Quelle place pour le généraliste dans les urgences ophtalmologiques ?

  • Caroline Guignot|Caroline Guignot
  • Résumé d’article
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A retenir

  • Quatre diagnostics représentaient la majorité des consultations aux urgences pour une cause ophtalmologique : traumatisme ou corps étranger, conjonctivite, douleur, trouble de la vision. Mais leur fréquence diffèrait selon que les urgences consultées étaient généralistes ou spécialisées.

  • Les situations de traumatisme ou corps étranger, perçues comme plus graves par les patients, les conduisent le plus souvent à s’orienter vers les structures hospitalières sans passer par un médecin libéral. La fréquence des orientations par le médecin généraliste pour troubles de la vision suggère des difficultés à écarter un diagnostic grave et une crainte de perte de chance.

Pourquoi est-ce important ?

Dans un contexte de démographie médicale tendu, les médecins généralistes pourraient prendre en charge rapidement et efficacement certaines urgences ophtalmologiques sans avoir recours aux services d’urgences généralistes ou spécialisés. Une équipe rémoise a comparé les motifs et suites de consultations ophtalmologiques réalisées au service d’accueil des urgences (SAU) et aux urgences ophtalmologiques. Elle en tire quelques préconisations à destination des médecins généralistes.

Méthodologie

Cette étude rétrospective monocentrique menée au CHU de Reims a analysé l’ensemble des consultations de patients adultes reçus en septembre 2019 et septembre 2020 pour un motif ophtalmologique au service des urgences ophtalmologiques ou au service des urgences généraliste.

Principaux résultats…

Un total de 1.360 patients ont été reçus au cours des deux périodes analysées (dont 1.112 aux urgences ophtalmologiques). Ceux qui consultaient les urgences ophtalmologiques étaient 29 % à avoir été adressés par un confrère (16% par un médecin généraliste) alors qu’ils étaient 21% parmi ceux consultant directement le SAU.

Le motif principal des patients qui consultaient le SAU était un traumatisme oculaire ou un corps étranger (39%). Ceux qui, parmi eux, étaient adressés par un généraliste avaient le plus souvent des troubles de la vision. Un avis téléphonique d’ophtalmologiste a été nécessaire dans 29% des cas, dont la moitié ont nécessité un examen par l’ophtalmologiste. Ensuite, 63% des sujets reçus au SAU ont eu une prescription médicamenteuse (40% d’antibiotiques topiques). Parmi ceux adressés par un généraliste (n = 35), seuls 9 ont nécessité un avis spécialisé et 1 un examen nécessitant une hospitalisation.

Les patients qui consultaient les urgences ophtalmologiques avaient principalement un trouble de la vision (31%), et ceux qui les consultaient dans les 24 heures suivant le début des symptômes (20 $% d’entre eux) venaient surtout pour un traumatisme oculaire. De la même façon, ceux qui avaient été adressés par leur généraliste avaient principalement des troubles de la vision. Au total 79% des consultations ont conduit à une prescription, dont 54% de substituts lacrymaux et 36% d’antibiotiques. Une intervention chirurgicale le jour-même ou dans les 3 semaines suivantes a été proposée à 5 % des patients. Parmi ceux adressés par le généraliste, un seul a été hospitalisé et opéré.

et préconisations

Face à ces résultats, les auteurs notent que l’examen de débrouillage réalisé au SAU est peu différent de celui qui pourrait être réalisé au cabinet du généraliste étant donné que l’acuité visuelle est rarement évaluée. Ils suggèrent au généraliste :

- d’évaluer l’acuité visuelle de près avec la correction optique du patient en utilisant une échelle de Parinaud ou une application sur smartphone. L’idée est simplement de distinguer une baisse sévère et brutale, liée à une cause sensorielle et nécessitant un recours rapide à l’ophtalmologiste, d’une baisse modérée et progressive liée à une cause optique moins urgente.

- de disposer de collyre à la fluorescéine, pour identifier simplement une lésion cornéenne ;

- de disposer d’une loupe pour évaluer le segment antérieur de l’œil ;

- d’utiliser les échelles et arbres décisionnels existants aujourd’hui pour évaluer l’urgence de la plainte ophtalmologique en médecine de premier recours ;

- d’avoir idéalement une formation complémentaire dans le domaine.