Quelles questions posées à la Convention citoyenne sur la fin de vie poser ?


  • Serge Cannasse
  • Actualités socio-professionnelles
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Comme l’avait préconisé le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) dans son avis du 13 septembre 2022, le Président de la République a annoncé vouloir convoquer une Convention citoyenne pour examiner le cadre actuel de l’accompagnement de la fin de vie afin de savoir s’il convient d’y apporter des modifications et, dans l’affirmative, lesquelles. Comme le soulignent Mélanie Heard et Marc-Olivier Padis dans une note publiée le 7 octobre 2022, le CCNE a bien posé les termes du débat en partant du constat que « le cadre législatif actuel ne permet pas de répondre à l’ensemble des situations de fin de vie » et en énonçant trois orientations possibles.

Trois orientations possibles

« Soit on reste dans le cadre de la loi actuelle mais en développant l’information du public, la formation des professionnels et l’accès aux soins palliatifs. Soit on ouvre la possibilité d’une autorisation de « suicide assisté ». Soit on ouvre le débat sur l’euthanasie, c’est-à-dire sur un acte médical donnant la mort, au-delà des situations où le patient obtient les moyens de mettre lui-même fin à ses jours. »

La première option estime que ça n’est pas tant la loi que son application qui est problématique, notamment parce que les équipes de soins palliatifs sont trop peu nombreuses et sont surchargées. Dans les deux autres, on estime que la loi ne répond qu’aux situations où le pronostic vital est engagé à court terme. Il conviendrait donc de l’élargir, par exemple à six mois. Dès lors, deux options sont possibles : le suicide assisté, conciliant devoir de solidarité et respect de l’autonomie des personnes, ou l’euthanasie quand la personne n’est pas physiquement apte à se donner la mort. Mélanie Heard et Marc-Olivier Padis notent que l’avis du CCNE écarte les personnes qui souhaitent qu’on les aide à mourir parce qu’elles ne veulent pas assumer elles-mêmes le geste fatal (et non parce qu’elles ne le peuvent pas).

L’importance d’un cadrage rigoureux des débats

À l’avis de la Convention citoyenne devrait faire suite une décision politique. D’où, font remarquer les deux auteurs, l’importance de savoir quelles questions lui sera posées.

Deux types de pièges sont à éviter. Le premier est dans le choix des mots. « Parler de « fin de vie », d’« accompagnement », d’« euthanasie », de «suicide», ou encore de « mort choisie », c’est déjà accepter ou valider des terminologies préemptées ou promues par différentes sensibilités qui s’opposent sur le sujet. » Invoquer la « dignité » ou le « devoir de non-abandon » peut masquer des désaccords profonds sous un consensus apparent. Il s’agit en définitive d’éviter de donner des formulations abstraites, trop larges, qui risquent de ne donner que des solutions vagues et en outre, de n’avoir que peu d’écho dans le public.

Le second piège est au contraire de verser dans une sémantique trop technique (parler de douleur réfractaire, de pronostic vital, etc).

Aussi les auteurs proposent deux « pistes de formulation ». La première consiste à donner en préalable un exposé des motifs de perplexité et d’incertitude du Gouvernement (et en définitive, du débat lui-même), d’affirmer sa volonté d’aboutir à un consensus et seulement ensuite de demander à la Convention de répondre à une question comme « Jusqu’où doit aller l’accompagnement en fin de vie ? » ou « Faut-il introduire dans la loi la possibilité d'une aide active à mourir pour les personnes en fin de vie qui en font la demande ? » La seconde piste consiste à poser une question directe sur un changement souhaité dans la loi, par exemple, « Faut-il introduire dans la loi la possibilité d'une aide active à mourir pour les personnes en fin de vie qui en font la demande, y compris avant que leur pronostic vital ne soit engagé à court terme ? »

Les auteurs insistent sur la qualité du cadrage préalable, dont dépend celle du débat public qui suivra.