Quelle évolution de la pandémie ? Une modélisation de l’Institut Pasteur

  • Stéphanie Lavaud

  • Nathalie Barrès
  • Actualités Médicales par Medscape
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Quel pourrait être l’impact de l’épidémie d’Omicron sur le système de santé et la société française dans les semaines à venir ? Accélération de l’injection des doses de rappels, vacciner les non-vaccinés, prendre des mesures plus strictes de réduction des contacts…toutes ces mesures auraient-elles des conséquences bénéfiques sur l’évolution de l’épidémie, et dans quelles proportions ?

Pour le savoir, des chercheurs de l’institut Pasteur ont procédé à une modélisation en émettant différentes hypothèses sur la sévérité de l’infection Omicron et sur sa transmissibilité [1].

Si des incertitudes persistent sur l’ampleur de cette nouvelle vague qui combine les variants Delta et Omicron, il semble clair qu’il faut s’attendre à ce que des centaines de milliers de Français soient infectés quotidiennement en janvier – dans la grande majorité des cas avec des symptômes légers – mais que l’absentéisme résultant de cette vague d’infections soit susceptible de perturber le fonctionnement de la société. Autre résultat d’importance, la vaccination de 90% des adultes non vaccinés à un rythme de 100.000 doses administrées par jour pourrait réduire la taille du pic des hospitalisations entre 17-35% (selon les hypothèses).

 

Réduire l'éventail des scénarios possibles

« Avec un nombre d’infections qui doublait tous les 2-3 jours fin novembre-début décembre, le variant Omicron apparaît nettement plus transmissible que le variant Delta mais sa sévérité semble réduite par rapport au variant Delta – bien qu’il soit encore trop tôt pour l’estimer avec exactitude », rappellent les chercheurs.

Néanmoins, « pour l’instant, les données sur la sévérité d’Omicron sont relativement encourageantes. Les données sud-africaines et écossaises suggèrent une réduction de 70-80% du risque d’hospitalisation pour Omicron par rapport à Delta et les données anglaises une réduction de 50-70% ».

Du fait, de ces incertitudes, les statisticiens ont utilisé plusieurs hypothèses et proposé plusieurs scénarios (voir plus bas), tout en sachant que des données plus complètes sur les caractéristiques de sévérité, de transmissibilité et d’échappement immunitaire du variant Omicron – attendues dans les 7-14 jours qui viennent – « permettront de réduire l'éventail des scénarios possibles », affirment-ils.

 

A quelle date les hospitalisations pourraient-elles augmenter ? 

Dans le scénario d’un avantage de transmission d’Omicron haut (84%) par rapport à Delta, on s’attend à une remontée des hospitalisations durant la période des fêtes. Si la transmission s’avérait moindre, cette remontée surviendrait soit pendant la période des fêtes (pour les scénarios qui considèrent une sévérité haute), soit début janvier (scénarios avec une sévérité plus basse).

 
En revanche, la remontée des hospitalisations surviendrait dans la deuxième moitié de janvier uniquement si le scénario combine une transmission basse (54%) pour Omicron et une sévérité deux fois plus faible que celle du virus historique. « Une absence d’augmentation des hospitalisations dans les jours qui viennent pourrait donc indiquer une sévérité moindre du variant Omicron », considèrent les chercheurs. Ce phénomène pourrait néanmoins également s’expliquer « s’il faut davantage de temps pour que le virus se propage des moins de 50 ans aux plus fragiles », ajoutent-ils.

 

Quels leviers pour agir sur le nombre d’hospitalisations ? La vaccination des non-vaccinés changerait-elle la donne?

« Dans le scénario où la sévérité d’Omicron est similaire à celle du virus historique (-54% par rapport au variant Delta), l’épidémie pourrait rester gérable avec des mesures d’intensité intermédiaire dans les scénarios où l’avantage de transmission d’Omicron est intermédiaire ou bas, avec un pic d’hospitalisations ne dépassant pas 2500 hospitalisations journalières si les Français réduisent leurs contacts de 20%. Cependant, pour le scénario avec un avantage de transmission haut, le pic des hospitalisations pourrait se situer aux environs de 5.000 hospitalisations journalières », indiquent les auteurs.

En revanche, si Omicron présentait une sévérité similaire à celle du variant Delta ou du variant Alpha mais une transmission plus forte que ces variants, cela pourrait conduire « à des pics d’hospitalisations dépassant largement les pics de 2020 en l’absence de mesures de contrôle fortes ».

Une adhésion massive des non-vaccinés à la vaccination changerait-elle la donne ? Pour les chercheurs, « la vaccination de 90% des adultes non vaccinés à un rythme de 100.000 doses administrées par jour à compter du 19 décembre, pourrait réduire la taille du pic des hospitalisations de 17%, 26% et 35% pour un avantage de transmission d’Omicron par rapport à Delta haut (84%), intermédiaire (67%) et bas (54%) ».

Quid de l’impact de l’accélération des doses de rappel ? Par rapport à un scénario où 800.000 doses sont administrées par jour – en sachant qu’en moyenne, 650.000 doses de rappel ont été administrées entre le 12 et le 18 décembre –, « l’administration de 1,2 et 1,6 millions de doses par jour (à partir du 19 décembre) réduirait la taille du pic des hospitalisations de 17% et 23%, respectivement, pour un avantage de transmission haut (84%). Les réductions seraient de 15% et 18% pour un avantage de transmission intermédiaire (67%) et de 9% et 10% pour un avantage de transmission bas (54%) ».

 

Combien d’infections journalières ? Quel impact sur la société ? 

Quel que soit l’avantage de transmission d’Omicron par rapport à Delta, tous les scénarios prédisent que des centaines de milliers de Français risquent d’être infectés quotidiennement à compter du 3 janvier 2022. « Quel que soit l’impact de cette vague sur les hospitalisations, l’absentéisme résultant de cette vague d’infections pourrait fortement perturber le fonctionnement de la société, ainsi que la gestion des ressources humaines dans les entreprises, les hôpitaux et autres services essentiels », écrivent les chercheurs.

 

Prendre des mesures fortes permettrait-il de réduire cet impact ?

Dans le cas où la sévérité d’Omicron serait identique à celle du virus historique avec un avantage de transmission intermédiaire (67%), la mise en place de mesures fortes le 27 décembre retarderait le pic de 1,5 semaines à 1,5 mois avec une diminution du pic de 19-35% selon la nature de l’intervention. Mais la mise en œuvre de telles mesures le 3 janvier ou le 10 janvier conduirait à des réductions plus importantes du pic des hospitalisations (26-52%).

Cependant, dans l’hypothèse d’une transmission élevée (+ 84% par rapport au virus historique), « attendre le 10 janvier pour la mise en œuvre de ces mesures conduirait à un pic d’hospitalisation d’environ 5.000 hospitalisations journalières, dépassant sans doute le capacitaire hospitalier actuel », précisent les auteurs, ajoutant qu’ « il faut également tenir compte de la situation déjà tendue dans les hôpitaux ».

 

Description du modèle

Les chercheurs ont tenu compte :

  • du déclin progressif de la protection conférée par la vaccination et par l’infection ainsi que l’administration de doses de rappel dans le contexte de la vague automnale du variant Delta.

  • de la propagation du variant Omicron, qui vient s’ajouter à celle du variant Delta.

Ils font l’hypothèse que :

  • la probabilité d’hospitalisation augmente de 50% pour le variant Delta par rapport au variant Alpha, qui donne lui-même lieu à une augmentation du risque d’hospitalisation de 42% par rapport au virus historique qui circulait en 2020.

  • la vaccination réduit le risque de transmission si une personne est infectée de 50%.

  • qu’à compter du 19 décembre, les personnes de 18+ ayant reçu leur deuxième dose depuis plus de 4 mois sont éligibles à la dose de rappel, avec une adhésion de 95% et 600 000, 800 000 (référence), 1 200 000 ou 1 600 000 doses administrées par jour.

  • les enfants de 5-11 ans sont vaccinés à partir du 1er janvier 2022, avec 30 000 doses administrées par jour et une adhésion à la vaccination de 30%

Ils considèrent que :

  • le risque d’hospitalisation pour Omicron est égal à celui i) du variant Delta, ii) du variant Alpha (-33% par rapport à Delta), iii) du virus historique (-53% par rapport à Delta); ou est iv) deux fois plus faible que le virus historique (½ historique; -77% par rapport à Delta).

Ils ont testé des scénarios où :

  • 50% et 90% des adultes non-vaccinés acceptent de se faire vacciner à un rythme de 25 000, 50 000 ou 100 000 premières doses administrées par jour.

  • Omicron a un avantage de transmission par rapport à Delta qui est bas (+54%), intermédiaire (+67%) ou haut (+84%), correspondant à des temps de doublement de 3, 2.7 et 2.4 jours fin novembre-début décembre

  • l'on tient compte de modifications des comportements face à la reprise épidémique

  • sont mises en œuvre des mesures fortes de réduction de la transmission.

Cet article a été écrit par Stéphanie Lavaud et a initialement été publié sur le site internet Medscape.