Répercussions de la transidentité d’un adolescent sur le vécu psychique de son père

  • Nathalie Barrès
  • Résumé d’article
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Une étude récente révèle que 13% des 18-30 ans sondés ne s’identifient ni comme un homme, ni comme une femme. D’autres recherches renforcent également l’idée que de nombreux jeunes rejettent la binarité d’une norme sociale établie, qu’ils jugent archaïque.

En revanche, si de nombreuses études ont questionné la transidentité, peu encore s’intéressent à l’impact de la transidentité d’un individu sur son entourage proche. Une équipe de chercheurs a exploré le vécu psychique d’un père face à la transidentité de son adolescent.

Méthodologie

Cette étude a exploré le vécu psychique d’un père sur la transidentité de son adolescent via un entretien semi-directif pour explorer plusieurs thématiques et une épreuve projective (Thematic Apperception Test) qui consiste à présenter des planches illustrées au sujet dans un ordre précis avec pour consigne d’imaginer une histoire pour chaque image présentée.

Principaux résultats

Le père de trois enfants inclus dans l’étude est divorcé, célibataire et vit avec son fils cadet qu’il a en garde partagé. Son deuxième enfant, est en transition pour devenir une femme : les démarches administratives sont en cours pour changer de sexe auprès de l’état civil et il est sous traitement hormonal. Son père continue à l’appeler par son prénom de naissance et à le genrer au masculin. Et ce, malgré le fait que l’adolescent se soit choisi un prénom féminin et se présente physiquement en tant que femme. Ce rapport souligne la conflictualité du père envers la part féminine de son adolescent. Si les deux parents ont toujours eu le sentiment que leur enfant était « différent », ils n’ont jamais pensé à une dysphorie de genre. Et cela ne fait que six mois que l’adolescent a réellement fait son coming-out familial.

Lors de l’entretien le père évoque que l’annonce de la transidentité de son fils a été pour lui, un véritable « un coup de tonnerre », et répète lors de l’entretien « j’ai du mal à le vivre, j’ai du mal, j’ai du mal à l’intégrer ». Il a des difficultés à dire les termes « transgenres » et « transexualité » et ne peine à attribuer ces termes à son adolescent.

Il admet qu’il s’agit d’un sujet « que l’on évite » dans la famille. En dehors de l’entourage proche, père, mère, frère et sœur de l’adolescent, aucun membre de la famille n’a encore vu l’adolescent depuis son affirmation physique d’être une femme. Cet évitement est en partie une exclusion volontaire de la part du père et de la mère. Celle-ci par exemple, « ne veut pas qu’il sorte dans le village ». Le père semble vouloir s’en remettre au temps et à des instances extérieures pour se sortir de l’inconfort dans lequel il est. Sa détresse est exprimée à travers le souhait d’avancer le temps de six mois à un an et demi, et signe sa difficulté à faire face à la situation et à sa passivité. Évoquant l’impact de la situation sur la parentalité, il parle de « quelque chose qui s’est cassé », « qui n’est plus dans le cadre », qu’il « n’arrive plus à intégrer », et ce malgré « l’amour que je peux lui apporter et réciproquement ». Culpabilité, responsabilité sont des sentiments présents chez ce père. La quête d’une cause souligne d’une part la difficulté à entrer dans la phase d’acceptation, et d’autre part constitue une façon de tenter de maîtriser la situation. Les auteurs rappellent que des « études ont largement montré que l’éducation parentale ou encore l’attitude des parents pendant l’enfance n’influençaient pas ou n’activaient pas le « processus transgenre » chez un individu ». Lorsque le père précise « ça sera mon enfant mais ça ne sera pas ma fille », les auteurs y voient l’angoisse de perdre son fils, mais également le questionnement face à sa « propre castration » : « comment (continuer à) être un homme quand on est menacé par la féminisation ambiante ? », « Comment être ou même rester un homme quand le changement de sexe n’a jamais été autant accessible par les techniques médicales ? ».

Des données indiquent que le soutien des parents face à la détresse d’un enfant transgenre diminuerait fortement le taux d’idéations suicidaires et augmenterait l’estime de soi. Cependant, les parents ne sont que rarement intégrés dans la prise en charge globale de l’individu transgenre. Et pourtant, anxiété, oppression, stigmatisation, pression sociale, font partie de leur vécu. Cette étude ne portant que sur un cas, n’est pas le reflet de l’ensemble du vécu des parents face à cette situation de vie, mais peut contribuer à faire évoluer les mentalités et à faire réfléchir à l’intégration des parents et de la fratrie dans le parcours d’accompagnement dans la transidentité.