Que sait-on sur le microbiote aujourd’hui ?

  • Lea Pirot
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Le microbiote intestinal fascine bon nombre de chercheurs dans différents domaines. Le déséquilibre de cette flore pourrait favoriser de nombreuses pathologies.

Le microbiote

Gastro-entérologie

Maladies métaboliques

Rhumatologie

Système nerveux central

Pneumologie

Cardiologie

Gynécologie

Cancérologie

 

Le microbiote

Celui-ci est constitué de bactéries, virus, phages, levures, vers et d’archaes1. Le microbiote intestinal a bénéficié de multiples études et d’autres flores (ex. respiratoire, vaginale) commencent à être mieux étudiées. Chez un individu donné, le microbiote intestinal correspond à 1014 micro-organismes2. Ces espèces sont réparties en 4 principaux phyla : firmicutes et bacteroidetes, qui sont les deux phyla dominants, et actinobacteria et proteobacteria. Les anomalies de la composition de ce microbiote (dysbiose) peuvent favoriser l’hyperperméabilité et l’inflammation de l’épithélium intestinal, et contribuer au développement de nombreuses pathologies chroniques digestives (maladies inflammatoires des intestins, cancer colorectal, …) mais également des maladies du métabolisme, du développement ou des pathologies psychiatriques3. Les principales sources énergétiques du microbiote intestinal sont les glucides et protéines contenues dans les fibres alimentaires non digérées, d’où l’importance de l’alimentation pour maintenir un microbiote équilibré.

 

Gastro-entérologie

Une dysbiose a été observée de façon constante chez les patients atteints de maladie inflammatoire chronique des intestins (MICI). Difficile d’affirmer avec certitude si elle joue un rôle dans la pathogenèse de la maladie par augmentation des concentrations en bactéries potentiellement nocives et réduction des espèces plus protectrices, ou si elle constitue une conséquence du processus inflammatoire4. Certaines études avancent que les modifications du microbiote intestinal induites par certains régimes alimentaires de type occidental (riches en graisses totales et polyinsaturées, oméga-6, ainsi que la consommation élevée de viande) augmenteraient le risque de MICI. Une alimentation riche en fibres et fruits serait quant à elle associée à un moindre risque de maladie de Crohn, et celle riche en légumes à une diminution du risque de rectocolite hémorragique5.

La dysbiose favorisée par l’usage d’antibiotiques joue également un rôle primordial dans les infections à Clostridium difficile. D’autres facteurs favorisant ces infections tels que l’âge avancé, l’utilisation d’inhibiteurs de la pompe à protons, contribuent également à la modification de la composition de la flore intestinale. La greffe de microbiote fécal constitue un traitement novateur très efficace pour diminuer le risque de récidives des infections à Clostridium difficile6.

Les hépatopathies stéatosiques non alcooliques ou NAFLD qui regroupent la stéatose et la NASH (non alcoholic steatohepatitis) se verraient également potentiellement impactées par la dysbiose. Cependant, les résultats des études ayant exploré les différences de populations bactériennes entre patients atteints de NAFLD et sujets contrôles sont encore discordants et nécessitent des travaux plus approfondis7.

Quant au syndrome de l’intestin irritable, un consensus physiopathologique met en exergue un « axe cerveau-intestin » qui, sous l’influence du microbiote, de la sécrétion locale de sérotonine, du stress, des acides biliaires, favorise l’hypersensibilité viscérale et les altérations du transit8.

 

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Maladies métaboliques

La composition et la fonction du microbiote intestinal joueraient un rôle important dans l’obésité et les maladies métaboliques. Cependant, les mécanismes physiopathologiques en jeu ne sont pas encore totalement élucidés. Des liens ont été établis entre dysbiose et diabète de type 1 (DT1) ou de type 2 (DT2). Pour le diabète de type 1, une augmentation de la teneur en Bacteroidetes dans les selles et un appauvrissement en Lactobacillus ont été identifiés chez l’homme lors du diagnostic de diabète et chez les enfants à fort risque de DT19.

Pour le diabète de type 2, une étude a montré que la modification du microbiote pouvait impacter le métabolisme des glucides et la production d’acides gras à chaînes courtes favorisant ainsi la résistance à l’insuline, l’inflammation de bas grade et l’insulino-résistance10,11.

Quant à l’obésité, des travaux ont montré que les individus obèses avaient une proportion relativement plus importante de Firmicutes, or ces derniers généreraient plus d’énergie pour l’homme que les Bacteroïdetes12. Si la composition du microbiote peut impacter le développement de l’obésité, d’autres études ont montré que l’obésité, elle, pouvait influencer la composition du microbiote intestinal. Cause ou conséquence, ces liens restent encore à définir plus clairement.

 

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Rhumatologie

Les liens intestin-arthrite ont été observés en clinique. Si les données sont moins nombreuses dans la polyarthrite rhumatoïde (PR), une augmentation des Provotella copris et une réduction des bactéroidetes a été notifiée dans certaines études dans les PR récentes, naïves de traitement13. Les composants microbiens eux-mêmes ainsi que les métabolites produits par le microbiote à partir de l’alimentation impactent l’activité immunitaire. L’intestin, et plus précisément la muqueuse intestinale constitue un lieu spécifique où la flore coexiste avec les lymphocytes T, B et les IgA, pour maintenir et renforcer la barrière immunitaire. De nombreux modèles expérimentaux animaux ont montré que le microbiote avait un rôle immunomodulateur. La réponse humorale IgA dépend en grande partie des Th17 qui constituent 30-40% des lymphocytes CD4 du chorion intestinal. Les Th17 ont, en plus de leur rôle dans la défense contre les infections bactériennes et fungiques, un rôle dans les pathologies inflammatoires (MICI, rhumatismes inflammatoires, psoriasis, sclérose en plaque). Ainsi, le microbiote comme d’autres facteurs environnementaux (notamment alimentaires), associé à une susceptibilité génétique, pourrait moduler le développement de ces pathologies14.

 

Système nerveux central

Des études commencent à relier les dysbioses aux démences, aux troubles de l’humeur, à la schizophrénie et aux troubles du spectre de l’autisme (TSA)15. C’est ce dernier volet que nous aborderons plus spécifiquement ici. Les enfants souffrant de TSA présenteraient significativement plus de symptômes gastro-intestinaux que les enfants qui n’ont pas de TSA, et leurs symptômes pourraient être corrélés avec la sévérité du TSA16. Des données récentes ont montré qu’il existait une association entre la dysbiose intestinale, la perméabilité intestinale et les réponses immunitaires inappropriées chez des sujets prédisposés aux troubles du spectre de l’autisme.

Joël Doré, directeur de rechercher à l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) et spécialiste de la métagénomique intestinale, a reçu en 2017 le prix Marcel-Dassault pour la recherche sur les maladies mentales pour une étude observationnelle baptisée MicrobiAutisme17. Selon cette dernière, la prévention des dysbioses – en particulier chez un terrain métabolique, inflammatoire- constitue une voie de prise en charge des maladies psychiatriques qui doit être intégrée à une démarche globale. Des études sont encore nécessaires pour bien préciser les liens potentiels entre microbiote intestinal, inflammation et TSA, car à ce jour il convient de rester prudent, les troubles de l’immunité et les dysbioses intestinales n’étant pas spécifiques du TSA. Par ailleurs, les troubles gastrointestinaux et inflammatoires ne sont pas retrouvés de manière systématique à travers les études chez tous les sujets ayant un TSA.

 

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Pneumologie

Le microbiote respiratoire bénéficie de moins d’études que le microbiote intestinal, car celui-ci a été considéré comme stérile chez le sujet sain jusque dans les années 2010. Cependant, la mise en évidence d’un microbiote respiratoire en interaction constante avec le système immunitaire de l’hôte a permis d’extrapoler de nouvelles explications sur la physiopathologie de l’asthme. Des études ont montré que le microbiote respiratoire des sujets asthmatiques différait quantitativement et qualitativement de celui du sujet sain. De même des disparités existent en fonction de la sévérité de l’asthme et de la réponse aux corticothérapies18. Des modèles animaux ont permis de mettre en évidence qu’un déséquilibre précoce du microbiote respiratoire par différents facteurs périnataux constituait un facteur favorisant le développement d’un asthme plus tardivement dans la vie. Des études conduites chez l’animal ont mis en exergue que le microbiote respiratoire influençait la réponse inflammatoire allergique au niveau des voies aériennes19. La recherche doit encore confirmer un certain nombre de données chez l’homme, mais qui sait, peut-être que l’émergence et/ou la restauration d’un microbiote respiratoire sain pourrait à l’avenir constituer une stratégie de prise en charge de l’asthme.

 

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Cardiologie

L’étude du microbiote et des stratégies thérapeutiques préventives ou curatives des dysbioses constituent également des axes de recherche dans le contrôle des maladies cardiovasculaires.

Trois métabolites ont été identifiés comme potentiellement délétères dans les maladies cardiovasculaires et/ou métaboliques : le TMAO (trimethylamine N-oxide), les acides biliaires (AB) et les acides gras à chaîne courte (AGCC).

Le TMAO est le métabolite de la triméthylamine, produit fortement présent dans la viande rouge, les œufs et le fromage, et issu du métabolisme de la phosphatidylcholine par le microbiote. Des modèles animaux ont montré qu’une augmentation de la concentration en TMAO favorisait l’athérosclérose. En 2013, une étude publiée dans le New England Journal of Medicine confirmait l’association entre les taux circulants de TMAO et la survenue d’accidents cardiovasculaires majeurs chez le patient coronarien20.

Autres métabolites intéressants : les acides biliaires. Ceux-ci sont métabolisés par le microbiote en acides désoxycholique et lithocholique (DCA et LCA). Les acides biliaires seraient des molécules protectrices des maladies cardiovasculaires par leur action anti-inflammatoire et anti-athérogénique par inhibition de la production de cytokines pro-inflammatoires (TNFα, IL-1ß, Il-6)21.

Enfin, les acides gras à chaîne courte issus de la fermentation des fibres alimentaires par le microbiote intestinal (principalement les acides acétique, propionique et butyrique) auraient un rôle sur les cellules endothéliales et les leucocytes et interviendraient dans l’inflammation et sa régulation. Cependant il existe encore très peu d’études sur le sujet22. Un travail mené chez des patients ayant des antécédents d’AVC et des sujets sains a montré que la flore intestinale des premiers était impliquée dans la synthèse de peptidoglycanes pro-inflammatoires et d’acides gras libres oxydants, alors que la flore des seconds était impliquée dans le métabolisme des lipides solubles anti-inflammatoires et antioxydants23.

 

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Gynécologie

Si une infection persistante à papillomavirus humain (HPV) est nécessaire, elle est non suffisante au développement d’un cancer du col de l’utérus. Et, des données suggèrent que la population bactérienne vaginale pourrait jouer un rôle dans la persistance du virus et le développement du cancer du col de l’utérus. Ainsi, une méta-analyse (portant principalement sur des études longitudinales) a montré que la vaginose bactérienne serait associée à un taux plus élevé d’infection à HPV (12 études, OR 1,43 [1,11-1,84])24.

Sur un autre sujet, de nombreuses études ont évalué l’impact des stérilets sur le microbiote vaginal. À ce jour, les résultats restent encore contrastés.

Enfin, une étude a montré que le lavage vaginal pourrait réduire la concentration en certaines espèces (L. crispatus) associées à la bonne santé vaginale, et augmenter la présence d’autres bactéries associées à la dysbiose25. Cependant, d’autres études sont encore nécessaires pour confirmer l’impact de ces lavages sur la flore locale et la restauration de celle-ci après l’arrêt de ces traitements.

 

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Cancérologie

Des études récentes ont montré qu’il existait d‘importantes différences dans la composition du microbiote de personnes saines et de celles porteuses d’un cancer colorectal. Ces dysbioses ne seraient pas la conséquence de l’évolution de la maladie, mais pourraient avoir un rôle actif dans son évolution. Certains travaux évoquent que le dépistage du cancer colorectal par des méthodes non invasives basées sur la composition de la flore intestinale pourrait permettre d’identifier des lésions à un stade pré-tumoral26. D’autres travaux montrent une variation de la réponse aux chimiothérapies et aux immunothérapies en fonction de la composition du microbiote, par différents mécanismes pharmacologiques, nommés TIMER (Translocation, Immunomodulation, Metabolism, Enzymatic degradation, and Reduced diversity and ecological variation)27. Toutes les données dans ce domaine vont permettre d’ouvrir la voie à de nouvelles stratégie thérapeutiques, l’objectif étant d’optimiser la réponse des traitements conventionnels en limitant les effets indésirables.

 

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