Résultats décevants pour les antagonistes d’interleukines dans les formes sévères de COVID-19

  • Declercq J et al.
  • Lancet Respir Med.

  • Agnès Lara
  • Résumé d’article
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À retenir

  • Les résultats de cet essai contrôlé randomisé de phase 3 montrent qu’une administration précoce d’antagonistes de l’IL-1 et de l’IL-6 ne réduit pas le délai jusqu’à l’amélioration clinique par rapport à l’absence de blocage de ces 2 cytokines, chez des sujets hospitalisés pour un COVID-19, avec une insuffisance respiratoire aiguë, un score SOFA bas à l’inclusion, et un faible risque de mortalité à 28 jours.
  • D’autres essais ou méta-analyses devront déterminer si certains sous-groupes de patients sont susceptibles de bénéficier de ces traitements.

 

Le syndrome de libération de cytokines est observé dans les formes sévères de COVID-19. Il se traduit par de la fièvre, des taux élevés de protéine C réactive et de ferritine, ainsi qu’une cytopénie. Les taux de cytokines pro-inflammatoires IL-1 et IL-6 sont augmentés chez ces patients et associés à un risque plus élevé de recours à la ventilation mécanique. Plusieurs essais cliniques ont ciblé ces cytokines dans les formes sévères de COVID-19 dans l’espoir d’accélérer l’amélioration clinique des patients COVID-19, mais les résultats obtenus se sont montrés contradictoires. Une méta-analyse de 3 essais contrôlés randomisés ayant testé le blocage du récepteur de l’IL-6 a cependant indiqué une diminution du risque de ventilation mécanique ou une amélioration de la survie dans les formes sévères de COVID-19. 

Plusieurs raisons peuvent expliquer ces résultats contradictoires, notamment le fait que peu de ces études se sont assurées de la présence d’un orage cytokinique chez les patients. Une équipe belge a donc mené un nouvel essai contrôlé randomisé pour tester l’effet d’antagonistes de ces deux cytokines au sein d’une population de patients hospitalisés pour un COVID-19 et montrant des signes d’un syndrome d’orage cytokinique systémique.

Méthodologie

COV-AID est une étude prospective, contrôlée-randomisée, de phase 3, réalisée auprès de 16 hôpitaux belges, chez des patients adultes hospitalisés pour un COVID-19 avec hypoxie et signes de libération de cytokines. Les sujets inclus avaient un COVID-19 confirmé, des symptômes présents depuis 6 à 16 jours et un rapport PaO2/FiO2 < 350 mmHg à l’air ambiant ou < 280 mmHg sous oxygène, ainsi que des signes sériques d’un orage cytokinique.

Dans cet essai ont été comparé un antagoniste de l’IL-1 (100 mg d’anakinra sc une fois par jour durant 28 jours) avec l’absence de blocage de cette cytokine, ainsi qu’un antagoniste de l’IL-6 (1 dose unique de siltuximab iv (11 mg/kg) ou de tocilizumab (8 mg/kg)) également par rapport à l’absence de blocage de cette cytokine. Dans les deux cas, le critère primaire d’évaluation était le délai jusqu’à l’amélioration clinique. Les patients étaient suivis jusqu’à amélioration clinique ou jusqu’au décès.

Résultats

  • Au total 342 patients ont été pris en compte dans l’analyse en intention de traiter, des hommes à 77%, d’âge médian 65 ans, et avec un score SOFA de 3 à l’inclusion : 112 dans le groupe avec antagoniste de l’IL-1 et 230 dans le groupe sans, 227 patients dans le groupe avec antagoniste de l’IL-6 (114 sous tolicizumab et 113 sous siltuximab) et 115 dans le groupe sans. 
  • Dans les groupes qui testaient le blocage ou le non blocage de l’IL-1, le délai médian estimé jusqu’à amélioration clinique était de 12 jours dans les 2 groupes, avec un hazard ratio entre les deux de 0,94 [0,73-1,21].
  • Dans les 2 groupes qui testaient le blocage ou le non blocage de l’IL-6, le délai estimé jusqu’à amélioration clinique était respectivement de 11 et 12 jours, avec un hazard ratio de 1,00 [0,78-1,29].
  • Aucun de ces antagonistes cytokiniques n’a donc pu faire apparaître de bénéfice, et ce quel que soit le niveau de sévérité de la maladie, l’association à un corticoïde ou la présence de biomarqueurs des cytokines à l’inclusion.
  • Concernant la mortalité, aucune différence n’a été observée dans les deux groupes avec antagonistes par rapport aux soins usuels. Aucune différence observée non plus sur le plan des effets indésirables graves, notamment des infections.

Limites

Étude limitée à une population homogène au sein d’hôpitaux belges limitant l’extrapolation à d’autres types de population.