Quelles maladies sont influencées par l’épigénétique ?
- Caroline Guignot
- Résumé d’article
À retenir
- À partir de l’analyse EWAS (étude d'association épigénome-entier) menée auprès d’une cohorte de 18.000 écossais une équipe britannique a découvert 58 nouveaux sites de méthylation de l’ADN associés à la prévalence de 3 pathologies non décrites auparavant : le cancer du sein, les cardiopathies ischémiques et le diabète de type 2.
- Le suivi longitudinal de cette cohorte met en évidence 56 nouveaux sites de méthylation indicatifs du délai d'apparition de deux maladies : la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) et le diabète de type 2.
- Toutes ces associations sont indépendantes des principaux facteurs de risque liés au mode de vie.
Pourquoi est-ce important ?
La méthylation de l'ADN est un mécanisme épigénétique qui repose sur l'ajout de groupes méthyles sur des sites spécifiques (dinucléotides cytosine-phosphate-guanine ou CpG) sous l’influence des facteurs environnementaux. Cette méthylation module l’expression du génome de façon cellule ou tissu-dépendante. Des études EWAS ont été conduites pour évaluer la prévalence ou l’incidence de certaines maladies, mais celles qui ont été menées jusqu’à présent l’ont été à partir d’effectifs de taille limitée. Les méta-analyses accroissent la puissance des résultats, mais peuvent être limitées par l’hétérogénéité entre les études. Ce travail présente l’avantage de se fonder sur une large cohorte et de confronter ses résultats aux études EWAS publiées auparavant.
Méthodologie
L’étude a été conduite à partir de la cohorte GS (Generation Scotland : the Scottish Family Health Study) recrutée entre 2006 et 2010 en Écosse, auprès de personnes âgées de 35 à 65 ans (puis étendue aux 16-65 ans) et qui avaient au moins un parent au premier degré et au moins un frère ou sœur vivants. Les membres de leurs familles ont été invités à participer. Au total, 23.960 personnes ont été recrutées (âge médian à l’inclusion 47 ans, 59% de femmes), soit 5.573 familles avec 4 membres en moyennes, ainsi que 1.400 participants sans parents. Ils ont conduit une étude transversale EWAS sur la méthylation de sites CpG et la prévalence de 14 maladies (selon les questionnaires d'auto-évaluation) et une étude longitudinale de 14 ans pour évaluer l’association des niveaux de méthylation à l'incidence de 19 pathologies (données des dossiers médicaux). Les données ont été analysées après ajustement sur cinq facteurs de risque communs (alcool, tabac, IMC, niveau d’éducation et niveau économique). Les auteurs ont ensuite conduit une analyse de la littérature pour évaluer le niveau de concordance entre leurs résultats et les données publiées précédemment. Ils ont enfin réalisé des analyses de colocalisation génétique pour déterminer si les associations identifiées entre méthylation et pathologies reflétaient des caractéristiques génétiques communes ou distinctes.
Principaux résultats
La méthylation de l'ADN de 752.722 sites a été évaluée à partir des échantillons sanguins prélevés à l’inclusion. Les chercheurs ont identifié plus de 100 associations entre les niveaux de méthylation et 4 maladies prévalentes (cancer du sein, maladie rénale chronique, cardiopathie ischémique et diabète de type 2) et 2 maladies incidentes (bronchopneumopathie chronique obstructive et diabète de type 2). Parmi elles, 58 nouvelles associations de prévalence ont été identifiées pour le cancer du sein, les cardiopathies ischémiques et le diabète de type 2, et 56 nouvelles associations pour le délai d'apparition de la BPCO et le diabète de type 2, indépendamment des facteurs de risque liés au mode de vie.
Les nouvelles associations observées dans cette étude pourraient renforcer les preuves de l'existence de voies moléculaires sous-jacentes aux maladies considérées, si elles sont validées par d’autres études : pour exemple, deux gènes dont la méthylation est associée à la prévalence du cancer du sein (UBIAD1 et TPRG1) ont été par ailleurs respectivement associés à la réduction de la survie associée et aux tumeurs à récepteurs hormonaux et triples négatifs. L’un des gènes dont la méthylation est corrélée à la BPCO (C11orf91) est associé à une protéine dont les taux sont connus pour être élevés dans la maladie, et favorables au développement du cancer du poumon, suggérant un risque potentiel de maladie pulmonaire indépendant du mode de vie.
La corrélation de ces données à celles de la littérature confirme que les analyses EWAS sont souvent peu reproductibles par rapport à leurs homologues sur génome entier (GWAS), ce qui confirme la nécessité de larges cohortes, même si le nombre d'associations observées peut leur être imputable et nécessiter une réflexion sur la façon de construire ces études et intégrer les facteurs de confusion.
Principales limitations
L’absence d’analyse des traitements médicamenteux et l'ascendance majoritairement écossaise ou européenne de la cohorte ne permettent pas de généraliser ces résultats.
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