Régime alimentaire, mode de vie et cognition : où en est-on ?
- Scarmeas N & al.
- Lancet Neurol
- Agnès Lara
- Résumé d’article
À retenir
Après avoir présenté les résultats d’une revue de la littérature sur l’impact de certains nutriments sur l’évolution des fonctions cognitives, ce second volet s’intéresse aux associations observées entre consommation de certains groupes d’aliments ou régimes alimentaires et fonctions cognitives. Dans les grandes lignes, poisson et fruits de mer, légumes et fruits dans une moindre mesure, ainsi que café et alcool en quantités modérées, pourraient avoir un effet protecteur sur le déclin cognitif. Mais les associations les plus étroites ont été observées avec une bonne adhésion au régime méditerranéen. Une promotion de ce type d’alimentation adaptée aux cultures des populations apparaît donc souhaitable pour maintenir la santé cognitive. Cependant, des essais de bonne qualité méthodologique sont encore nécessaires avant d’établir des recommandations dans ce domaine, de même que la prise en compte d’autres facteurs tels que le niveau d’hydratation, la répartition de la prise alimentaire au cours de la journée ou encore l’utilisation de biomarqueurs pour la sélection de sous-groupes.
Dans un précédent article, nous faisions état du rôle des nutriments comme facteurs de risque modifiables susceptibles d’impacter le fonctionnement cognitif suite à la parution d’une revue de la littérature dans The Lancet Neurology. Cet article présente les résultats de cette même revue sur le rôle de certains groupes d’aliments et du profil alimentaire. Toutes les études observationnelles et les essais cliniques ayant examiné l’association entre nutrition et développement ultérieur d’une démence ou d’un déclin cognitif ont été analysés.
Un effet protecteur de la consommation de poisson, de fruits et de légumes
Une approche par groupe d’aliments a permis de montrer une association positive entre consommation de poisson et de fruits de mer et une meilleure préservation des fonctions cognitives dans plusieurs études observationnelles. Il semble que cet effet s’exerce de façon plus marquée chez les sujets présentant une susceptibilité génétique, notamment les porteurs de l’allèle APOE-ε4.
Les sujets consommant davantage de fruits et de légumes, notamment de légumes à feuilles vertes et de fruits rouges qui constituent des sources importantes de flavonoïdes, semblent également avoir un déclin cognitif ralenti et un risque moindre de démence. La consommation d’huile d’olive et de noix parait aussi associée à un effet protecteur vis-à-vis du déclin cognitif, mais elle est généralement intégrée dans le cadre plus global d’un régime méditerranéen, ce qui rend difficile l’évaluation d’un effet indépendant. Par ailleurs, peu d’études se sont intéressées à l’impact de la consommation de viande ou de légumineuses sur la cognition. Mais aucune association n’a pu être mise en évidence par celles qui l’ont fait. Quant au lait et aux produits laitiers, les résultats obtenus sont contradictoires.
Café et alcool avec modération
De nombreuses études observationnelles ont analysé l’association entre consommation de thé ou de café sur le déclin cognitif d’individus de tous âges. Globalement, un effet protecteur est observé, même si l’importance de la source (thé ou café) et des doses n’est pas clairement établie. Une étude longitudinale suggère cependant que les effets bénéfiques s’exerceraient tout au long de la vie, et de façon moins importante dans les périodes précédant le diagnostic de démence.
Quant à l’alcool, il a été suggéré qu’une consommation modérée (1 à 3 verres par jour) pouvait avoir un effet positif sur le risque de survenue de démence ou sur le déclin cognitif, en particulier le vin rouge. Alors qu’à l’inverse, une consommation élevée d’alcool est apparue comme le principal facteur de risque de survenue de tous types de démence, en particulier précoce, dans une étude nationale française (1).
Des bénéfices du régime méditerranéen suggérés par les études observationnelles
Étant donné l’intrication des effets potentiels des différents nutriments ou aliments, une approche évaluant le régime alimentaire dans son ensemble a aussi été explorée. La plupart des études observationnelles, ainsi que 3 méta-analyses réalisées à partir d’études de cohortes prospectives, ont observé une association entre une plus grande adhésion au régime méditerranéen et un ralentissement du déclin cognitif ou une réduction du risque de troubles cognitifs légers, de démence ou de maladie d’Alzheimer. Cependant, cet effet n’a pas été retrouvé lorsque seuls les essais cliniques étaient pris en compte. D’autres régimes alimentaires comme le régime DASH (Dietary Approaches to Stop Hypertension), le régime nordique ou encore le suivi des recommandations nutritionnelles, ont été évalués par des études observationnelles, mais les résultats se sont avérés tantôt positifs, tantôt négatifs, sans qu’il soit possible de dégager une tendance nette.
L’intérêt des programmes d’intervention multiple
Une prise en compte des modes de vie incluant, en plus du régime alimentaire, l’activité physique, les exercices cognitifs et le contrôle des facteurs de risque cardiovasculaire, a été réalisée dans le cadre de 3 essais cliniques. Deux d’entre eux, dont un ayant inclus des patients à haut risque de démence, ont observé un ralentissement du déclin cognitif chez les sujets qui suivaient ces programmes d’interventions multiples. Par ailleurs, l’analyse secondaire d’essais cliniques de plus grande envergure n’ayant pas observé d’effet global, a pu montré un effet protecteur de ce type d’intervention chez les sujets à plus haut risque de dégénérescence ou de déclin cognitif (risque cardiovasculaire ou de démence plus élevé, présence de fibre amyloïdes cérébrales ou existence d’un allèle APOE-ε4 par exemple).
Limitations
La plupart des résultats disponibles proviennent d’études observationnelles et peu d’entre elles disposent d’une bonne qualité méthodologique. De plus les essais cliniques bien dimensionnés et disposant de longues durées de suivi sont encore peu nombreux. Mais cela ne signifie pas pour autant l’absence de lien entre alimentation et cognition.
1. Schwarzinger M, Pollock BG, Hasan OSM, Dufouil C, Rehm J. Contribution of alcohol use disorders to the burden of dementia in France 2008–13: a nationwide retrospective cohort study. Lancet Public Health 2018; 3: e124–32.
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