Que se passe-t-il si nous restons assis plus de huit heures par jour ?

  • Roxana Tabakman
  • Actualités Médicales
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Selon une récente étude latino-américaine publiée dans BMC Public Health, le fait de rester assis plus de huit heures par jour augmente les risques de surpoids ou d’obésité, contrairement à rester assis seulement quatre heures par jour.

Ces données proviennent de près de 8 000 personnes âgées de 20 à 65 ans (dont la moitié sont des femmes) qui ont participé à l’Étude latino-américaine sur la nutrition et la santé (ELANS). L’enquête transversale a inclus des échantillons représentatifs de populations urbaines d’Argentine, du Brésil, du Chili, de Colombie, du Costa Rica, de l’Équateur, du Pérou et du Venezuela. Le temps moyen passé en position assise était de 420 min/j. L’Équateur affichait la durée la plus courte (300 min/j), tandis que l’Argentine et le Pérou affichaient la plus longue (480 min/j).

Aucune durée en position assise n’a été associée à un risque plus élevé pour la santé, mais l’Organisation mondiale de la Santé recommande de rester assis le moins longtemps possible.

« Nous pensions auparavant que toute activité physique intense pouvait compenser une vie sédentaire. Or, nous savons maintenant que le mode de vie sédentaire en général et le temps passé assis en particulier ont un effet direct et constituent un facteur de risque indépendant de maladies chroniques », a déclaré l’auteure de l’étude, Irina Kovalskys, titulaire d’un PhD, spécialiste en nutrition pédiatrique et professeure en nutrition à l’Université catholique d’Argentine et investigatrice principale de l’étude ELANS.

I. Kovalskys a déclaré que la durée moyenne de 420 minutes passée en position assise est inquiétante dans une population telle que celle qui est étudiée, dans laquelle 60 % des adultes sont obèses et où les taux de facteurs de risque cardiométaboliques sont élevés. Elle a affirmé qu’il est important de sensibiliser la population et de se concentrer sur les adolescents.

Felipe Lobelo, titulaire d’un PhD, est un médecin colombien, un maître de conférences en santé mondiale à l’École de santé publique Rollins (Rollins School of Public Health) de l’Université Emory (Emory University), et directeur d’épidémiologie à l’organisation de soins de santé Kaiser Permanente Georgia, à Atlanta, en Géorgie. Il n’a pas participé à cette étude mais promeut le concept d’activité physique en médecine. L’activité du patient doit être prise en compte dans un cadre clinique, et l’amélioration du niveau d’activité physique peut avoir un impact positif sur le pronostic de santé, a-t-il déclaré.

« Pour formuler des recommandations de santé publique ou même conseiller les patients, il est nécessaire de fixer un seuil. Les directives recommandent 150 minutes par semaine d’activité physique modérée à vigoureuse, et certains pays ont commencé à indiquer que nous devrions nous préoccuper du temps que passent les gens en position assise. Il n’existe pas encore d’équivalent au seuil des 150 minutes d’activité physique, c’est pourquoi ces études sont importantes, en particulier dans la population latino-américaine », a déclaré F. Lobelo.

Il explique que le concept d’un risque accru de décès ou de maladie chronique en raison d’un manque d’activité physique est apparu au cours des 50 dernières années, mais que ce n’est qu’au cours des deux dernières décennies que nous avons commencé à réfléchir au temps passé en position assise.

« Passer plus de huit heures en position assise par jour entraîne clairement un risque beaucoup plus élevé de maladies chroniques, y compris d’obésité et de diabète. Il pourrait s’agir d’une association continue et progressive, et le stade auquel cette augmentation devient exponentielle est clairement compris entre six et huit heures passées en position assise », a ajouté F. Lobelo.

Les auteurs s’attendaient à trouver une association linéaire avec le risque de surpoids ou d’obésité après quatre heures, mais ils ne l’ont pas trouvée. « Cette étude a des limites. L’une d’entre elles est que d’autres indicateurs n’ont pas été pris en compte, tels que les indicateurs de santé. Des collaborations sont en train de s’établir avec d’autres groupes de recherche et d’autres études sont en cours de conception », a déclaré l’auteur de l’étude, Gerson Ferrari, titulaire d’un PhD et maître de conférences à l’École des sciences de l’activité physique, du sport et de la santé de la Faculté des sciences médicales de l’Université de Santiago du Chili.

Comparaison des indicateurs

L’étude latino-américaine a tenté d’établir un seuil pour le temps passé en position assise à partir duquel le risque de surpoids ou d’obésité augmente. Elle a utilisé trois indicateurs de surpoids : l’indice de masse corporelle (IMC), le tour de taille et le tour de cou.

Le fait de rester assis pendant plus de 8 heures a augmenté le risque de surpoids de 10 % tel que mesuré par l’IMC et de 13 % lorsque le tour de cou a été utilisé.

G. Ferrari a déclaré que le résultat obtenu en mesurant l’IMC est celui qui devrait être pris en compte, car il est utilisé dans les politiques publiques. Le tour de cou est une mesure de détection plus récente et moins étudiée, mais il constitue un indicateur valable, avec une bonne sensibilité et des avantages par rapport à d’autres mesures, comme la facilité de la mesure et l’absence de variation dans le temps.

Selon les résultats de cette étude, la mesure du tour de cou pourrait être la méthode la plus sensible des trois. Le tour de cou était proportionnellement plus important chez les personnes qui restaient assises quatre heures ou plus par jour, six heures ou plus par jour et huit heures ou plus par jour que chez celles qui restaient assises moins de quatre heures par jour, moins de six heures par jour et moins de huit heures par jour. Cette relation n’a pas été observée pour les autres indicateurs.

Aborder le sujet

« Ce qui importe, c’est la durée ininterrompue en position assise. Il est recommandé d’interrompre les périodes passées en position assise par des périodes d’activité. Les professionnels de santé ont déjà intégré le concept d’activité physique modérée à vigoureuse, mais des activités non intenses sont suffisantes pour réduire le temps passé en position assise. Le yoga n’est peut-être pas une activité vigoureuse, mais il permet de réduire le temps passé en position assise », a déclaré I. Kovalskys.

G. Ferrari a recommandé de communiquer aux patients des messages concrets afin qu’ils passent le moins de temps possible assis. « Il vaut mieux se tenir debout dans le bus ou le métro même s’il y a une place assise. De la même manière, lors d’une conversation téléphonique, il est préférable de marcher ou du moins de rester debout plutôt que de s’asseoir. »

Une revue récente de la littérature menée par des chercheurs de l’Université de Birmingham (University of Birmingham), au Royaume-Uni, a étudié les mécanismes moléculaires et physiologiques possibles liés au temps d’inactivité, les conséquences sur la santé et les stratégies de protection. Elle propose une évaluation des interventions qui peuvent compenser les conséquences négatives immédiates de l’inactivité.

Activité physique

Certaines études suggèrent que plus de 60 min/j d’activité physique d’intensité modérée ou plus de 150 min/sem. d’activité physique d’intensité modérée à vigoureuse peuvent être efficaces pour atténuer le risque accru de mortalité associé au temps passé en position assise, mais qu’une intensité réduite pourrait ne pas être suffisante.

Pauses actives

Interrompre la position assise toutes les 30 à 60 minutes pour marcher ou faire du vélo (2 à 10 minutes), effectuer 3 minutes d’activités de résistance simples toutes les 30 minutes, telles que des levers de mollets ou de genoux, effectuer des mouvements de jambes intermittents (1 minute d’activité pour 4 minutes d’inactivité pendant une séance de protocole de 3 heures), ou faire une pause pour monter les escaliers (5 minutes toutes les heures) peut être bénéfique pour la santé vasculaire. Cependant, toutes les études n’ont pas démontré ces effets positifs. Par conséquent, certaines populations peuvent avoir besoin d’une activité physique d’une intensité ou d’une durée plus importante pour contrer les effets vasculaires négatifs des périodes d’inactivité aiguë.

Postes de travail debout

Les postes de travail debout sont efficaces pour réduire le temps passé en position assise dans les bureaux, mais peuvent être inefficaces pour réduire les altérations vasculaires liées au temps passé en position assise. Bien que certaines études expérimentales indiquent des bénéfices vasculaires, des études épidémiologiques suggèrent que de longues périodes passées en position debout peuvent être néfastes pour la santé vasculaire, en particulier pour les maladies veineuses. Les recommandations d’utilisation doivent être accompagnées de schémas spécifiques sur la fréquence et la durée de la position afin d’obtenir les bénéfices maximums et de minimiser les autres complications vasculaires.

L’un des problèmes relevés par F. Lobelo est que certains médecins demandent à leurs patients s’ils sont actifs, mais ils le font de manière non standardisée. Cette observation l’a amené à publier, en collaboration avec l’Association américaine du cœur (American Heart Association), un article sur l’importance pour les systèmes de santé de considérer l’activité physique comme un signe vital et de l’inclure dans les dossiers médicaux de manière standardisée.

Selon lui, « l’un des avantages d’inclure l’activité physique en tant que signe vital dans les dossiers médicaux des patients est qu’elle nous permet d’identifier les personnes qui sont à risque accru ».

L’organisation de soins de santé Kaiser Permanente pose les questions suivantes : combien de minutes d’activité physique effectuez-vous régulièrement par semaine, et quelle est l’intensité moyenne de cette activité ? Les patients peuvent être classés dans les trois groupes suivants : ceux qui suivent les recommandations, ceux qui n’ont pratiquement aucune activité physique et ceux qui pratiquent une certaine activité physique mais n’atteignent pas les 150 min/sem. d’activité modérée à vigoureuse recommandées.

Il est plus difficile d’enregistrer le temps passé en position assise. F. Lobelo a indiqué qu’« il est plus facile pour une personne de se souvenir du temps qu’elle a passé à courir que du temps qu’elle a passé assise ». En ce qui concerne l’utilisation de la technologie, il a indiqué que la plupart des montres fournissent une bonne estimation. En l’absence de technologie, le temps passé en position assise peut être estimé en demandant le temps passé en voiture, dans le bus ou devant l’ordinateur ou la télévision et en additionnant toutes ces durées.

F. Lobelo a souligné que les deux comportements, le manque d’activité physique et un temps excessif passé en position assise, ont des associations indépendantes avec les résultats en matière de santé. Mais si les deux sont combinés, le risque d’obésité, de diabète et de maladies cardiovasculaires n’est pas seulement additionné mais multiplié. Ces comportements contribuent à l’épidémie d’obésité et de diabète, car la plupart des gens ne suivent aucune des deux recommandations.

« Les études montrent que des deux comportements, le plus négatif pour la santé serait de ne pas suivre les recommandations en matière d’activité physique », a déclaré F. Lobelo. « Si la recommandation de 150 min/sem. d’activité physique modérée à vigoureuse est suivie, le risque associé au fait de passer trop de temps en position assise diminue de 80 % à 90 %. En outre, nous pouvons prévenir, aider à gérer et réduire le risque de complications pour plus de 100 maladies, y compris les infections. Pendant la pandémie, il a été observé que les personnes plus actives avaient un risque plus faible de décéder ou d’être hospitalisées à cause du COVID-19 que les personnes moins actives, indépendamment d’autres facteurs tels que l’hypertension, le diabète et l’obésité. »

F. Lobelo croit par ailleurs en la nécessité de « pratiquer ce que l’on prêche » et préconise que les médecins deviennent des modèles en matière de santé.

F. Lobelo, G. Ferrari et I. Kovalskys n’ont divulgué aucune relation financière pertinente.

Cet article a initialement été publié sur medscape.com.