Régimes « sans » : est-ce que tout cela a vraiment du sens ?

  • Nathalie Barrès
  • Résumé d’article
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J-L. Schlienger, Professeur honoraire à la Faculté de médecine de l’Université de Strasbourg a récemment donné son avis sur cette mode du « sans » pour la Revue de Médecine des maladies Métaboliques. Il indique clairement que ces régimes n’ont « pas de rationnel fondé sur la science à l’échelle d’une population. »

En dehors des cas, très rares, où certains aliments ou nutriments doivent être éliminés pour cause médicale, les exclusions auto-décidées n’ont non seulement pas de sens mais pourraient pour certaines s’avérer délétères pour la santé. Selon l’auteur, la mise en exergue des promesses liées à ces régimes occulte les vrais problèmes de santé nutritionnelle que sont « la précarité et l’inégalité alimentaires, la dénutrition des personnes âgées, la destructuration des repas, les troubles du comportement alimentaire, et la prévention des maladies chroniques. »

J-L. Schlienger interroge les raisons de l’adoption de ces régimes « sans ». Elles semblent nombreuses, complexes… Certes, quelques scandales alimentaires récents ont porté atteinte à la confiance de la société vis-à-vis des aliments. Par ailleurs les informations contradictoires n’aident pas le consommateur à se frayer un chemin vers des propositions nutritionnelles sûres. Manger « sans » est semble-t-il un « signe d’affirmation de soi, et un positionnement personnel qui permet d’exorciser les angoisses alimentaires » selon l’auteur. Et, c’est vrai que la théorie du « sans » semble être devenue identitaire.

Le « sans lait » a-t-il du sens ?

En dehors de sa source nutritionnelle, le lait est également source de peptides bioactifs ayant des fonctions anti-infectieuses, antioxydantes, antitumorales, immunomodulatrices, …. En France, les adeptes du « sans lait » sont nombreux, des arguments expérimentaux ont favorisé la suspicion d’un lien entre consommation de lait et développement de maladies chroniques (sclérose en plaque, maladie neurodégénérative, cancer, obésité, athérosclérose…). Mais à vrai dire, le régime « sans lait » n’a fait l’objet d’aucune évaluation objective. Ainsi, en dehors des situations d’allergie aux protéines de lait de vache (2-4% des nourrissons et exceptionnelles chez l’adulte) et de l’intolérance au lactose, la suppression du lait n’est pas basée sur des niveaux de preuve solides. Notons que pour l’intolérance au lactose, qui est liée à un déficit en lactase et concerne 30 à 50% des adultes en France, l’éviction du lait et des fromages frais, mais pas des yaourts et des fromages pressés suffit aux sujets symptomatiques. Si la suppression du lait ne semble pas avoir de conséquences tangibles, il n’en est pas de même de la suppression des produits laitiers (augmentation du risque de fractures notamment chez l’enfant, risque accru de diabète, d’hypertension, …) car ils constituent d’importantes sources de calcium, d’iode, de vitamine B2, d’alpha-linolénique, … Par ailleurs, la substitution du calcium par des compléments alimentaires n’est pas sans risque (cancer de la prostate, cardiovasculaire).

Le « sans gluten et sans blé » pour qui ?

L’éviction du gluten est indiscutable chez les sujets présentant une allergie vraie aux protéines de blé (très rare) et une maladie cœliaque (1/300 dans la population générale et 10% chez les apparentés au premier degré). 

L’hypersensibilité au gluten ou l’intolérance au gluten non cœliaque sont souvent identifiées après un auto-diagnostic chez des sujets ayant des symptômes non spécifiques (tels qu’un inconfort abdominal, des troubles du transit, une asthénie, des douleurs musculaires, des céphalées, une dépression,…) améliorés par l’éviction du gluten. Chez bon nombre de ces sujets, les symptômes réapparaissent lors de l’ingestion de FODMAPs. Cependant, chez certains, une forme latente de maladie cœliaque a été mise en évidence par un statut HLA-DQ2. En cas de doute, un test d’éviction/réintroduction du gluten peut être tenté.

Et que penser du « sans viande » ?

Deux pour cent de la population en France ne consommerait pas de viande, mais consommerait des œufs et des produits laitiers, donc adopterait un régime végétarien. Ce régime a d’ailleurs connu un regain d’intérêt avec les recommandations de l’OMS incitant à limiter la consommation excessive de viande. Contrairement au régime végétalien ou végan, les végétariens consomment  des produits d’origine animale permettant de satisfaire les besoins en vitamine B12.