les difficultés rencontrées ? Les astuces pour revenir le plus sereinement possible ? Lors du congrès de l’ESMO 2021, trois anciens boursiers, la présidente de l’ESMO, le Pr Solange Peters (spécialiste du cancer du poumon, Lausanne, Suisse), le Dr Laura Mezquita (oncologie thoracique, Barcelone, Espagne) et le Dr Matteo Lambertini (spécialiste du cancer du sein, Gênes, Italie) ont partagé leurs expériences en compagnie des Drs Christoph Oing et Jonathan Lim ( Manchester, Royaume-Uni), présidents de la session.
Au retour : quelles difficultés ?
Lorsque l’on part faire de la recherche à l’étranger, plane souvent l’incertitude liée au retour. Quand rentrer au pays ? Où continuer sa carrière, dans son ancien centre, ailleurs ? Dans quelles conditions ?
Laura Mezquita, qui a passé plus de quatre ans à l’institut Gustave Roussy (Villejuif), « une des meilleures expériences de ma vie », n’avait pas l’opportunité de retourner dans le centre qu’elle avait quitté. L’inconnu entourant son retour a été une grande source de stress tout du long, explique-t-elle.
Interrogée sur ce qui est, à son avis, le meilleur choix entre un retour dans le centre d’origine et l’option de la nouveauté, Le Dr Mezquita a répondu que si l’idée d’un retour en terrain connu est surement plus rassurante, les challenges liés à la découverte d’un nouveau lieu de travail sont une expérience enrichissante.
Alors qu’au départ elle souhaitait revenir à Madrid pour des raisons personnelles, elle a finalement opté pour un poste comportant 50% de clinique dans un hôpital général à Barcelone et 50% de recherche dans un autre centre tout proche. Une décision qu’elle n’a pas regrettée. « Je suis dans un centre plus petit mais, du coup, il y a beaucoup de projets à mettre en place. Il est stimulant d’essayer d’y implémenter ce que j’ai appris à Gustave Roussy ». Elle recommande « d’être flexible, patient et persévérant », lorsque l’on passe d’un grand centre à un plus petit.
Est-il vraiment plus facile de retourner de là où l’on vient ?
Cette situation peut aussi s’évérer délicate. Il n’est pas toujours évident de se faire accepter à nouveau par les anciens collègues, surtout si les positions hiérarchiques ont changé, si les carrières n’ont pas évolué à la même vitesse.
C’est ce qui est arrivé à Matteo Lambertini qui a passé quatre ans à l’institut Jules Bordet à Bruxelles avant de retourner dans son institution en Italie, ce qui était prévu dès le départ. À son retour à Gênes, sa position a évolué contrairement à celle de certains collègues séniors. « Dans ce cas, je recommande de faire profil bas pendant quelques semaines », a-t-il conseillé.
Enfin, parmi les difficultés rencontrées, il peut être compliqué de se réadapter aux anciennes conditions ou méthodes de travail lorsque l’on revient d’un centre d’excellence à l’étranger.
« Vous devez transmettre ce que vous avez appris à l’étranger mais ne pouvez pas tout changer en un jour. Il faut rester patient et motivé », a souligné Matteo Lambertini.
Préparer son retour avant et pendant le séjour à l’étranger
Parmi les conseils prodigués pour bien préparé son retour, Solange Peters, qui a passé deux ans dans le sud de l’Italie en début de carrière, a suggéré de s’assurer dès le départ « d’une possibilité de retour dans votre institution si c’est quelque chose que vous souhaitez, qui vous rassure » et d’éventuellement se faire aider par un ou plusieurs mentors pour pousser les portes.
Les orateurs ont fortement recommandé de garder des liens avec l’ancien lieu de travail et les ex-collègues, de continuer de se rendre aux congrès nationaux annuels, de rester membre des sociétés savantes françaises ou francophones.
« Lorsque vous partez à l’étranger, n’oubliez jamais votre réseau initial. Incluez au maximum vos contacts dans les études que vous réalisez et si possible, continuez les projets que vous avez débuté dans votre pays à l’étranger et réciproquement », a préconisé Matteo Lambertini.
Enfin, les intervenants recommandent de partir pour une durée optimale, s’il en existe vraiment une, d’au moins deux ans, ni trop court, ni trop long… « Mais bien sûr, c’est la qualité du temps que vous passez à l’étranger qui compte vraiment. Il faut savoir saisir et créer vos propres opportunités », a indiqué Matteo Lambertini.
Est-ce plus difficile de partir et de revenir lorsqu’on est une femme ?
À cette question posée par une participante à la session, le Pr Solange Peters a répondu par l’affirmative, insistant sur le fait qu’il fallait faire bouger les lignes.
« En termes de pression familiale, les hommes et les femmes devraient ressentir le même niveau d’anxiété concernant le désir de fonder une famille tout en souhaitant faire carrière, voyager…Vous êtes la génération qui peut faire bouger les lignes », a-t-elle martelé.
Aussi, « il n’y a pas de raison que les femmes n’aient pas de mentor et que les hommes en aient. Nous devons changer le schéma classique des hommes, qui font la promotion d’autres hommes, qui font la promotion d’autres hommes… Les femmes, comme les hommes devraient avoir et être des mentors », a-t-elle insisté rappelant que le fait d’avoir un ou plusieurs mentors est une aide précieuse tout au long du parcours professionnel et notamment lorsque l’on a un projet de recherche à l’étranger et de retour au pays.
Enfin, pour l’oncologue, il est aussi essentiel de lutter contre les petits stéréotypes du quotidien, qui peuvent bien freiner une carrière. « Vous ne devriez jamais accepter de répondre à des questions personnelles, notamment sur votre désir de fonder une famille, parce que vous êtes une femme », a-t-elle précisé.
Cet article a été écrit par Aude Lecrubier et initialement publié sur le site internet Medscape.
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