Quel est le poids réel de l’antibiorésistance en France ?

  • Didier Raoult
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À retenir

  • Selon des études de terrain menée par l’IHU Méditerranée Infection, les résistances bactériennes liées à l’utilisation des antibiotiques ne seraient pas aussi nombreuses que le suggèrent les estimations statistiques.
  • Les antibiotiques doivent donc être administrés en cas d’infections respiratoires virales sévères qui favorisent l’apparition de surinfections d’origine bactérienne.
  • Les chercheurs appellent aussi à la création d’un registre des décès liés aux bactéries multirésistantes, de façon à objectiver la menace réelle de l’antibiorésistance en France.

 

« Les antibiotiques, c’est pas automatique », ce slogan s’est ancré dans les esprits depuis la campagne menée par l’Assurance Maladie il y a maintenant 17 ans. Il visait à éviter les prescriptions d’antibiotiques inutiles en cas d’infection virale, car il est supposé que la fréquence d’utilisation de ces molécules augmente la pression de sélection et favorise l’apparition de bactéries résistantes. Mais ce dogme est remis en question par les équipes de l’Institut Hospitalo-Universitaire (IHU) Méditerranée Infection dirigé par Didier Raoult.

La progression des antibiorésistances, une fake news ?

Si l’administration d’antibiotiques dans des environnements clos comme les hôpitaux ou les élevages exerce une pression sélective qui facilite l’émergence de bactéries résistantes, rien ne prouve à ce jour que le phénomène existe dans un cadre plus large et notamment en médecine de ville. Pour les chercheurs de l’IHU Méditerranée Infection, la pression de sélection ne serait alors plus assez forte. Leur affirmation se base sur une étude de terrain publiée fin 2018 et ayant isolé près de 100.000 bactéries chez des patients des centres hospitaliers de la ville de Marseille. Les résultats ont été clairs : aucune augmentation des résistances bactériennes aux antibiotiques n’a pu être observée au cours des 15 dernières années. Les chercheurs s’interrogent donc sur la véracité des estimations statistiques qui évaluent le nombre de ces décès à 5.500 par an en France.

Des surinfections bactériennes fréquentes en cas d’infection respiratoire virale sévère

L’équipe note par ailleurs, que si les virus sont évidemment insensibles aux antibiotiques, ils favorisent l’apparition de surinfections bactériennes. En Provence-Alpes-Côte d’Azur, de nombreuses bactéries ont été associées à des infections respiratoires virales au cours de la dernière épidémie grippale. Et plusieurs personnes sont décédées de la grippe du fait d’une surinfection à streptocoque, dont une jeune fille de 13 ans. Les chercheurs insistent donc sur la nécessité d’administrer des antibiotiques aux patients souffrant d’infections respiratoires virales sévères, notamment en présence de comorbidités. Ne se satisfaisant pas des estimations statistiques qu’ils jugent peu fiables, ils appellent également à la mise en place d’un registre des décès liés aux bactéries multirésistantes, de façon à objectiver la menace réelle de l’antibiorésistance associée à la prescription d’antibiotiques.