Recul de l’âge de départ à la retraite et santé des seniors
- Serge Cannasse
- Actualités professionnelles
Le recul de l’âge légal de départ à la retraite a-t-il un impact sur la santé des seniors ? Pour donner des éléments de réponse, trois économistes ont examiné les conséquences de la réforme des retraites de 2010, dont la principale mesure avait été d’augmenter de deux ans les âges légaux d’ouverture des droits et d’annulation de la décote (diminution du montant de la retraite en fonction du nombre de trimestres manquants jusqu’à un âge fixé par la loi). Ces âges étaient passés respectivement de 60 à 62 ans et de 62 à 64 ans, dans le délai très court de 5 ans. Les objectifs de la réforme étaient de diminuer le montant total des pensions versées et d’augmenter le taux d’activité des seniors (donc le montant global des cotisations de retraite).
Effectivement, le pourcentage d’emploi des personnes de 60 ans et plus s’est accru de 17 points pour les hommes et de 16 points pour les femmes, tandis que leur pourcentage de chômage augmentait de 7 et 6 points respectivement. En 2019, la Cour des comptes notait que cela s’était accompagné d’une hausse des dépenses d’assurance maladie de 4,2% par an, une part importante de cette hausse étant attribuable au vieillissement de la population des salariés.
Une méthode pour obtenir une bonne approximation
Dans l’idéal, pour mesurer l’impact d’un décalage de l’âge légal de départ sur la fréquence des absences maladie, il aurait fallu que les 4 économistes observent ce qui se serait passé chez ceux qui ont pu prendre leur retraite à 60 ans s’ils avaient travaillé jusqu’à l’âge 62 ans, ce qui est évidemment impossible. Aussi ont-ils opté pour une méthode approximative, en comparant les toutes premières générations concernées par la retraite à 62 ans (les individus nés entre 1952 et 1954) avec les toutes dernières à y avoir échappé (1946-1951). Pour cela, ils ont examiné les données d’une base administrative sur la période 2010-2015, Hygie, dans laquelle les mêmes individus sont suivis sur plusieurs années.
En effet, « avec des départs en retraite, une génération voit logiquement le nombre d’individus concernés par un ou plusieurs arrêts maladie chuter (puisqu’on n’est pas arrêté pour maladie lorsque l’on est retraité). Cela survient à 60 ans avant l’entrée en vigueur de la réforme de 2010, à 62 ans après. Si l’on compare donc nos deux groupes entre 60 et 62 ans, l’un aura connu cette chute et pas l’autre. La différence s’expliquera donc a priori largement par un décalage de l’âge légal. » Les analyses sont complétées en tenant compte du salaire des individus, du temps passé au chômage durant l’ensemble de la carrière et de la catégorie socioprofessionnelle, entre autres.
Elles confirment que « la hausse de l’âge d’ouverture des droits explique une large part de l’augmentation significative de la probabilité, après 60 ans, d’être arrêté pour maladie sur une année de l’ordre de 1,7 point de pourcentage. Le nombre annuel cumulé de jours d’arrêt augmenterait, lui, d’un peu plus d’un jour et le nombre annuel d’arrêts maladie, de 0,02. »
Fragilité des individus en mauvaise santé
Cependant, cette hausse a des effets plus importants sur la probabilité d’arrêt maladie pour les individus considérés en mauvaise santé et/ou ayant eu des accidents du travail ou des maladies professionnelles ayant conduit à des absences maladie de longue durée : la hausse est de 2,2 points de pourcentage alors qu’elle est de 1,2 pour les individus en bonne santé. Leur nombre de jours d’arrêt est également augmenté : 1,8 jours supplémentaires versus 1 pour les hommes et 0,7 pour les femmes.
Les chercheurs concluent qu’une réforme des retraites devrait tenir compte de « l’hétérogénéité des situations parmi la population active » : pénibilité, état de santé. Il pourrait s’agir par exemple, de donner la possibilité de départs progressifs à la retraite, d’assouplir le temps de travail des seniors ou de les affecter aux postes les moins pénibles.
Enfin ils remarquent que l’assurance maladie n’est pas la seule affectée par la réforme : elle induit « un effet de déversement » vers d’autres systèmes de protection sociale (chômage, invalidité). C’est l’ensemble de ces effets qui devrait être pris en compte.
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