Quel régime alimentaire en cas de cancer ?
- Nathalie Barrès
- Actualités Médicales
Les besoins métaboliques sont modifiés en cas de tumeur. Ces changements sont influencés par l’état prolifératif, invasif de la tumeur, mais également par le micro-environnement de la tumeur (constitué de fibroblastes, cellules immunitaires, nerfs et matrice extracellulaire).
Les cellules tumorales dégradent les macromolécules de la matrice extracellulaire, acquièrent la capacité de synthétiser les nutriments dont elles ont besoin ou stimulent à distance la synthèse des nutriments qui leur font défaut par les cellules musculaires, les hépatocytes ou les adipocytes.
Le patient atteint de cancer subit donc des modifications métaboliques pouvant engendrer une cachexie, avec inflammation systémique, perte de poids dans les 6 mois pré-diagnostic par fonte musculaire et diminution de la masse graisseuse. Cette cachexie concerne jusqu’à 80% des patients souffrant de cancer et constitue un facteur de mauvais pronostic, car elle réduit l’efficacité des traitement anti-cancéreux et dégrade la qualité de vie des patients.
Existe-t-il un régime unique en cas de cancer ?
Les modifications métaboliques dépendent du type, du grade de cancer et de son caractère prolifératif ou invasif. Un régime universel serait tout simplement inapproprié, voire délétère.
Quelle place pour les régimes cétogènes ?
Leur composition varie et repose sur un ratio lipides/glucides pouvant atteindre 4/1. L’apport calorique sera alors à 90% fourni par les lipides, à 2% par les glucides et le reste par les protéines. Une bêta-oxydation des acides gras produit de l’acétyl-CoA qui est le substrat d’une cascade enzymatique (la cétogenèse) et qui conduit à la synthèse d’acéto-acétate et de bêta-hydroxybutyrate. Ainsi, ce régime favorise la production de corps cétoniques circulants.
L’acétone est également un produit dérivé, principalement exhalé et caractéristique de l’odeur âcre de l’haleine de ces sujets. L’acétyl CoA entre dans le cycle de Krebs pour produire de l’énergie. Un régime cétogène prive la tumeur de son substrat préférentiel, le glucose. Certaines études pré-cliniques sur modèle animal ont montré des effets bénéfiques (diminution de la taille de la tumeur, diminution des marqueurs d’agressivité de la tumeur, ou encore amélioration de la survie) d’un régime cétogène en cas de métastases cérébrales, de tumeurs cérébrales ou pulmonaires. En revanche, en clinique le régime cétogène n’a pas démontré d’effet bénéfique sur la taille de la tumeur ou sur la survie. Il peut par ailleurs avoir un effet anti- ou pro-inflammatoire. Il est certes associé à une diminution du glucose sérique chez les sujets atteints de glioblastomes multiformes, et il est largement admis qu’un régime cétogène préviendrait l’apparition des cancers chez les patients obèses ayant une inflammation chronique de bas-grade. Le bêta-hydroxybutyrate intestinal pourrait inhiber les bifido-bactéries conduisant à la diminution des cellules pro-inflammatoires intestinales. Mais on sait aussi que le régime cétogène peut avoir un effet pro-tumoral en cas de tumeur rénale, de mélanome mutée BRAF (V600E) ou de tumeurs mammaires qui utilisent le bêta-hydroxybutyrate comme substrat énergétique. Il a également été associé dans des essais cliniques à une légère perte de poids, à une constipation et à de la fatigue. Ainsi, impossible de tenir un discours unique sur l’intérêt de ce régime dans un contexte de cancer. Les cliniciens doivent tenir compte des données existantes par type tumoral et en fonction des mutations associées.
Faut-il modifier l’apport en acides aminés ?
Tous les acides aminés n’ont pas la même fonction métabolique dans les tumeurs. Celle-ci dépend par ailleurs du profil oncogénétique de la tumeur, du soutien métabolique du micro-environnement, des besoins en biomasse ou en métabolites des cellules cancéreuses elles-mêmes. Certaines prises en charge ciblent la glutamine, l’arginine, la cystéine ou d’autres acides aminés, mais peu reposent uniquement sur des régimes alimentaires. Ces approches sont complexes car parfois des mécanismes métaboliques compensatoires se mettent en place et doivent être bloqués également pour limiter la progression tumorale. Ces approches sont encore à l’étude.
Et pour les acides gras ?
Les cellules tumorales ont la capacité de synthétiser les acides gras nécessaires à leur croissance et à leur prolifération à partir de glucides, d’acides aminés et d’acétate. Tout cela dépend du type de tumeur, du contexte oncogénétique et du microenvironnement tumoral. De nombreuses études pré-cliniques ont montré l’intérêt d’une alimentation riche en acides gras polyinsaturés (oméga-3) notamment dans le cancer du sein. Ces acides gras polyinsaturés oméga-3 augmentent l’efficacité de la chimiothérapie et de la radiothérapie, limitent certains effets indésirables des traitements et l’association avec la chimiothérapie ou la radiothérapie, contribuent à améliorer la qualité de vie et la survie des patients. Le cholestérol est également un composé important dans la cancérogenèse. Des études pré-cliniques ont montré qu’un régime hypercholestérolémiant accélère la tumorigenèse. D’autres menées chez l’homme ont démontré que cet effet délétère passait par l’action d’un métabolite oxydé à action pro-tumoral, le 27HC, que l’on retrouve également en forte teneur dans les aliments riches en cholestérol et ayant subi des procédés industriels de transformation.
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